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FOI, FIDEISME

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l’Américain J. W. Drai’F.r sur Les cmifliis de la science et de ta lelijiiiin. Un livre analogue a été l’ait, il y a uncquinzaine d’années, par l’Américain A. U. WniTE, Histoire de la lutte entre la science et la théologie, qui a été traduit en français, Paris, iSyg, et dont on annonçait, il y a quelques semaines, la iG° édition allemande. C’est un ramassis Je faits inexacts ou mal interprétés, d’où il doit ressortir avec évidence, au regard de l’auteur, que la lliéologie.ou la foi, est l’ennemie née de la science, et qu’il doit y avoir entre elles antagonisme irréductible, jusqu’à ce que « ceci ait tué cela 0, suivant le mot célèljre, dont le sens est précisément, dans la bouche du personnage de Ilugo, que la science finira par tuer la religion.

Sans rap|)eler ici ni Hæckf.l, ni M. Lu Dantec, qui ne connaît, au moins par oui dire, les deux tableaux du monde dressés par Taixk, le tableau selon la foi et le tableau selon la science, pour en souligner l’irréductible opposition ? L’abbé de Bhoglir montrait i|uc ce qui, dans le tableau selon la science, est opposé à la foi, ce ne sont pas des faits acquis, mais dis hypothèses scientiliqucs hasardées ou des opinions philosophiques sans consistance, et que ce qui, dans le tableau du monde selon la foi, est opposé à la science, ce ne sont pas îles données de foi proprement dites, mais de fausses interprétations des données de foi, ou peut-être çà et là des opinions théologiques sans lien nécessaire avec la foi.

Il n’y a pas longtemps, dans des débats célèbres, le l’. Wass.mann faisait la même démonstration à Berlin, contre les assertions de Hæckel, et rappelait le fait de truquage audacieux par lequel celui-ci avait voulu mettre dans l’embarras ceux qui soutiennent qu’on ne voit nulle part la vie se développer aulreuu’iit que d’un germe vivant. Malgré tout, on prétend (|iie la science doit enfin exorciser le divin du monde où nous sommes.

M.E. BouTBOLx, dans son livre. Science et religion dans la philosophie contemporaine, Paris, igo8, examine la question en historien philosophe. Il admet i|u’il y a conflit, et que la solution adéquate n’est ni celle des cloisons élanches, ni celle de Comte, ni celle de Spencer, ni celle de Hæekel et du monisme, ni celledu psychologismeet du sociologisme, ni celle de Kitschl et du dualisme radical, ni celle des domaines sé[iarés, ni celle du pragmatisme, bien qu’il y ait, dans plusieurs au moins de ces systèmes, des éléments de solution. Celle de M. Boutroux, un peu vague d’ailleurs et imprécise, de tendance plutôt que de principe, quoique se rapprochant beaucoup, sur bien des points, de nos propres positions, ne saurait être tout à fait la nôtre, puisque nous croyons à la révélation et aux dogmes révélés, puisque notre foi inq)lique un certain nombre de vérités acquises pour jamais, et que la foi en la vérité, toute compatible qu’elle est avec la tolérance pratique et l’amour des personnes, est par nature et par devoir intolérante de l’erreur, comme l’est et le doit être la vérité.

C’est une présomption en faveur de la foi, qu’il y ait des savants qui croient, et qui professent n’avoir jamais été gênés dans leurs recherches par leur foi, ni troublés dans leur foi par leurs études scientiûques. Mais ce n’est pas une solution ; car d’autres prétendent le contraire. Il faut serrer la question de plus près et voir si la foi est vraiment opposée aux conditions du progrès scientifique, à la libre recherche, à l’esprit critique, etc. ; si un croyant est, comme tel, incapable de véritable esprit scientifique, et d’araour désintéressé pour la science.

2. l.e débat ; raisons pour et contre. — Au nom des droits de la science, le rationalisme soutient que le conilit est irréductible entre la science et la foi, telle

du moins que l’entendent les catholiques. La science, dit-on, est essentiellement libre : elle ne connaît pas d’entraves, elle ne saurait être liée par des opinions ]>réconçues, ni accepter des solutions toutes faites, ïlien de plus commun, notamment dans les revues scientifiques allemandes, que le reproche fait aux catholiques et même aux protestants « orthodoxes », c’est-à-direà ceux qui admettent l’autorité divine des Livres saints, de n’être pas libres dans leurs recherches ni dans leurs solutions ; rien de dédaigneux souvent, chez les i)rotestanls libéraux de l’école dite historique autant que chez les purs rationalistes, comme leur attitude d’émanci|)és, de savants sans préjugés, en face des elforts de la science catholique. On se rappelle peut-être la campagne menée, il y a quclquesannées, en.llemagne contre la nomination ci’uu professeur catholique à l’Université de Striisbourg. Le cas de Martin Spaun fut discuté avec acharnenu’nt, non pas seulement par la pressesectaire, mais par des savants de premier mérite. Le vieux Théodore MoMMSKN entra lui-même en lice ; Haunack lit chorus. Ce fut une levée générale de boucliers, au nom de la science libre et de la Voraiissetzungslosig/e17 nécessaireau savant. Maintenant encore, la Theologisclie /.ileratiirzeiliiiigrevienlà chaque instant sur ce point quand il est question d’ouvrages catholiques.

Kenan renvoyait le reproche aux protestants libéraux, en disant que si le catholique était l’oiseau en cage, le protestant libéral élail l’oiseau avec un til à la patte, libre en ap[iarence ctdans certaines limites, naais non pas en réalité ni absolument.

En fait, nul n’est libre de tout préjugé ni de toute opinion préconçue. Le matérialiste qui nie Dieu, le rationaliste qui part du principe que Dieu n’inter ient jamais par une action spéciale dans les choses humaines, sont-ils plus libres en facedu faitmiraculeux que le catholique, qui admet Dieu et lapossibilitéd’une intervention extraordinaire ?

Mais, dit-on, le catholique n’est jamais purement savant. Il n’aime pas et ne cherche pas la vérité pour elle-même. Il est toujours apologiste, et la préoccupation apologétique fausse nécessairement son jugement. Assertions gratuites, et qu’on peutloujours jeter à ses adersaires. U y a des catholiqvies passionnés ; mais sont-ils les seuls ? U yen a que leurs préjugés empêchent çà et là de voir juste ; mais n’y a-t-il qu’eux dans ce cas ? Ce n’est pas comme catholiques qu’ils agissent ainsi, s’ils le font, non plus que comme savants. La foi catholique, parla même qu’elle prétend être avant tout un assentiment à la vérité, et qu’elle fait profession de ne croire que sur bonnes raisons, est sympathique à la vérité, faite pour en développer l’amour, favorable aux procédés rationnels. Xe lui reproche-t-on pas surtout d’être trop intellectualiste ? Tandis que, à côté de nous, on tend généralement à reléguer la religion dans le domaine du sentiment, où la critique n’atteigne pas, où la question même de vérité ne se pose pas ou se pose à i)eine, nous sommes les seuls pour qui la question de vérité religieuse est une question de vie ou de mort, pour qui la critique garde tous sesdroitsen matièrereligieuse. Je ne crois que là oùje voisque jedois croire. Où donc, ailleurs que chez nous, trouve-t-on encore des gens qui croient à la vérité, et qui font profession d’être prêts à mourir pour la vérité ? Nevvma.v, encore anglican, signalait comme un trait distinctif de l’orthodoxie chrétienne le souci de la vérité. Où donc, ailleurs que chez nous, prétend-on justifier rationnellement sa croyance et rendre raison aux autres et à soi-même de l’espérance qui est en nous ? Par le fait qu’elledonne, danssa théorie de la foi, une place essentielle aux raisons de croire, par le fait que ses théo-