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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/587

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IIGI

JANSENISME

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il avait donné comme une sorte li’Jugtistiiuis avant la lettre (1636). De plus en plus imbu des idées de son directeur, dans les choses du dogme et dans celles de la morale, il saisit l’occasion de les aflirrær publiquement par son livre De la fréquente communion (|6’|3), et par ses Apologies de.lanscnius, publiées en réponse aux sermons d’Isaac Hadkrt, alors théologal de Paris et plus tard évêque de Vabres (De la fréquente roniniKHio « , Paris, Vitré, 1643. Arnauld, Œurres, t. XXVII, p. 71. —’Apologie de M. Jansénius, 161/|, et’Seconde apologie pour M. Jansénius, 16.’(5. Arnauld, Œurres, t. XVI, p. ^9 et l. XVII, p. i). Jusque-là, le Jansénisme n’était guère qu’un parti secret et comme une science occulte qui se répandait dans l’ombre. Ce sont les premiers ouvrages d’Arnauld qui le manifestent au public et, par le fait, en divulguent les principes.

Dès le début de cette alTaire, il y a lieu déclaircir un doute. D’aucuns ne voient, dans la longue dispute, qu’une question de rivalité. Les Jésuites auraient craint — pensent-ils — d’être supplantés par les Jansénistes qui. tout à la fois par la doctrine et la manière de concevoir la vie chrétienne, s’opposaient à eux : du côté de Jansénius, saint Augustin et saint Thomas, avec le rigorisme et la morale sévère ; chez les Jésuites, Lessius et Molina, avec la morale accommodante et le probabilisme. C’était presque pour eux un problème de vie ou de mort. Eniin, les Petites Ecoles de Port-Royal les auraient elfrayés ; ils tenaient tant à s’assurer comme un monopole d’éducateurs. Dès lors, ils se seraient acharnés : ils auraient crié à l’hérésie et seraient parvenus à faire censurer leurs adversaires.

En tout cela, un fait est indéniable, c’est que la querelle du Jansénisme a été une guerre prolongée entre les Jansénistes et les Jésuites, guerre sans merci, mais dans laquelle les Jésuites n’ont pas pris l’olTensive. Mis en cause — et non pas seuls — par Baius d’abord, puis par Jansénius et ses gens, ils se sont défendus, et ce qu’ils ont protégé, ee n’est pas une doctrine propre de leur Ordre, mais la doctrine commune de l’Eglise, battue en brèche par les novateurs, doctrine augustinienne dans le sens vrai du saint docteur et que respectaient les Thomistes autant au moins que les Molinistes (Maynahd, Les Provinciales et leur réfutation, t. I, p. 1-8 et t. ii, p. 287292). Aussi bien, le système de Baius, que renouvelait Jansénius, avait été condamné à Rome dès 15C7, longtemps avant la Concorde de Molina (1588) et la censure de Lessius (1687). Depuis cette première condamnation de Pie V jusqu’à la Constitution Auctorem fidei{l^gll), les décisions dogmatiques se sont succédé, toujours défavorables aux partisans de Jansénius. Il y avait donc, dans leur affaire, autre chose qu’une chicane mesquine soulevée par des religieux jaloux dont, en 179^, l’Ordre n’existait plus depuis vingt ans.

Quant à la morale, les Jansénistes ont excédé dans l’austérité au point de rendre impossible l’observation de ses préceptes et d’écarter les lidclesdes ^_. sacrements. Aussi, tout en proscrivant les exagérait Uoiïs de casuistes trop accommodants, jésuites ou autres, Rome, dans l’ensemble, n’a pas. loin de là. donné raison à l’école aiistère de SaintCyran. Le décret de Pie X sur la Communion fréquente (20 dé-H

  • l cembre igo5) en est une preue récente. C’est assez

^, { dire qu’après deux cent cinquante ans le Saint-Siège continue de prononcer en faveur des Jésuites et de leur morale prétendue relâchée. De même, les succès trop grands de Messieurs de Port-Royal dans l’éducation ne sont pas, pour ceux du moins qui ont quelque souci des dates, une explication suffisante à l’hostilité des Jésuites ; le commencement des Petites

Ecoles est de 1687 au plus tôt, mais elles ne se développent guère qu’après iG43. En 1654-1655, elles ne comptent pas plu^ de cincjuante écoliers. Or les discussions de Louvain sur la prédestination et la grâce datent de 1587, les thèses contre VAugusiinus de 1641, et les premiers travaux du P. Dkchami-s, Disputatio theologica de libère arbitrio. Secret du Jansénisme, De hæresi janseniana de iG45 à 1654. (Ju’étaient d’ailleurs les cinquante écoliers de Port-Royal, en comparaison des deux mille élèves qui fréquentaient, en 1662 par exemple, le seul collège de Clermont ? ("Saintk-Bbuvk, Port-Boyal, t. I, p. 433 ; t. III, p. 469-479-)

Une autre erreur, enfin, serait de découvrir partout la main des Jésuites, obstinée contre Port-Royal, dans tous les écrits de polémique et toutes les dénonciations, dans toutes les mesures de rigueur et toutes les censures. Il faut prouver ce qu’on avance. L’allégation d’un gazetier pamphlétaire ou d’un écrivain de parti qui plaide pro domo, ou encore un mot méchant emprunté aux jVe’moires de Saint-Simon, ne suffit pas à former une conviction en histoire. Nous autres catholiques, ne soyons pas moins prudents que les tenants du Jansénisme qui savent bien, dans leur cause, récuser à l’occasion le témoignage des Jésuites, ou du moins demandent à le contrôler.

Que ces religieux pourtant aient souvent apporté trop d’acharnement dans la querelle, la chose n’est certainement pas niable. Les supérieurs généraux qui, seuls, engagent proprement la responsabilité de l’Ordre, en ont plus d’une fois blâmé leurs inférieurs et toujours leur ont recommandé la modération. Ce qui explique, sans la justifier d’ailleurs, cette excessive virulence, c’est que les Jansénistes étaient au moins aussi violents, et ressuscitaient au besoin maintes calomnies inventées par les pamphlétaires protestants (Maynabd, Les Provinciales et leur réfutation, t. I, p. 32-33. — Biion, Les Jésuites de la Légende, i’" partie, ch. x).

B. L’AuGusTiNi ; s et sa doctrine, — Cet in-folio de plus de deux mille pages est longuement intitulé : Augustinus, seu doctrina Sancti Augustini de liumanae naturæ sunitate, aegritvdine, medicina adversus Pelagianos et Massilienses. tribus tomis compreliensa. C’est un traité de la grâce et de la prédestination, dans lequel Jansénius prétend exposer la doctrine de saint Augustin, mais il en a pris le premier projet dans les théories de Baius. Il a, en outre, beaucoup emprunté aux hérétiques des xvi’et xvii’siècles. C’est donc son système à lui — un vrai Baianisme

— qu’il développe sous le nom de saint Augustin. Aussi, quoi qu’en aient dit si souvent les Jansénistes, ceux qui le condamnent ne censurent pas par le fait la doctrine du grand docteur. L’ouvrage est divisé en trois tomes, ou plus exactement en trois parties. La première contient l’histoire des Pélagiens, exposée de telle façon que le Pélagianisnie ressemble trait pour trait à la doctrine des Jésuites (8 livres). C’est une sorte de préambule sans lequel on ne peut comprendre les deux autres parties qui 1 enferment la matière principale. Dans le tome second, l’on trouve la doctrine de saint Augustin sur les trois états d’innocence, de nature corrompue et de nature pure. Ses neuf livres sont un commentaire fidèle des opuscules de Baius : /Je prima hominis justifia. De meritis operum, De peccato originis. De libero hominis arbitrio et de firtutibus impiorum. Le dernier tome expose les vues du saint docteur sur la grâce médicinale du Rédempteur et la prédestination des hommes et des Anges. C’est dans ces dix livres De gratia Chrisii SaWatoris que Jansénius défend les censures de Louvain et de Douai ; il y propose,