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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/561

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IRAN (RRLIGION DE L)

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plus ; la forme.4s-saia Mu-za-as marque un stage très ancien de la langue. Il est donc assez vraisemblable qu’il faut rcinonler plus liaul ([u’Assourbanipal, et Hommel est du moins dans les probabilités quand il assigne son introduction dans le panlliéon assyrien à la période cassite, entre i^oo et 1200 avant J.-C. Ce serait reculer Zoroastre bien loin I

La tradition de l’Iran n’a pas des prétentions si hautes. Elle place le commencement de lu religion a^a ans ou 300 ans avant Alexandre. Donc Zoroastre aurait vécu de G2Ô à 5/|8 ou de 660 à 583 avant J.-G. (GuLD.MiR, /. laud.). Mais il faut observer que celle tradition est de basse époque. Elle ne paraît i>as antérieure au IX* siècle de notre ère et n’est proliablenienl (pie le résultat de l’assimilation entre Vislitaspa, le disciple couronne de Zoroastre, et Visiilaspa, père de Darius 1". Or cette assimilation est fausse, puisque le père de Darius n’a pas porté la couronne et ipie les deux Visiilaspa n’ont pas les mêmes ancêtres. Il serait bien étrange d’ailleurs, si Zoroastre avait été relativement si moderne, que les Grecs n’en eussent rien su. Tout au contraire, ils lui attribuent la plus liante antiquité : six mille ans avant la inorl de Platon (I’line, //. S., XXX, 1, § 2), cinq mille ans avant la guerre de Troie (Uku-modobe dans Diogkne LxiiuCE, Prooemium, 2), raille ans avant.Mois (I’lixk, //. N.,. c. ; Plut., De h. et Os., ! , ()), sL-c inillc ans avant la campagne de Xerxès (Xamuos du Lydie d’après Diogène Laérce. qui a certainement l’ait une confusion puisque la série des successeurs de Zoroastre est conduite jusipi’à Alexandre F. H. C, I, p. 4^, avec la variante Coo ou lieu île Gooo|). Les cliilfres sont trop variés pour faire allusion à un point lixe, mais tous ces anciens sont d’acconl pour une 1res liaule époque, et il y a tout lieu de croire que cette tradition est empruntée aux anciens Perses euxmcines. Ce Zoroastre qui se perd dans la nuit des temps, le chef et le père des Mages, est le Zoroastre historique 1 Cela ne veut pas dire qu’il ait existé, mais, beaucoup mieux que le philosophe réformateur du vil* siècle, il rentre dans les cadres de l’histoire : c’est le héros légendaire auquel on attribue les révélations divines primitives et la fondation du sacerdoce, dépositaire du culte qu’il a enseigné, le iiendant assez exact de l’Enineduranki babylonien que les rituels publiés par Zimmern nous ont fait reconnaître jiour l’Evedorachos de Bérose (Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, p. 280) ou encore de l’Hénoch de la légende judaiipie, le révélateur des secrets du ciel. On peut être sûr que celui-là n’a pas écrit les Gàtlias, mais il était destiné à les écrire, c’est-à-dire à les couvrir de son autorité.

Non seulement l’histoire ne connaît pas de Zoroastre, philosophe revêtu du manteau du prophète, elle prouve du moins clairement que s’il a existé avant le règne des Achéménides, il s’était consumé en vains efforts, car, nous le verrons, la religion des Perses était une religion nationale traditionnelle et nullement une réforme philosophico-religieuse, et tel est bien le caractère des Gàlhas, car celle révélation nouvelle suppose un haut <legré d’abstraction.

D’api’ès Geidner, un partisan illustre de l’antiquité des Gâtlias, elles représentent la philosophie du zoroastrisme. Le monde céleste y est beaucoup plus abstrait que dans le reste de l’Avesla. Les divinités naturelles coniinc Mîthra leur sont étrangères. Le culte extérieur et le rituel sont renvoyés à l’arriêreplan. Le Haoïiia, la boisson divine, n’est pas mentionné. .ussi personne n’accuse Darmesteter d’avoir exagéré le eara : lère abstrait et idéal des Gàlhas. Dans A’ohu Manô, « la Konne pensée », il a reconnu ine sorte de Logos, emprunté à PUilon ; Slave objecte seulement qu’il est plus probable que c’est Philon

qui s’est inspiré de Vohu Manô. Je ne vois pas non plus qu’on conteste les traductions du savant français aux passages qui nous montrent en même temps ce Logos enfanté par Mazda : a J’ai reconnu eu loi, tout d’abord, ù Mazda, la matrice de Vohu Mano a (Vasna, XXXl), 8, ou consulté par lui au moment de la création : « En cela tues bien l’Esprit du Bien que pour nous lu as formé la vache riche en dons, et à elle lu as donné la pâture et l’abri d’Armaili, alors, 6 Mazda, que tu t’es consul té avec Vohu Manô. » (Yasna, .XLVII, 3. Généralisé parla tradition tliéologique du commentaire pclih i : « aprèsqu’il eut créé Vahùman, tout ce qu’il lit, il le Ut en se eonsiiltanl avec Vahùman ») La [iremière création aurait été spirituelle, lirobablcnient dans les Gàlhas (Vasna, XXXl, 7 :

« Premier il est venu concevant », entendu par le

commentaire pehlvi de la création spirituelle), sûrement dans un fragment isolé de l’Avesla postérieur (frag. Ve.ndidad U, 2^ : « Combien de temps dura la sainte création spirituelle ? »).

Quand il y aurait doute sur ces points de détail, Slave cl Lehmanii s’extasient, autant que Darmesteter, sur cet admirable idéalisme, sur l’abstraction des idées tliéologiques, sur la puissance créatrice qu’exige une théologie si idéale et si abstraite I

Et pour la reconnaître il sullit en effet d’analyser les noms des Ameshas Spenlas. A côté de Mazda, ajirès lui, mais aussi avec lui, on invoque constamment six personnes, — ce sont déjà des personnes dans les Gàlhas, — dont les noms expriment incontestablement la nature abstraite. C’est avant tous Voliu Manô, la Bonne pensée ; puis Aslui, la Vérité et la Justice, car les deux idées i)araissenl corrélatives dans les Gàtlias ; puis Klishatlira, le Règne, où Darmesleler n’a guère vu ((ue le bon gouvernement, mais qui doit être aussi el peut-être surtout le Uègne deDieu ; Spetila Aiinaiti, la Docilité religieuse ; llauvvatàl, la Santé ; Ameretatàt, l’Iiniuorlalilé.

A côté de ces li [lostases divines, distinctes cependant d’Ormazd, figureiil encore çà et là Sranslia, la Sainte obéissance, el Atur, le Feu, fils d’Ormazd.

En laissant de côté Alar, on voit à quel point une pareille religion ]iorte le sceau d’une conception systématique. Si elle se présentait extérieuremenl comme une conception nouvelle, elle a tenu parole. Nous sommes loin des religions naturelles de l’antiquité. .joulons seulement unirait : si les Gàlhas ne combattenl pas expressément les sacrifices sanglants, du moins ces sacrifices ne rentrent nullement dans leur esprit. Ce point est ouvertement reconnu par les éranistes : « le mazdéisme zoroaslrique a, depuis les Gàlhas, combattu el aboli les sacrifices d’animaux » (SôDEniiLo.M, lue. cit., p. 26O).

Pour admettre que celle réforme religieuse a été conçue avant Cyrus, il faut accepter : preinièrenient, le développement de la philosophie avant les Grecs ; deuxièmement, l’application de la philosophie à la religion ou la théologie abstraite en Perse au vu’siècle av. J.-C. Les spéculations de l’Inde nous mettent en garde contre une fin de non-recevoir trop absolue, mais l’Inde est un monde à part, et on ne doit rien admettre de semblable sans de solides raisons.

Or les faits contredisent celle précocité originale. Ce système religieux ne constitue certainement [las la religion des Perses avant.lexandre. Nous le verrons plus loin, mais dès maintenant nous détachons le témoignage d’HÉnoDOTE pour donner à ce premier point plus de clarté. Le bonhomme a pu se Iroiniier sur des détails. Il serait bien étrange qu’il se fût mépris sur le caractère même de la religion qu’il a décrite telle que le suggérerait la connaissance générale de l’histoire. Ici tout est limpide, tout est conforme aux présomptions, au temps, au milieu.