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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/753

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JESUS CHRIST

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… Que ces deux affirmations aient été pour I ; i communauté i>i-iinitive les points substantiel » [Je sa fui, nul n’en a encore doutf. Même Strauss ne le conteste pas, et le grand critique ! ", C Baur reconnaît que la chrétienté la plus ancienne a été biUie sur la confession de ces Mérités’].

386- — Cette union étroiti-, indissoluble, entre la réalité du fait de la résurrection et la croyance qui a fondé l’Eglise clirétienne et transformé le monde, est la conlirmalion la plus solide de la vérité du témoignage apostolinue, tel que tous les documents anciens nous l’ont transrais, tel que Paul écrivant aux Corinthiens l’a motivé, tels que nos récits évangéliques l’ont, dans une assez large mesure, circonstancié. C’est une mauvaise défaite que d’assimiler à ce propos toute croyance sincère et de dire, avec M. P. W. Scn.MiHDBL’^, que la réalité du fait générateur de la foi n’importe pas.

387- — Mauvaise défaite, parce qu’elle suppose à la vérité et à l’illusion le luême droit à l’existence, le même pouvoir de fonder, l.i même fécondité. Sophisme dégonflé par Rbn.vn lui-même : « Rien ne dure que la vérité… Tout ce qui la sert se conserve, comme un capital faible, mais acquis ; rien dans son petit trésor ne se perd. Tout ce qui est faux, au contraire, s’écroule. Le faux ne fonde pas, tandis que le petit édifice de la vérité est d’acier et monte toujours 3. > Ce queRenan présente ici commeun fait d’expérience et en historien, prend une valeurphilosophique indubitable, et devient une certitude pour qui admet que le monde, et en particulier le monde des esprits, n’est pas abandonné aux convulsions d’un hasard aveugle, mais est orienté vers un but par une Puissance sage et bonne. Dans cette hypothèse, qui est celle mêiue oii se place, de toute nécessité, 1 homme religieux, l’immense réalité chrétienne postule à sa base une croyance fondée en réalité.

C’est ce qu’a reconnu un exégète protestant dont

1. Ad. Harn.vck, Das M’rsen des C/irlstentums*, 1901, p. 97, yS. J’ai traduit à nouveiiu le texte, que serre encore trop peu la seconde traduction française, Paris, 1907 p. 188-191.

2. > Il est indéniable que l’Eglise a été fondée, non directement sur le fait de la résurrection de Jésus, mais sur la croyance en sa résurrection, et cette foi travaillait ai’ec une èi^ale énergie^ que la résurrection fut un fait réel ou non (and lUis failli worked with equal power, whelher the résurrection was an actual fact or not). » Besurrection. .. narratives, dans VE.B. de T. K. Cheyne, IV. cnl 4086.

3. Hiit’Hre du peuple d’Israël, V. Paris, 1891, p. 421. On peut rapprocher de ces paroles celloa du plus instruit parmi les modernistes restés catholiques. Rien qu’il révoque en doute « les argumentations de l’apologétique usuelle », en particulier celle qui u invoque la transformation merveilleuse des Apôtres, l’étonnante propagation de la foi, la constance héroïque des premiers croyants ». sous couleur que « cela ne prouve directement qu’une sincérité de conviction, non pas sa valeur objective » {Dogme et Critique. Paris, 1907, p. 1871,.M. Edouard Le Roy estime que largument vaut si on l’applique, non plus à la seule génération apostolique, mais à la foi chrétienne prise d’ensemble : « Ce qui est pure chimère illusoire, pure hallucination morbide, sans valeur de vérité, peut sans doute susciter momentanément lu foi la plus complète. Mais une telle foi n’est pas nourrissante ni fructifiante au point de vue moral ; elle ne produit rien de solide ; elle ne se transmet pas bien loin ; elle ne rassemble pas beaucoup d’âmes dons une communion qui les vivifie ; elle ne résiste pas à l’action réduclive et dissolvante de la durée, à l’épreuve de la mise en usage prati (]ue ; elle se solde toujours eu fin de compte par un échec oit se détoile son caractère mensonger n tibid.. p.’224). C’est bien dit ; mais ce sont là les lignes de « l’apologétique usuelle I), quand elle est honnêtement exposée, et ainsi ce n’était pas la peine de médire de celle-ci pour la reprendre ensuite ^ son compte.

l’appréciation me paraît digne d’être citée. Ayai.t vécu toute sa vie au confluent des deux cultures, française et allemande, spécialisé dans les études scripturaires, qu’il renouvela plus qu’homme du monde chez ses coreligionnaires, criti<|ue indépendant jusqu’à la témérité, ayant anticipé dès 1834, avec a uu coup d’œil génial », la plupart des thèses qui rendirent célèbres les noms de Graf, Abr. Kuenen, J. Wellhausen’, Edouard Reuss entreprit, au soir de sa vie, de résumer tous ses travaux bibliques en un ouvrage d’ensemble, qui parut à Paris en seize tomes, de 1874 à 1881. Dans le volume consacré aux évangiles synoptiques, sous le nom A’IIisloire évangélique, voici comme il s’explique sur le point capital^ :

388. — Quant nu fonil du fait principal, nous voulons dire de la résurrection elle-même, l’exégèse ne peut que constater que jamais et nulle part les apôtres n’ont exprimé le moindre doute, la moindre hésitation à son égard. L’apologétique, de son ciMé, peut aujourd’hui s épargner la peine de discuter sérieusement certaines explications imaginées autrefois pour écarter le miracle, telles que la supposition d’une simple léthargie, de laquelle Jésus serait peu à peu revenu ; ou celle d’une fantasmagorie organisée par des chefs de parti occultes, à l’effet de faire prendre le change aux disciples ; ou celle d’un mensonge sciemment mis en circulation par ces derniers, et autres pareilles, tout aussi romanesques et singulières ; l’histoire et la psychologie, la physiologie et le bon goût en ont fait justice depuis longtemps. L’expédient de réduire le fait à un simple mythe se heurte surtout contre la brièveté de l’espace de temps écoulé entre l’événement et les premières prédications, et le recours à une illusion visionnaire est impossible en face de l’univei-salité et de la fernirt^’des convictions au sein de l’Eglise. Lors même qu’aucun de nos évangiles n’aurait pour son récit la garantie d’un témoignage oculaire immédiat, il resterait celui de Paul, dont les allîrmations ne peuvent être que la reproduction de celles dos personnages qu il nomme. Nous pourrons reconnaître que beaucoup de choses dans cette histoire sont pour nous incompréhensibles, que nous n’arriverons jamais à nous rendre compte de la nature de l’existence de Jésus ressuscité, que notre raison est arrêtée à chaque fois, quand elle essaie de concevoir et d’accorder les éléments des divers récits : il resterait toujours ce fait incontestable, que l’Eglise qui subsiste depuis dix-huit siècles a été bvtie sur ce fondement, qu’elle en est donc pour ainsi dire une attestation vivante, et qu’à vrai dire, c’est elle qui est sortie du tombeau du Christ. avec lequel, selon toutes les probabilités, elle y serait autrement restée enterrée à jamais.

C. — Les objections principales

389. — Quoi que dise Reuss, justement d’ailleurs, des hypothèses « romanesques et singulières » imaginées par les rationalistes pour expliquer sans miracle la croyance en la résurrection du Christ, nous ne pouvons en faire abstraction dans le présent travail.

Du moins, nous bornerons-nous à celles qui n<ms paraissent mériter discussion, soit qu’elles s’appuient à des faits réels qu’elles faussent en les exploitant ; soit qu’elles s’orientent dans les voies « normales », où l’erreur même garde une certaine vraisemblance et, par conséquent, un certain pouvoir d’alliranc ?.

390. — Ne rappelons que pour mémoire les hypothèses de Samuel Reimarls, dans les célèbres Fragments de Wolfenbiittel, publiés par Lbssing (enlèvement du corps de Jésus par les apôtres, désireux de faire croire à la résurrection-’) et de Gottlob Paci. us (léthargie ou syncope du Christ, suivie d’un

1. P. LoBSTEiN dans la PBE^, XVI, 190.5, p. 694.

2. Histoire ét’angé/ique [La Bible, traduction nouvelle arec Introduction et Commentaires, le Souveau Testament, l), Paris. 1876, p. 701.

3. Vi}n dent Zwecke Jesu und seincr Jiinger, éd. G. E. Lessing, Brunswick, 1778, Depuis Reimarus, Ihypothèse