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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/594

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JANSENISME

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B. Le Cas de conscience (1701) ct la suppression DE Port-Royal (1709-1710). — Quant à la question de fait, elle avait été reprise dans les Flandres, vers 1698, à l’occasion de la signature du formulaire : pressés par les évêques, les Jansénistes des Pays-Bas avaient même député à Rome pour obtenir des éclaircissements. Innocent XII répondit, en 16g4, par divers brefs, défendant de donner au formulaire d’autre sens que celui qui se présente d’abord à l’esprit, ni de rien exiger au delà. C’était de nouveau couper court à toute distinction sur le point de fait. Les tenants du parti, il est vrai, maintinrent audacieusement que le Pape avait prononcé en leur faveur. Innocent XII revint donc à la charge et, dans un bref de 1696, précisa sa pensée. En France, la dispute fut engagée par le Cas de conscience, sorte de consultation où un confesseur de province, mis en scène, reprenait la vieille distinction du fait et du droit. Il demandait si, sans croire au fait, un ecclésiastique de ses pénitents pouvait signer le formulaire purement et simplement, moj’ennant des réserves implicites et sous-entendues, et si, par son silence respectueux, le pénitent rendait aux constitutions ponliûcales l’obéissance suffisante ; s’il pouvait, par conséquent, dans de telles conditions, participer aux sacrements. La solution, jointe au Cas, portaitque, surlepoint du fait, le silence respectueux suffisait sans adhésion de l’esprit ; et elle était confirmée par la signature de quarante docteurs de Sorbonne. Ce fut une tempête. Nombre d’évêques protestèrent, parmi lesquels Bossuet, et plus fortement encore FiîNELON qui, dans les débuis duQuesnellisme, garde le tout premier rang (Gaillardin. Histoire de Louis XIV, cil. xLii, t. VI, p. 620 et 6^8). Le 12 février 1708, un bref de Clément XI condamne le Cas et contraint les signataires, sauf un seul, à se rétracter. Puis, le bref ne paraissant pas sufTire, à la prière même du roi, le Pape publie la bulle 17tieam Domini qui, ratifiant les censures d’Innocent X et d’Alexandre VII et prononçant nettement l’insuffisance du silence respectueux, déclare qu’il faut rejeter, non seulement de bouche, mais encore de cœur, comme hérétique, le sens de Jansénius, flétri dans les cinq propositions (15 juillet 1705). La constitution touche donc au point capital du litige, et le tranche alisolument.

Malgré l’attitude franchement gallicane des prélats de l’Assemblée, la bulle fut, en somme, respectueusemcnlaccueillie (Boiblon, Les Assemblées du clergé et le Jansénisme, ch. vi). Les évêques la promulguèrent, à l’exception d’un seul, M. de Montgaillaud, évêque de Saint-Pons, mais le parti n’imita pas leur soumission. Les religieuses de Port Rojal-des-Champs ne consentirent à recevoir la décision du Souverain Pontife qu’avec des clauses restrictives qui en détruisaient la portée. Elles résistèrent opiniâtrement, au point qu’on dut supprimer leur monastère et les disperser (29 octobre 1709). Quelques mois plus tard, Louis XIV ordonnait de raser les bâlimenls, et l’on exhumait les morts du cimetière (arrêt du 22 janvier 1710). Certains historiens, forts des allégations de Saint-Simon, ont expliqué ces mesures rigoureuses Dar rinfliience des Jésuites, notamment jiar celle du P. Le Tellier, confesseur du roi : cette explication n’est pas historiquement établie (Gaillardin, Histoire de Louis XL ! ’, t. VI, p. Cifi-fi^o. — BLivnn, Les mémoires de Suint-Simon et te I’. Le Tellier^ Paris, 1891, ch. III, p. /17-86).

C. La dullu Unigknitus (8 sept. 1718). — Le Problème ecclésiastique avait tourné l’alleiition vers les Ttcfle.iions morales. Aussi, lorSque est aiiaisé l’or.ige soulevé par le Cas, on s’en prend au livre de Quesnel.

Clément XI le flétrit par un bref qui n’est pas reçu en France (13 juillet 1708). Gomme Noailles ne consent pas à retirer son approbation et que le bruit continue (alTaires de l’Instruction pastorale des évêques de Luçon et de la Rochelle, 1710 — et de la Lettre de l’abbé Bocuartoe SARON, 17t 1), Louis XIV sollicite une bulle. Une commission est désignée par le Pape, pour connaître du conflit (février I712)et, en dépit des stratagèmes du parti, la constitution Unigenitus est préparée, signée (8 sept.). publiée(io sept. 1718).

Labulle.quantàlaforrae, contient 101 propositions qu’on a extraites du Nouveau Testament de 16gg et des éditions de 1698 et 1694, intitulées, selon le document pontifical. Abrégé de la Morale ou Pensées chrétiennes. Ces propositions sont censurées sous des qualifications respecti^’es, c’est-à-dire, non pas que les qualifications portent toutes à la fois sur chacune des propositions, mais que chacune de ces qualifications tombe sur l’une ou l’autre des propositions, en sorte qu’il n’y a aucune des qualifications qui ne soit applicable à l’une au moins des propositions, aucune des propositions qui ne mérite l’une au moins des qualifications. Cette indication est donnée pour préciser ce que sont au juste ces condamnations respectives, mal entendues par quelques auteurs contemporains, mais dès longtemps en usage dans l’Eglise, contre lesquelles, au temps de notre Constitution, les Quesnellistes ont, à tort, violemment protesté. On en rencontre un exemple dans la bulle Ex omnibus de Pie V contre Baïus (15C7).

Quant au fond, la bulle est un jugement de condamnation, proscrivant les loi propositions comme renouvelant diverses hérésies, principalement celles qui sont contenues dans les fameuses propositions de Jansénius, prises au sens auquel ellcH ont été défendues. Les articles censurés se réduisent à certains chefs comme la grâce, la charité, l’Eglise, les excommunications, l’administration du sacrement de Pénitence, la lecture des saints Pères, etc. La constitution ne détermine pas ce que l’on doit croire sur ces différents points, mais elle les suppose déjà éclaircis et fixés. Jamais les Jansénistes n’ont pu montrer que les 101 propositions ne ressuscitent pas la doclrine de VAugtistinus. On y distingue l’axiome fondamental du système, celui des deux délectations régnant alternativement et despotiquement dans nos cirurs (Prop. ! i ! i et ^5), et Quesnel en déduit toutes les conséquences que Jansénius avait déjà tirées. Il renouvelle évidemment les cinq propositions de if)53. et donc, avec leurs erreurs, celles de Baïus (D. Thuillier, La seconde phase du.fansénisnie, ch. III, p. 128-188. — Lafitac, Histoire de la Constitution Unigenitus, livre i, t. I, p. I15-131).

Un autre principe est emprunté à la doctrine de Riciinn : que l’Eglise a l’autorité de prononcer des excommunications pour l’exercer par les premiers pasteurs, mais du consentement au moins présumé de tout le corps (Prop. 90). De là des déductions erronées sur l’Eglise, sur l’autorité du Pape et des Evêques, sur la valeur de leurs décisions et décrets en matière de doctrine, de législation, de censures. Par cette fusion des maximes de Richer avec celles de Jansénius, du Gallicanisme avec le Jansénisme jiroprement dit, Quesnel prépare définitivement les voies à ce Jansénisme parlementaire qui, dans la dernière période, reiiqilacera le Qiiesnellisme. Il n ! était pas, cependant, le premier richcriste du parti : dès 1661, en efTet, en vue d’échapper à la force des d’^'cisions pontificales, les principaux meneurs étaient entrés franchement dans les idées gallicanes et ils .avaient commencé de faire revivre le sj’slème de Richer (abbé E. Puyol, Edmond /ficher, Paris, 1876, t. 11, p. /135 et suiv.).