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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/584

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JANSENISME

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publiques, et par l’habitude de la charité. Quant à la communion, ils exigeaient des dispositions exceptionnelles, comme un amour de Dieu pur et sans mélange ou une satisfaction proportionnée aux péchés commis. Voir parmi les 31 propositions proscrites par Alexandre Vlll, 7 déc. 1690, les prop. 22* et 2’i' qui se trouvent cquivalemment dans la Fréquente communion d’Arnauld, Dknzingeu *", nn. 1312 (1179) et 1313 {1180). Plus facilement reconnaissable au vulgaire que les théories sur la grâce et la prédestination, le rigorisme est devenu l’un des traits caractéristiques de la phj’sionomie janséniste. A cause de cela, la morale sévère est souvent nommée Jansénisme.

En tant que secte ou parti, le Jansénisme est le groupe de ceux qui, depuis 16^0 environ jusqu’à la Un du xviiio siècle, se sont obstinés à soutenir, en dépit des condamnations ponliûcales, la doctrine de Jansénius. Jamais ils n’ont reconnu leur erreur et ils ont persisté, malgré tout, à se dire orthodoxes. Le centre de la secte a été en France, de iG^oà 1710, l’abbaye de Port-Royal, asile des religieuses et des solitaires dits de Port-Royal. Elle s’est aussi développée dans les Pays-Bas et, entre 1704 et 1728, elle y a formé un schisme qui subsiste encore aujourd’hui sousle nomd’Eglisevieille-catholiqued’Utrecht. C’est l’histoire du parti, en même temps que celle de la doctrine, que nous allons retracer.

Sommaire. — I. Les antécédents du Jansénisme : Baius (1513-1589) et le Baïanisme (1567-1579). — II. I.a première période : le Baïanisme après Baïus et le Jansénisme jusqu’aux cinq Propos it ions (b8cj-16^ij).

— III. La deuxième période : le Jansénisme depuis les cinq Propositions jusqu’à ta Paix de Clément IX (1649-1668). — IV. La troisième période : le Qiiesne /Z ; 5/ne (1671-1728). — V. La dernière période : le déclin (1728-1795). — VI. Conclusion. — VII. Bibliographie.

I. — Les antécédents du Jansénisme. Baïus (1313-1589) et le Baïanisme (1567 1879).

La véritable origine du Jansénisme doit être cherchée dans le Baïanisme. On appelle de ce nom un système Ihéologique, renfermé dans 76 ou, suivant la division actuelle, 79 propositions qui ont été condamnées par la bulle Fx omnibus de saint Pie V ( r’oct. j 067). Ces propositions sont, pour la plupart, extraites des écrits de Baïus ou recueillies de ses leçons.

A. Histoire. — Michel de By, ou, comme l’on dit d’ordinaire, Baïus, naquit près d’.lh en Hainaut (1513). Devenu principal du Collège Adrien, puis professeur d’Ecriture sainte, à Louvain, il commença, dès lors, de dogmatiser avec son ami Jean Hessels. Leur but, tout apologétique, était de gagner à l’Eglise les hérétiques contemporains ; comme méthode, ils i>rétendaicnt surtout ramener l’étude de la théologie à l’Ecriture cl aux anciens Pères, principalement à saint.ugustin. Mallieureusemenl, ils tirent fausse route. Dix-huit de leurs propositions furent déférées à la Sorbonne qui les censura (27Juiii 1560). La même année, un bref de Pie IV enjoignait au cardinal de Granvelle d’imposer le silence sur ces questions. Cependant, en 1563, Baïus publia ses premiers opuscules : De libero hominis arbilrio et e/us polestate : De justitia et juslificatione : be sacrifuio : publication qu’il continua au retour du concile de Trente, où il avait été député avec Hcsscls et Jansénius (celui (|ni devint évêque de Gand et mourut en 1576), par l’édition des traités : T)e meritis operum ; De prima hominis justitia et lirtutibus impiorum ;

De sacramentis in génère ; De forma baptismi (ib6b) ; De peccato originis ; De charitate ; De indulgentiis ; De oratione pro defunciis (1566). Sa doctrine fut bientôt dénoncée à Rome, examinée, et enfin condamnée par la bulle de saint Pie V Ex omnibus (1" oct. 1067).

La constitution fut communiquée à Baïus, non sans ménagements, et acceptée à Louvain par la Faculté de théologie (29 déc. 1567). Toutefois, notre théologien prélendit s’expliquer et transmit à Rome des apologies (1569). Un second e.xamen aboutit de nouveau à une condamnation (bref du 13 mai 1669). Baïus se soumet, mais, comme peu après il tente encore de se défendre, la bulle de 1567 est publiée à Louvain (16 nov. 1670). La Faculté de théologie rédige des conclusions contre le Baïanisme et dresse un acte d’acceptation de la buUe, que Baïus souscrit a[)rès la délibération de l’assemblée (29 août 1571). Pendant quelque temps, il paraît docile et devient chancelier de l’Université. Mais, à la suite d’entreprises contre la censure de Pie V et sur des démarches adressées à Rome, Grégoire XIII donne la bulle Prot’isionis noslrue, dans le but évident de conlirmer la décision portée par son prédéeesseur(2gjanv. 1579). Cette constitution ayant été promulguée à Louvain, le chancelier se rétracta (2^ mars 1580), et reçut du Pape un bref laudatif. Cependant, malgré sasotunission, il lui arrivait de laisser échapper des paroles compromettantes. De leur côté, ses partisans tendaient à éluder la portée des condamnations : déjà commençait de s’élaborer la théorie, plus tard fameuse, du silence respectueux. C’est ce qui amena une intervention du nonce à Cologne. Celui-ci, de concert avec l’archevêque de Malincs, ’donna ordre à la Faculté de théologie de former un corps de doctrine cai>able de faire loi dans ces inalières controversées. Le document énonce des oi)inions contradictoires aux propositions condamnées (1586). Baïus le signa, semble-t-il, et ne fut certainement jamais accusé d’y avoir contredit.

Il mourut le 16 sept. 1589. Avant sa mort, un nouvel incident vint troubler la paix. Lessrs enseignait alors la théologie, avec leP.IIamelius, chez lesjésuiles de Louvain. Il réfutait, à l’occasion, les erreurs de Baïus. En même temps, il proposait sur la prédestination et la nature de la grâce des thèses où les docteurs de l’Université découvrirent des attaques contre la doctrine et l’autorité de saint Augustin. De là, en 1087, la censure de Louvain contre Lessius, et la controverse qu’elle souleva (.Sommervogel. Hibliothèqne de la Compagnie de Jésus, liililiographie, tom. IV, art. I.essius). Cette alTaire, dont Baïus fut l’insligat <ur et dans laquelle il déployason acti ité, nerentre pas proprement dans le Baïanisme, tel qu’il est contenu dans les propositions proscrites. Plusieurs croient pourtant que le chancelier protita de l’occasion pour proposer certains principes qui forment comme une seconde ]iartie de son sjstéine, i)artie non condamnée alors il laissée indécise par le.Saint-Siège, jusqu’à ce qu’elle eût été examinée et jugée. Os principes ont un caractère de calvinisme mitigé, analogue à la doctrine qu’adopta plus tard le synode lie Ilordreclit. Encore une fois, ils n’ont pas été censurés avec ceux du Baïanisme. Tout ce qu’on ]ieut dire, c’est que Jansénius y a puisé de quoi compléter son système. Rien qu’à les rapprocher des 79proposilions de 1667, l’on a’comme l’abrégé exact de V.iueusiinus ("du Ches.ne, Jlistoirc du Baïanisme, liv. ill).

Du précédent exposé, il ressort que Baïus ne fut ni un liérésiarque, ni un sectaire, mais qu’il en eut quchine peu l’étolTe ; avecde grandes et belles qualités, de la dignité dans la vie, de l’ardeur dans le