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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/579

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ISLAMISME ET SES SECTES

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père ou d’un médecin de l’àiue, l’utilité et les bienfaits lie la retraite, la contrition et ses divers degrés, la pauvreté d’esprit, l’abandon à Dieu et l’union avec Uieu, but de l’ascèse, toutes ces choses sont expliquées et décrites comme dans les traités chrétiens. Il ne saurait être douteux qu’il y eut des rapports personnels et des communications orales entre certains chefs du soufisme musulman et des religieux chrétiens distingués.

On trouve chez les Musulmans, à une époque relativement ancienne, une analyse des états de l’àme livrée à la vie contemplative, qui ressemble beaucoup à ce qu’on lit chez les mystiques chrétiens espagnols du XVI’siècle. On i>eut voir en ce sens la description des « vallées » que doit traverser l’àme, dans le poème persan de Khrid eo-Di.v Attar, intitulé miinliq ui-tair, le langage des oiseaux. Il est possible qu’il se soit produit, en Occident, un mouvement inverse de celui que nous constatons en Orient, je veux dire que certains emprunts d’expressions, d’images, de formes extérieures, y aient été faits par les Chrétiens aux Musulmans.

l’armi les mystiques les plus célèbres de l’islam, on peut citer : Gazali (io58-i 1 1 1), qui représente le soulisme tout à fait orthodoxe, Suiirawehdi (m. 632 H. ia34) également orthodoxe, le poète Omar Ibx Fahid, en Afrique Moiivi bdDin Ahaiu, auteur fécond, bizarre et très obscur, qui aurait eu, penset-on, de l’inlluence sur Raymond LuUe ; en Perse les fameux poètes Djklal eu-Din Roumi (i 207-1 2-3), Atar (11 19-1230), Saadi (1184-1291), Hafiz. Ces poètes décrivent souven’l’amour divin dans les mêmes formes que l’amour humain.

Les mystiques de l’islam ont été considérés comme des saints, et vénérés comme tels par les populations, contrairement à l’esprit du Coran qui interdit le culte des saints. On les appelle des Santons. Ils ont des tombeaux où l’on va en pèlerinage, et on leur attribue, tant pendant leur vie qu’apiès leur mort, de nombreux miracles. Leurs biographies fournissent en abondance des faits psj-chiques curieux.

D’ailleurs le peuple ne vénère pas seulement ces ascètes, mais aussi leurs descendants, car la plupart d’entre eux furent mariés. Dans le monde africain, les marabouts sont en général les descendants de quelque grand ascète, et ils jouissent de la vénéralion et même, selon la croyance populaire, de certains pouvoirs miraculeux qui appartenaient en principe à leur ancêtre. Il y a des femmes inaraboutes ; on les appelle en arabe saridah ou si(^(i et en berbère lu Un.

Les confréries religieuses sont nombreuses dans l’islam. Elles sont comparables plutôt à des tiers ordres qu’à des ordres proprement dits. Les afliliés récitent certaines invocations courtes qu’on appelle Tlihr (mémoire) ; ils se réunissent à certains jours pour prendre part aux exercices de la confrérie ; ils SI’joignent alors auxreligieux habitant les couvents {teUké ou zàouiah). Les religieux peuvent être sédentaires ou voyageurs.

Les ordres les plus célèbres sont en Orient, les derviches tourneurs ou mettéi’is, disciples de Djélàl ed-Din Roumi, les derviches hurleurs, disciples d’Ahmed Réfài, les Kadria fondés par Abd-el-lvàdir Djilani. Les liahmania sont importants en Afrique, ainsi que les Tidjdiiia et les Chddelia ; il y en a beaucoup d’autres.

L’esprit de ces ordres est variable ; les uns sont doux, les autres fanatiques. Ils forment des sociétés secrètes au sein desquelles les mots d’ordre se transmettent vite, et qui pourraient devenir dangereuses dans des périodes troublées. On a beaucoup parlé

naguère, en ce sens, de l’ordre des Sénoussis, qui habite les oasis de la Tripolitaine ; on l’a cru fort dangereux, et il a pu l’être ; mais il est très alTaibli aujourd’hui (O. Défont et X. CorpoLANi, Les Confréries religieuses musulmanes).

VI. Sectes philosophiques. — L’islamisme compte un grand iiondir>^ de sectes. Un auteur musulman, CiiviiRAsTANi. a écrit sur ces sectes un ouvrage important qui a été traduit en allemand (Book of religions and philosopliical sects, Ed. Cl-retox ; trad. IIaarbrûcker).

On y trouve de nombreux renseignements, surtout en ce qui concerne les sectes rationalistes.

Un mouvement philosophique spontané se produisit de bonne heure dans l’islam, avant l’introduction des ouvrages grecs ; ce mouvement prit toute son ampleur quand le travail de traduction eut commencé.

On désigne sous le nom de Molazélites une secte,

— ou plutôt un groupe de sectes, — qui spécula avec beaucoup de liberté et dans un esprit tout à fait rationaliste sur les conceptions et les idées religieuses ; ce nom signiŒ : « séparés i>. Les plus célèbres Molazélites furent Wasil, (ils d’Alà, né à Médine en l’an 80, mort en 131 ; Abocil-Hodkil de Basrah, mort en 226 ; el-Djahiz. mort en 255 ; kl-Djobbay, mort en 303 ; ces deux derniers sont aussi de l’école de Basrah.

Les questions agitées de préférence par les Molazélites furent celles des qualités de Dieu et du libre arbitre ; elles se trouvaient posées par la théodicée du Coran, qui parle souvent des qualités de Dieu, la science, la puissance, la volonté, la justice, etc., et qui semble leur donner une véritable réalité. II s’agissait de comprendre comment Dieu peut avoir des qualités distinctes entre elles et distinctes de son essence, sans cesser en même temps d’èlre un, et sans devenir inulliple. Vàsil lils d’Atà, suivi par la majorité des Molazélites, nia l’exislence des qualités, en disant : « Celui qui allirme une qualité éternelle à côlé de Dieu, allirme deux Dieux. >. Les qualités n’élaienl pour lui que de purs noms..Mjou’l-llodéïl eut une opinion moins absolue : il conçut les qualités comme des modes de l’essence divine : la science de Dieu, par exemple, ne se distingue pas de son essence ; et sa volonté peut être considérée comme un mode de sa science : il veut ce qu’il sait bon.

Dans la question du libre arbitre, les Molazélites diminuèrent en général le sentiment de la volonté divine, et augmentèrent celui du libre arbitre de l’homme. L’homme est chez eux plus libre que Dieu, lequel est déterminé par le bien ; chez les théologiens, c’est Dieu qui crée le bien, qui a ainsi un caractère assez arbitraire. Les docteurs Molazélites soulevèrent d’autres questions de théodicée importantes, notamment celle de la justice de Dieu à l’égard des enfants, et à l’égard des peuples qui n’ont pas eu connaissance de la révélation. Il est d’ailleurs fort possible qu’ils aient emprunté ces thèmes de discussion au christianisme.

Aux Molazélites s’opposèrent, parmi les théologiens, les Molékallim : c’étaient des docteurs qui admettaient les procédés de raisonnement des Motazéliles, la dialectique ou Kattim, mais qui les appliquaient à la défense des vérités orthodoxes. Les Molékallim dépassèrent en sulitilité les Molazélites ; ainsi, pour expliquer la façon dont existent les universaux. ils conçurent une sorte de mode d’existence intermédiaire entre l’être et le non-être ; de même les qualités de Dieu sont pour eux des modes, dont on ne peut dire précisément ([u’ils sont ou ne sont pas. Pour expliquer la Providence, et l’accord de la