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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/728

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JESUS CHRIST

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solennellement affirmée en conclusion de ce passag’e (verset 32), ne garde plus qu’un sens étriqué, diminué, tout à fait disproportionné à la gravité et à l’étrangeté de cette déclaration, si on la réduit à l’ignorance du jour précis, de l’heure exacte de la catastrophe. Des critiques très radicaux, comme H. J. HoLTZMANN, l’ont Senti, et ce verset leur est suspect pour cette raison. Les paraboles qui suivent, dans notre premier évangile, ne sont guère moins probantes : peut-être le sont elles davantage. Si Jésus avait affirmé que l’avènement délinitif aurait lieu sûrement dans les limites de la génération présente, qui récoulait, comment put-il dire et répéter tout d’une haleine que, non seulement s le jour et l’heure », mais le temps même, que l’époque (éx^ied :) de la venue du Maître reste incertaine, impossible à prévoir, et sera tardive ? (_Mt., xxiv, 49 sqq ; xxv, 5 ; XXV, ig, etc).

288. — Décisif enfin est le fait des réformes, et des institutions durables établies par Jésus — au témoignage de Matthieu lui-même — avant et après cette prédiction. Construit-on un palais sur un sol qui tremble ? Légifère-t-on à la veille d’une révolution certaine, imminente et sans lendemain ? Vouloir réduire toute la morale cvangélique et toute l’activité du Maître à des règles intérimaires, à un provisoire qui peut se promettre au plus quelques années d’existence, c’est une gageure intolérable.

Ces considérations certaines achèvent de nous persuader que le n tout cela » du verset 34 ne vise que les événements dont fut en effet témoin la génération contemporaine de Jésus.

C. — Exégèse sommaire des textes, et conclusions

S89. — Les broussailles une fois écartées et nous étant mis en étal de comprendre les textes, nous verrons en les relisant que Jésus a délerminément prédit, pour des fins morales et religieuses très hautes, et dans la perspective de sa mission personnelle, les destinées du monde juif et celles du monde humain. Les prophéties oscillent entre le point de vue de l’avènement du Fils de l’homme, de sa glorification progressive, et celui du salut des hommes. Ceux-ci sont considérés tantôt individuellement, comme des personnes responsables, tantôt génériquement, comme un groupe spécialement important et représentatif, tantôt socialement, comme un corps universel, aussi étendu que l’humanité elle-même.

Dans l’expansion croissante du Règne de Dieu, les prédictions eschatologiques s’attachent aux moments de crise, aux heures décisives, particulièrement redoutables et exemplaires. Fidèles au langage prophétique, elles voient dans ces heures des « jugements de Dieu ii, qu’elles attribuent au Messie, investi de la prérogative de juge suprême.

290. — G est sur la génération contemporaine du Maître que s’exercera le premier jugement. Prise dans son ensemble, et spécialement en la personne de certains groupes privilégiés : disciples du cercle intime, avilorités du peuple d’Israël, cette génération contemplera le premier avènement, le premier discernement, la première glorification dvi Fils de l’homme. Cette « gloire », ce « jovir du Seigneur » est décrit dans les termes consacrés, concrétisé dans les images traiiitionnelles ; on y donne au Messie les attributs de puissance, de majesté, d’union intime avec Dieu qui ne deviendront éclatants, et impossibles à méconnaître, qii’au dernier jour. Mais tous ceux qui ont des yeux pour voir, un esprit pour discerner les signes des temps, ne pourront s’y tromper. C’est ainsi que plusieurs de ceux qui cheminaient avec le Christ sur le sentier de Césarée de

Philippe « ne goûtèrent pas la mort sans a’iolr contemplé la gloire du Fils de l’homme » (Groupe i). Non seulement en elTet Pierre, Jacques et Jean assistèrent à la scène lumineuse de la Transliguration, prémices de la gloire future ; ils furent encore les témoins des premiers triomphes de Jésus. Deux d’entre eux, avec les autres disciples du cercle apostolique, virent s’accomplir de leur vivant le grand jugement, la prodigit-use révolution dont les péripéties principales furent la ruine de Jérusalem, la dispersion d’Israël, la substitution, à des privilèges fondés sur la race, d’une société spirituelle conquérante, enrichie des dons merveilleux de l’Esprit.

291. — Gloire pour le Maître, persécutions pour les disciples. Heureusement ces persécutions étaient prévues et prédites : les apôtres « n’avaient pas achevé d’évangéliser les villes d Israël » (liroupe i) avant l’avènement de justice, la venue du Fils de l’homme qui mit fin à ce qui restait de la cohésion visible, de l’autonomie, et des pouvoirs judiciaires d’Israël dans la Terre sainte. Ceux qui exerçaient ces pouvoirs et qui en avaient abusé con ire Jésus, ce Sanhédrin présidé par Joseph Caiplie et inspiré par Anne, ces hommes qui déclarèrent que le Maître avait blasphémé en se déclarant Fils de Dieu, — ces mêmes hommes virent de leurs yeux, et la plupart subirent en coupables, les rigueurs du premier avènement. Ils virent Jésus honoré jusqu’à partager la gloire, apparemment incommunicable, du Père ; ils le virent placé par l’adoration des fidèles au-dessus des anges et de la Loi, « à la droite du Père » ; ils virent l’édifice spirituel de l’Eglise s’élever sur la pierre d’angle qu’ils avaient rejetée et contre laquelle vint se briser leur orgueil national et religieux (Groupe 4).

398- — Toute cette génération enfin ( « yevsct v.ùrr, ) fut témoin delà ruine de l’ordre ancien et du laborieux enfantement du nouveau. A cette lumière (et sans préjudice du jugement exercé par le Fils de l’homme sur chacun d’eux en particulier) les hommes de ce temps purent apprécier et d’avance contempler, dans une répétition formidable et dans son début tragique, l’avènement dernier qui clora le temps et consommera les siècles. Avènement bien dilïérent du premier si on les compare dans leurs modalités : celui-ci mêlé d’ombres et île lumière, prochain, portant sur une portion déterminée de l’humanité, annoncé par des signes et contre l’horreur duquel la vigilance avertie des disciples pouvait se défendre ;

— celui-l.i lointain, remis à un jour ignoré et peut-être indéfiniment relardé, sans autre signe avant-coureur que sa foudroyante réalité, parachevant une moisson jusque-là continuée à chaque génération, imposant d’autorité aux bons et aux méchants, aux incroyants comme aux fidèles, la glorieuse judicalure du Christ.

Avènements difi^érenls et distants : identiques pourtant dans leur fonds et gros des mêmes leç’ons essentielles, puisqu’ils sont les moments décisifs de l’expansion unique du Règne de Dieu ; puisque le premier n’a de sens que comme image et commencement du second ; puisque tous deux, accoin[)agnés d’un appareil de terreur et de majesté, suggéraient des préoccupations analogues, imposaient les mêmes devoirs de vigilance, marquaient les étapes de la glorification progressive du Fils de l’homme (Groupe 3).

393. — C’est en ce sens que le disciple aimé entre tous, au lendemain du premier avènement et instruit par l’enseignement, longuement médité, de celui dont il avait < contemplé la gloire »,.M., i, 14. interprétait déjà, dans son témoignage solennel et autorisé, la ])rédication de Jésus. Dans son évangile spirituel, Jean met en un puissant relief ce qui, derrière les