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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/517

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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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le corps ensfijfnanl, de raniiiteiiir l’accord entre des hommes parfois très dillërents de tempéraments et de tendances inlellcctuelles ; il y a même eu des crises doctrinales. De tout cela on est sorti — je cite encore le cardinal Mercier — « grâce à la volonté opiniâtre et à l’abnégation persévérante de trois générations d’évéïiues, de prêtres et de laïques, par ailleurs accablés de tant de nécessités et de labeurs ». Cette énergie et cette abnégation sont encore aujourd’hui nécessaires pour maintenir l’université de Louvaiu au niveau où elle s’est élevée. Il importe notamment que s’apaisent les déplorables rivalités entre Wallons et Flamands qui se sont réveillées depuis 1886. Si les Flamingants réussissaient à l’aire transformer en une université purement flamande l’université d’Etat de Gand, ce serait la lin de l’éclatante prospérité de Louvain et de l’action commune des catholiques belges. Ceux-ci ont donné trop de preuves de leur sens politique, pour qu’on ne soit pas en droit d’espérer qu’ils éviteront, dans l’avenir comme dans le passé, les divisions qui ailleurs ont paralj’sé l’essor des universités catholiques.

b) Fribourg. — Après Louvain, si nous laissons de côté les universités catholiques françaises, dont nous traiterons à part, la principale université catholique qui soit en Europe est celle de Fribourg, en Suisse, fondée, il y a vingt-quatre ans, en 1889. Elle est l’œuvre avant tout d’un homme dont tous les catholiques doivent prononcer le nom avec reconnaissance et respect, le conseiller d’Etat Python, directeur de l’instruction publique du canton de Fribourg. C’est lui qui, d’accord avec son ami, le socio logue Decurtins, a voulu et réalisé l’Université de Fribourg.

Ce n’était certes pas un petit problème que de la constituer et de la faire vivre dans ce canton tout agricole de 200.000 habitants, entre les trois universités voisines de Berne, de Lausanne et de Genève. Il était de toute évidence que la Suisse catholique ne sulllrait pas à l’alimenter de maîtres et d’étudiants ; aussi, du premier coup, M. Python la conçut internationale, et cela môme plaisait à son esprit catholique. Puis il comprit que Fribourg étant à la limite même des deux langues et des deux cultures française et allemande, l’université pouvait être en quelque sorte h" lieu de rencontre des deux civilisations latine et germanique. Il la constitua donc sur le tjpe des universités allemandes, mais il lit très forte la part de l’élément français dans le corps enseignant. Dès lors l’université de Fribourg ét, iit fondée ; elle pouvait vivre, elle i)ossédait ce qui l’ait son originalité, ses mérites et aussi sesdidicultés, puisque toute organisation a ses inconvénients.

Son originalité et ses mérites. Professeurs et étudiants se recrutent dans tous les pays du monde ; il y a des Allemands, des Anglais, des Suisses, des Français, des Italiens, des Espagnols, des Polonais, des Slaves de diverses nations.

Cet extrême mélangea incontestablement pour les étudiants de très précieux avantages ; ils se trouvent comme en >in carrefour de civilisations, de races, de langues, d’idées et ont ainsi toutes sortes de termes de comparaisons. Cela est bon aussi pour les professeurs, en dehors même de l’émulation qu’une telle concurrence excite naturellement entre eux.

Dillicullés d’autre part et inconvénients, en raison des rivalités, des luttes d’influences qui se manifestent, parfois très vivement, dans le corps professoral ; .allemands et Français se disputent la prépondérance au sein de chaque faculté : on a vii, il y a quelques années, treize professeurs allemands dépités donner d’un seul coup leur démission et les uni versités allemandes de l’Empire prendre à l’égard de Fribourg de mesquiues représailles ; il a fallu toute l’auturilé, tout le tact du directeur de l’instruction publi(]ue pour maintenir ordinairement l’accord et l’équilibi-e des diverses forces en présence. Le défaut du système se manifeste aussi dans le choix même des professeurs. Les groujies se faisant des concessions réciproques veulent proliter jusqu’au bout des concessions en nommant professeurs des Allemands d’Allemagne, ou des Français de F’rance. Il en résulte que la Suisse catholique, en particulier la Suisse romande, est trop særiliée, et que l’université de Fribourg, très bien posée au point de vue international, risque de ne pas devenir ce qu’est Louvain pom- la Belgique, c’est-ii-dire le grand centre intellectuel qui formerait à la vie religieuse, scientifique, politique et sociale, les catholiques suisses. Et certes, en face des centres prolestants ou rationalistes de Berne, de Lausanne et de Genève, ce serait une œuvre capitale. Il est fort à souhaiter que l’on arrive à concilier les deux ternies du problème, le caractère international et le caractère national de l’université. Organisée à l’allemande et par conséquent très indépendante dans le recrutement de ses maîtres, elle n’est pas facile à manier.

Au point de vue français, le ministère de l’instruction publique a compris l’intérêt qu’il y a pour notre pajs à exercer son influence sur ce point extrême de la culture française. Les maîtres qui enseignent à F’ribourgy sont régulièrement autorisés et les années qu’ils y passent leur sont comptées comme s’ils professaient en France. L’un d’eux est arrivé à la Sorbonne, un autre au Collège de France, etc.

On a fait un grief au gouvernement fribom-geois d’avoir coidié jucsque toutes les chaires de la faculté de théologie, ainsi que l’enseignement de la philosophie, à des religieux, et même à un seul ordre, celui de saint Dominique. Mais il était fort difficile à une université catholique, qui était en même temps une université d’Etat et ne dépendait pas directement des évêques. de procéder autrement. Il importait avant tout de donner des garanties sérieuses d’orthodoxie ; et on ne voit pas très bien, en des matières aussi délicates, la nomination des maîtres exposée à tous les hasards, à toutes les fluctuations d’opinion d’un corps hétéroclite, ou bien à l’appréciation d’un directeur de l’instruction publique qui, à tel jour, pourrait appartenir au parti radical.

Outre la faculté de théologie, l’université de Fribourg en possède trois autres : droit, lettres-philosophie, sciences. Les étudiants en médecine peuvent passer leur première année à la faculté des sciences et y passer l’examen fédéral de sciences naturelles ; plusieurs lK’)pitaux et cliniques préparent la future faculté de médecine.

Elle compte un peu plus de professeurs que l’Institut catholique de Paris, 77 contre 69. et beaucoup moins que Louvain qui s’élève jusqu’à 133 ; ils se divisent comme en Allemagne en trois catégories : professeurs ordinaires, professeurs extraordinaires et privat-docents.

Le nombre des étudiants immatriculés, non compris les auditeurs libres, dépasse Coo ; en 1911-1912, il a atteint 679, pendant le semestre d’hiver : théologie 340, droit 128, lettres-philosophie 115, sciences 120 ; auditeurs inscrits, 74.

A l’ombre de l’université, vivent plusieurs institutions ; le vieux collège Saint-Michel, l’un des meilleurs de la Suisse ; le jeune collège ou villa Saint-Jean, jiour les Français, dirigé par les Marianisles, plusieurs écoles pour les jeunes tilles qui veulent préparer leurs grades ; des scolasticats d’ordres religieux ; des conyicts pour étudiants ecclésiastiques ;