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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/768

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JESUS CHRIST

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Jésus n’est pas seulement un maître au passé et un personnage d’histoire : il fit. La présence du Christ parmi les siens, dans les siens, est un des dogmes principaux du christianisme, un de ceux dont l’eflicacité est le plus manifeste. Dans tous les pampres, qui couvrent le monde, circule la sève de la Vigne véritable. Par l’eucharistie, par la grâce, mais encore par une sorte de conversation amicale fondée sur la foi, entretenue par la prière et l’union intérieure, et dont le sentiment mystique de présence n’est que l’état fort et extraordinairement savoureux, Jésus reste au milieu de ses disciples, « tous les jours, jusqu’à la consouuuatlon des siècles ». Il a sans doute ses lieutenants, ses représentants, ses images. De divers points de vue, les délenteurs du pouvoir apostolique, successeurs de Pierre et des apôtres, les pauvres, les purs, les enfants font revivre parmi leurs frères l’autorité, l’humiliation, la charité du Seigneur. Mais si celui-ci est ainsi rappelé, il n’est jamais suppléé, ni supplanté. L’amour de préférence qu’il revendiquait pendant sa vie, Jésus persiste à le réclamer, et il l’obtient. A le bien considérer, ce trait est divin.

442. — D’autres hommes et d’autres maîtres se sont fait aimer, et leur génie continue de conquérir :

Du moment qu’on l’écoute, on lui devient ami.

Toutefois cet ascendant a ses limites et cette amitié n’est guère qu’une admiration rétrospective, nuancée d’un peu de tendresse. Elle ne peut balancer des présences moins liantes, mais réelles et proches. Malheur à ceux qui ne sont plus ! La religion du souvenir est un culte qui a peu de lidcles, et combien intermittents ! Mais Jésus n’est pas un absent. Jésus balance victorieusement les plus dures passions, les plus fortes attirances, la haine et l’amour, dans des milliers, dans des millions de cœurs d’hommes. Ces cœurs ne sont pas les moins chauds, ni les moins purs : tout au contraire, les amis du Christ forment une élite. Ils ne sont pas des chimériques et des rêveurs : les plus nobles vertus les distinguent, et les plus rares. Ils se donnent, ils s’oublient, ils fondent, et ils persévèrent.

443. — Cette activité est désintéressée et réglée : elle n’est pas livrée aux ambitions égoïstes ou au hasard des circonstances. Il ne s’agit pas de se faire un nom, d’augmenter d’une unité le nombre des sectes, de construire un temple « fait de main d’homme n et glorieux pour son ouvrier. C’est dans le respect de l’unité, dans la soumission aux autorités légitimes — incarnées pourtant en des hommes, et parfois bien humains — dans la communion visible, maintenue au prix des plus coûteux sacritices, que les apôtres travaillent et luttent. En eux o l’Esprit et l’Epouse » (Apuc, , xxii, 17) — le Maître intérieur et le magistère assisté — trouvent des disciples fidèles ; parce que, en celui-ci comme en celui-là, c’est l’écho authentique de leur unique Maître qu’ils discernent et auquel ils répondent.

L’Esprit qui est en eux rend ainsi, de génération en génération, témoignage au Nazaréen. Et ce témoignage, diversifié à la mesure des aspirations et des goûts de chaque âge, reste concordant et un. Ce n’est pas un idéal malléable, amorphe, dans lequel l’huuianité projetterait son rêve, sans autre continuité que celle même de notre race. L’idéal incarné dans Jésus est réel, actif, créateur : c’est lui qui fait les hommes à son image et oriente chaque génération, d’autant plus ellicacement qu’elle s’y prèle mieux, dans la même voie, j>ar les mêmes étapes, sous la même autorité, vers le même but. Les disciples du Christ se reconnaissent entre eux, de peuple à peuple, et de siècle à siècle : les mêmes accents de

louange et d’amour naissent spontanément sur leurs lèvres, les mêmes attraits impérieux les conûgurent au même idéal : les témoins récents retrouvent, dans les geôles chinoises ou coréennes, les réjionses des anciens martyrs.

II. — Quelques témoins postérieurs de jéscs

444. — Si l’on veut, à titre de simple rappel, nommer quel()ues unsde ces témoins de Jésus, on trouve, sur les conQns du temps apostolicjue, le « froment du Christ ii, ainsi qu’il s’appela lui-même, froment vivant qui « désirait d’être moulu par la dent des bètes pour devenir un pain immaculé » : Ignace, évêque d’Antioche, martyrisé sousTrajan, vers 107. Lesexpressions qu’on vient de lire marquent une âme passionnée, et les sept épîtres authentiques, écrites au cours du voyage suprême, sont toutes de ce style et pleines de Jésus :

Un seul médecin, cliairet esprit, engendré et non engendré, dans la chair Dieu [Téritable], dans la mort vie véritable, né de Marie et né de Dieu, d’abord passible, puis impassible : Jésus Christ Notre Soigneur’.

Magnifique présentation, où une ardente foi tient lieu d’éloquence.

Jésus ? — Il est « l’inséparable principe de notre vie >i, « la vie véritable, hors de laquelle il ne faut rien aimer » ; il est la connaissance de Dieu », il est n notre Dieu » et « notre commune espérance ». Ses paroles sont nos règles et notre lumière ; son silence même nous enseigne-. Mais il faut citer un peu plus au long la célèbre effusion de la lettre aux Romains :

Quand serai-je en face des bètes qui m’attendent ! … si elles se font prier, je les provoquerai. Pardonni-z-niol, je sois, moi, ce qui m’iui|>or-te. C’est à présent que je commence d’être un disciple [véritable]. Loin, lonle créature visible ou invisible qui m’empêcherait de posséder le Clirist ! Feu et croix, corps à corps avec les bètes, plaies, écartèlemenl, dislocation des os, mutilation des membres broiement du corps entier — viennent sur moi les pires tourments du diable, pourvu que seulement je possède Jésus Christ 1

Kien ne me servirait de posséder le moiule entier ou les royaumes du siècle présent. Plutôt mourir pour leChrist Jésus que de régner sur tout le monde. Celui que je cherche, c’est celui qui est mort poumons ; celui que je veux, celui qui est ressuscité à cau-e de nous. Ma délivrance est là… Laissez-moi imiter la passion de mon Dieu.. S’il m’nrrivoit, présent, de vous supplier [de nie sauvei"], ne m’écoulez pas ; écoutez plutôt ce que je vous dis ici : c’est en [pleine] vie que je vous écris, désireux de mourir, iles passions terrestres ont été crucifiées : le feu des désirs malérielsn’est plus en moi : une eau vive au-dedans de moi parle et me dit : « Viens vers le Père. »

445. — Ce témoin irréprochable, cet ardent ami du Christ fut en même temps un théologien, on pourrait dire le premier théologien, de l’Eglise catholique. C’est dans ses lettres que l’épithète de catholique est unie, pour la première fois, au nom d’Eglise (.4d .Smyiii., n. viii) : « Partout où paraît l’évêque, là soit la couuuunauté | locale), comme partout où est le (njrist Jésus, là est l’Eglise catholique. » Qu’on ne croie pas à un mot lancé en passant, à un éclair dans la nuil : la doctrine ecclésiologique est, dans ces courtes missives de circonstance, si développée et si complète qu’elle a été pour des critiques prévenus une pierre d’achoppement. Renan ne pouvait y

I, Kphes., VII, éd. A, Leloxo, Paris, 1910, p, 12.

"2, Toutes ces expressions sont tirées de la même épître. Le dernier mot, si fr-appaut, « qui comprend vraiment la parole de Jésus, celui-là peut entendre son silence même », se tr’Hivc nu ii, 15.’.^..itl. Rom.^ ii, v-vir ; ed. A, Leiong, p]). fiO, 62, (>.’►.