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FOI, FIDEISME

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son travail pour voir où se serait glissée l’erreui-, comme on fait pour un calcul où l’on s’est trompe. La ilonnce de foi, dans ce cas, avertit après coup de l’erreur commise. — Mais il ne paraît pas que ce soit là le processus psycliologique normal : on ne se dédouble pas ainsi jiour refaire ai>rès coup la synllicse du croyant cl du clierclieur. Si la chose était possible en fait, je ne crois pas qu’elle fut licite en principe. Le jeu, à coup sûr, en serait des plus risqués. Car on ne revient passur lesdémarches de sa pensée, comme on revient sur ses pas quand on s’est égaré ; l’objet et le sujet ne font qu’un dans le dynamisme d’une pensée qui se meut ; l’homme et le croyant s’engagent nécessairement, et souvent s’engagent à fond, dans les elfortsdu chercheur. Sans compter qu’il n’est guère psychologique, ce semble, de distinguer, comme cm fait dans cette hypothèse, le moment île la recherche et celui de la trouvaille, celui de l’examen et celui de la conclusion. Il y a donc trop de factice dans cette explication, tout analogue à celle des cloisons étanchcs imaginées par Renan. Enfin, mêmesi la réponse était juste, ce ne serait pas une solution : elle déplace la dilluulté, elle aide à éviter le conflit ; mais elle ne résout pas le problème. El elle laisse subsister cette idée fausse, qu’il faut faire abstraction de sa foi pour produire de bonne besogne scientifique, et que, plus on a l’esprit de foi, moins on peut faire œuvre de science.

Il faut donc renoncer à cette idée de séparatisme factice et faux. C’est dans la lumière de la foi que le croyant travaille et cherche, comme c’est dans la lumière de la foi qu’il juge et conclut ; ou, s’il n’en est pas toujours ainsi de fait, rien ne s’oppose, en principe, à ce qu’il en Boit ainsi. Est-ce àdirequec’est par cette lumière qu’il se dirige dans ses recherches de savant, d’après ses indications qu’il procède ? Est-ce elle qui lui marque sa route et commande sa méthode ? L’affirmer serait oublier la distinction des domaines et l’indépendance de chaque discipline dans sa propre sphère, choses que le Concile du Vatican a si nettement reconnues et si lumineusement expliquées. Autant le séparatisme est faux et factice, autant la confusion des deux ordres est à la fois antiscientilique et antidoctrinale. La solution du problème est dans la distinction précise et dans l’union harmonieuse.

Le savant qui croit, ou le philosophe, n’a pas une physique et une chimie de croyant, comme quelqu’un l’a dit avec un sot dédain, pour se débarrasser des belles théories de M. Dihem, une science ni une philosophie de croyant ; ni dans ses recherches ni dans ses conclusions, il ne demande à sa foi des réponses que celle-cin’a pas à lui donner. S’ils’agit descienees qui n’ont rien de commun, dans leurdomainepropre, avec la foi, la chose est évidente ; même s’il y a des points de contact, un terrain commun, il reste que l’objet formel est autre, autres les méthodes de recherche et les principes de solution. Le croyant qui fait de la critique biblique doit procéder d’après les méthodes et les principes de la critique biblique. Ces méthodes et ces principes sont ceux de la critique en général. Mais le croyant a une donnée certaine en la matière, qui manque à l’incrojant ; car c’est une donnée certaine que la Bible est inspirée et comme telle sans erreur (au sens où l’Eglise entend et explique l’inspiration et l’inerrance). Cette donnée (avec quelques autres encore) est spéciale, propre aux livres bibliques, et elle peut singulièrement éclairer l’exégète. Il a donc de ce chef un avantage sur l’exégète rationaliste, qui, faute de cette lumière spéciale, traitera les livres bibliques comme des livres ordinaires, et partant fera fausse route en bien des cas où l’exégète averti se gardera de l’erreur.

Nous supposons ici que l’inspiration et l’inerrance sont chose réelle. Mais nous ne le supposons i)as sans preuve. Ceuxquile nient ne le font qu’en vertu d’un a priori bien moins scientifique que l’a priori apparent de notre foi. Cette supposition d’ailleurs n’éteint pour nous aucune lumière, ne nous empêche de rien voir de ce que voit l’incroyant. Elle nous aide seulement, en nous gai’dant de l’erreur et nous avertissant où il ne faut pas chercher la solution, vu qu’elle n’y est pas, nous indiquant du même coup où nous pourrions la trouver.

Et cela s’aj)plique partout. Pourquoi celui qui croit en Dieu, en la Providence, au miracle, à la liberté humaine, etc., serait-il moins apte à saisir et à comprendre les réalités historiques, les faits biologiques, etc., que l’athée, le matérialiste, le déterministe absolu ? Et puisque préjugé il y a partout, lequel sera I)lus favorable à la science et à la recherche delà vérité, le préjugé vrai ou le préjugé faux ?

3. Etude de la question dans un cas concret. — Pour terminer cet article, il peut être utile d’étudier, sur un cas concret, comment procède l’objection sur l’inconqiatibilité entre la foi et la recherche vraiment scientifique. Il se rencontre un exemple très clair, ce me semble, dans la Theolo^ische Literalurzeitung du lo juin igii, n° 12, p. 358-360. C’est la recension, par M. Herraann Gu.nkel, du livre de M. Steinmbtzeh sur « l’histoire de la naissance et de l’enfance du Christ, et sonrapport avecles mythes babyloniens ». Les remarques de Gunkel sont d’autant plus intéressantes que le recenseur est des plus en vue, et qu’il veut être bienveillant. « Nos collègues catholiques, dit-il, nous rendent la lâche assez didieile d’apprécier leurs études bibliques. Car, d’une part, ils sont devenus tout à fait « comme un d’entre nous » : ils lisent nos livres avec une ardeur extrême, ils suivent nos procédés de démonstration et cherchent à nous battre avec nos propres armes. Mais si l’on va au fond des choses, ils demeurent toujours, même comme biblistes (BiŒlforscher), lies à la doctrine de leur Eglise. Quand donc, dans les questions bibliques, ils entrent en rapport avec la science moderne, ils ne le font pas parce qu’ils veulent se mettre vraiment à critiquer la vérité des vues ecclésiastiques, mais pour montrer que cette vérité, qui pour eux est déjà certaine pour d’autres raisons, peut aussi être prouvée par des arguments « empruntés à la science et admis par les adversaires « (Gunkel a pris les mots entre guillemets au discours inaugural du P. Zapletal, Sur quelques devoirs del’e.régi’se catholique en matière d’Ancien Testament, p. g). Us doivent nous pardonner si nous, de notre côté, nous ne pouvons tenir ce procédé pour proprement scientifique. Car nous ne pouvons trouver un procédé scientifique que là où il s’agit de chercher la vérité et où le résultat n’est donné au préalable, ni dans le détail ni dans l’ensemble, par quelque autorité que ce soit. Si prêts donc que nous soyons à reconnaître le savoir, la pénétration, et autres qualités d’ailleurs si précieuses de nos biblistes catholiques, on ne doit pas s’étonner pourtant si notre joie de leur collaboration est une joie mêlée. » Voilà qui est bien loin, on le voit, du ton rogue et dédaigneux d’aulrefois. Mais, pour polie qu’elle soit, c’est toujours une fin de non recevoir. Examinons les considérants. Quand une donnée est de foi, nous n’avons plus à la mettre en question. Mais c’est que pour nous elle est acquise. La science n’exige pas évidemment que chacun retasse pour son compte la vérification de tout, et recommence à neuf tout le travail scientifique du passé. Mais, dit-on, la donnée de foi n’est pas acquise comme donnée scientifique. On pour rait