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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/536

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IXSURRECTIOxN

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« Qu’il soit permis à chaque citoyen Je résister activement

et par la force (au moins s’il s’agit de défendre sa vie et l’intégrité de son corps) à un prince qui cherche à lui causer un préjudice évidemment injuste et grave, et de l’empêcher d’accomplir sa volonté, c’est l’opinion à peu près commune des théologiens. N’importe qui a en elTet le droit de se défendre de toutes ses forces contre n’importe quel injuste agresseur, dans l’acte même de l’agression. Les citoyens peuvent donc se prêter main-1’orte les uns aux autres contre l’injuste agression du roi ou de ses agents, et se liguer dans ce but par un traité. Pour cela, en eCfet, pas n’est besoin chez eux de la souveraine puissance : les sujets ne jugent ni ne déposent le souverain, mais ils ne font que se défendre, eux et lems biens.

< Ces principes valent en droit, et à ne regarder les choses que dans l’abstrait. Dans le concret, par accident, il arrivera souvent que pareille défense entraînerait de plus grands maux, et qu’il faille s’en abstenir. » (Philosophia moralis, 3" édition, 1900, n*616.) Même après Cathrein, il y a encore prolit à entendre C.VSTBLEIN :

« La tjTannie habituelle et grate. en violant le

pacte fondamental, détruit le titre du pouvoir.

« Quatre conditions cependant sont requises pour

que soit licite la résistance active :

« 1° Qu’il ne reste aucun autre moj"en efficace d’enrayer

la tyrannie, par exemple, prières, exhortations, résistance passive, qui toutes doivent être essayées au préalable ;

« a° Que la tyrannie soit manifeste, de l’aveu

général des hommes sages et lionnètes ;

« 3° Qu’il y ait cliance probable de succès ; 
« 4’^ Qu’il y ait lieu de croire que de la chute du

tyran ne sortiront pas des maux plus graves.

« … Avec Bellarmin, Suarez. Balmos, Blanchi, avec

toute l’école du passé, nous disons que la résistance active est licite sous les quatre conditions précitées, quand le tyran machine la ruine de l’Etat. (Institutiones Philosophiæ moralis et sucialis, jSijg, p. li&’j.) Mais c’est Meyeu qui dans ses Institutiuiies Juns naturalis donne à cette doctrine tout le développement qu’elle comporte :

« Dans les cas extrêmes lorsque, à raison des circonstances, 

la résistance passive apparaît inefficace ou pratiquement impossible, qu’est-ce que permet et légitime la stricte règle du droit naturel, sinon la perfection chrétienne ?

a Ce n’est pas une raison, parce que cette question est pratiquement épineuse, pour paraître l’ignorer spéculativemenl, comme on le fait d’habitude, et passer à coté en silence. Attendu que les circonstances en rendent quelquefois impérieusement nécessaire une solution pratique quelconque, sans laisser la ppssibilité ni de l’esquiver ni de la remettre, il vaut mieux, au préalable, l’avoir résolue théoriquement en conformité avec les principes de la saine raison.

« Thèse. — // peut y avoir quelquefois des circonstances, 

oii la résistance active au.i- abus de l’autorité publique, prise en soi, n’est pas contraire au droit naturel.

« Preuve. — De même que tout individu a un droit

inné de pourvoir à sa conservation, etparconséquent de se défendre à main armée contre la violence d’une injuste agression, sans toutefois excéder la mesure que légitiment les besoins de la défensive, de même un peuple, que son unité sociale constitue en personne morale, doit nécessairement être pourvu par la nature du même droit essentiel. Le droit naturel de défense s’étend en ellet sans exception à toute créature raisonnable, et par suite a pari ou a fortiori à une personnalité humaine coUecti e. Donc, toutes

les fois qu’un abus lyrannique du pouvoir, non pas transitoire mais poursuivi constamment et systématiquement, aura réduit le peuple à une extrémité telle que, manifestement, il y va désormais de son salut, par exemple s’il s’agit d’un danger imminent pour l’Etat à coniurer, ou des biens suprêmes et essentiels de la nation, et en première ligne du trésor de la vraie foi à sauver d’une ruine certaine : alors, de par le droit naturel, à une agression de ce genre, autant que le réclament la cause et les circonstances, il est permis d’opposer une résistance active. L’Ecriture nous présente un illustre exemple de ce mode de défense dans l’histoire des Macchabées…

i. N’importe quel groupe de citoyens, même sans constituer une personne morale complète, ni une unité sociale organique, en vertu du droit personnel inhérent à chaque individu, peut, dans ce cas d’extrême nécessité, mettre en commun les forces de tous, pom’opposer à une oppression commune le faisceau 1 d’une résistance collective. » (Inslitutiones Juris naturalis. 1900, t. ii, n" 53 1, ôSa.)

Les citations pourraient se multiplier à rencontre de l’opinion régalienne. Dans le passé, outre Cvjé-TAN (in II, II, 42, 2) et SU.4J1BZ (De Corilate, à. xui, s. 8 : Defensio Fidei. 1. VI, c. iv, SS 5 et 6), c’est le cardinal Dii’ERRON alléguant devant le Tiers, aux Etals généraux de 1614, « la résolution des soldats de Valentinien, qui lui dirent qu’ils seraient pour saint .mbroise, s’il voulait entreprendre sur l’Eglise : que Les basiliques étaient aux évêques et non aux empereurs. » (Cf. Des Etats généraux et autres Assemblées nationales, la Haye, 1789, t. XVI, 2’partie, p. 129.) C’est Lessius déclarant qu’il est permis à tons, laïques et clercs, de défendre leur vie contre un injuste agresseur, « quel ipi’il soit, même supérieur. Donc permis… au serf contre son seigneur.au vassal contre son prince(/>e Justitia et Jure, secl. 11, cap. 9. dub. 6). C’est Gkhson enseignant que « si le souverain fait subir à ses sujets une persécution manifeste, obstinée, effective, alors s’applique cette règle naturelle r il est permis de repousser la force par la force » (/>ecem considerationes principibus et dominis utilissimae, 7^ consideratio. Opéra omnia, Parisiis, 160(>, t. II, pars 2, col. 828)

i’im vi repellere omni’s leges oinniaque jura permittunt : c’est en effet une maxime qui reparait à toutes les pages des Décrétales ; une fois, notamment, en faveurd’un dignitaire ecclésiastique molesté dans ses biens par un officier de justice (Ixmocbxt IV, Sexti Décret., 1. V, tit. xi, c. 6 ; cf. Alexandre III, Décrétai. . 1. V, tit. XXXIX, c. 3. et Innocent III. Décrétai., 1. ii, tit. xiii, c. 12), et une fois aussi avec cette clause qui est une justification : non ad sumendam vindictant sed ad injuriam propulsandam (Innocent 111, Décrétai. , l. V. tit. XI. c. 18).

Non par mesure vindicative, mais par mesuredéfensive : c’est aussi, dans les conflits avec l’Etat, 1* constante distinction des modernes. > Pas n’est besoin, danscecas, écrit ScHiKFiNi. d’aucune juridiction. Il suffit bien, semble-t-il, du droit de légitime défense inhérent à la société comme aux individus. » (Dispntatione.’i Philosophiæ moralis, 1891, t. II, pp. ibi, 453.)

De même le cardinal Zigliaba : < Dans ce cas, il n’y a pas résistance à l’autorité, mais à la violence ; non pas au droit, mais à l’abus du droit ; non pas au prince, mais à l’injuste agresseur et transgresseur de nos droits, dans l’acte même de son agression. (Sunuim philosophica, 5’édition. 1884, t. III. p. 269.) Et quel que soit le prince ; car, comme l’observe fort justement CErnrn, dans ses Eléments de droit naturel : u Ces principes trouvent aussi leur appiteation dans le cas où le souverain serait le peuph