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JESUS CHKIST

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Ah ! mon Seigneur bien-aimé. chanter le cantique d’amourj vous suivre en haut ! Défaillir en tous louant dans la jubilation de ma tendresse. Vous aimer plus que moi, — ne m’aimer qu’en vous… Liv. III, ch. v, n. 4-G.

457. — Plus didactiques, plus rélléchis, les livres qui ont orienté et formé la piété moderne n’offrent pas d’autre doctrine que celles de l’Imitation : doctrine mise en drame’et réduite en leçons précises dans les Exercices de Saint Ignacb de Loyola (milieu du xvi" siècle) ; doctrine desserrée et rendue plus assimilable, sans détriment de sa force native, dans Y Introduction à la Vie décote de S. François de Sales (vers 1600). Ce sont là les codes de la vie chrétienne depuis trois siècles : tout le reste en sort, s’en sert, s’en inspire, les commente ou, tout au plus, les complète. Or, ici et là, sous des formes dilférentes commandées par leur but particulier, ces méthodes pour aller à Dieu font au Christ Jésus la première place : s’alTectionner à sa personne et se former sur ses exemples est l’alpha et l’ome^n de leur enseignement.

458. — Aux sièclessuivants, nousne trouvonsplus de livres aussi influents, bien que certains, comme les opuscules de piété de saint Alphonse de Liglori, aient atteint peut-être autant d’àmes. Mais ces opuscules ne sont que des reprises, très dévotes et très humaines, du même cantique. On pourrait tout résumer dans la grande parole de Jésus : « Philippe, qui m’a vii, a vu le Père », /o., xiv, g.

459. — Rien de bien nouveau en cela, hormis la méthode et l’accent. Ce qui estnouveau, c’est l’insistance avec laquelle, à ladillérenco de l’auteur der/m(7(i//o « , les nouveaux maîtres (et leurs disciples ou émules) appuient sur l’indispensable nécessité de la soumission à l’Eglise. Au xv= siècle, en dépit des incertitudes et des scandales du Grand Schisme, la chose allait encore sans dire. Jlais l’individualisme pessimiste et passionné du premier réformateur est intervenu. Rejetant tout intermédiaire personnel autorisé entre Dieu et l’âme, ne gardant que deux sacrements, expliqués à sa mode, et la lettre de l’Ecriture, pliable à toutes les fantaisies du sens propre, Ldther a prétendu se faire un christianisme hors de l’Eglise catholique, apostolique et romaine. Depuis, il est vrai, épouvantés par une audace que le novateur lui-même ne percevait pas entièrement, ses disciples et rivaux, au mépris de toute logique, rédigèrent à nouveau des formulaires, se cherchèrent des ancêtres, se constituèrent en « Eglises » séparées. Il fallut plus de deux siècles pour que le principe luthérien |)orlàt tous ses fruits, dans le protestantisme libéral, simple (I collection des formes religieuses de la libre pensée ».

Mais le mal, plus caché, existait dès le début, le mal et l’erreur qui veulent qu’on puisse rester lidi le à l’Epoux en reniant l’Epouse, et chrétien non catholique. Aussi les amis de Jésus, Ignace db Loyola, François de Sales, bien plus tard Ammionsr dk LiGuoRi, mettent au premier plan de leurs conseils l’union à l’Eglise, le sens de la hiérarchie et le souci de l’orthodoxie traditionnelle. Les E.rercices spirituels s’achèvent sur des « Règles pour conformer exactement son sentiment avec celui de notre Mère, la sainte Eglise hiérarchique ». François de Sales et Alphonse deLiguori ne sont pas moins nets. Autant

1. Ceci explique la déception et les erreurs d’interprétation de ceux qui lisent les Exercices et prétendent ensuite en juger. Kn dehors des Rè^lei, que tout connaisseur en psychologie ne peut manquer d’admirer, ces gens ne connaissent l’ceuvre de saint Ignace que ]i » v le dehors, le drame que |jar le M livret » indiquant la suite des scènes et les attitudes principales.

et plus que leurs œuvres écrites, les familles religieuses qui se réclament de leur esprit — et il faut en dire autant des grands Ordres anciens, réformés ou rajeunis : Lénédictins, Fi’anciscains, Dominicains, etc. — témoignent de cette ardente sollicitude.

460. — Finissons sur deux témoins empruntés au xvu’siècle français. Je les choisis à dessein dans deux écoles aussi opposées que possible, et dont la première est aux coulins extrêmes de l’orthodoxie, et souvent au delà.

Ici un homme, un penseur, un savant. Biaise Pascal fut-il. sur la lin de sa courte vie, détaché des opinions particulières et des erreurs du Jansénisme, qu’il avait si àprement défendues et servies ? Des découvertes et travaux récents ont rendu la chose probable, sans l’imposer’. Toujours est-il que le philosophe et l’homme religieux que fut Pascal dut son large ascendant à la religion personnelle de Jésus. En même temps que le plus haut sommet, peut-être, des lettres françaises, les pages consacrées par l’auteur des Pensées à son Maître comptent parmi les plus touchants témoignages qu’on ait rendus au Christ :

La connaissance de Dieu sans celle de sa misère fait l’orgueil. La connaissance de sa misère sans celle de IMeu fait le desespoir. La connaissance de Jésus Christ fait)e milieu, parce que nous y trouvons et Dieu et notre misère.

ious ne connaissons Dieu que par Jésus Christ. Sans ce Médiateur est ôtée toute communication avec Dieu ; par Jésus Christ nous connaissons Dieu.

Non seulement nous ne connaissons Dieu que par Jésus-Christ, mais nous ne nous connaissons nous-mêmes que par Jésus Christ. Nous ne connaissons la vie, la mort que par Jésus Christ. Hors de Jésus Christ, nous ne savons que c’est ni que notre vie, ni que notre mort, ni que Dieu, ni que nous-mêmes’-.

" Console-toi, tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé.

H Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang pour toi.

t( Laisse-toi conduire à mes règles, vois comme j’ai bien

nduit la Vierge et les saints qui m ont laissé agir en

con

eux

« Le Père aime tout ce que je fais, 
« Je te suis présent par ma parole dans l’Ecriture, par

mon esprit dans l’Eglise et dans les inspirations, par ma puissance dans les prêtres, par ma prière dans les tidèles.

« Les médecins ne te guériront pas, car lu mouri-as à la

fin. Mais c’est moi qui guéris et rends le corps immortel.

« Je te suis plus ami que tel et tel, car j’ai fait pour toi

plus qu’eux, et ils ne soulVriraienl pas ce que j’ai souffert de toi et ne mourraient pas pour toi dans le temps de tes infidélités et cruautés.

t( Si tu connaissais tes péchés, tu perdrais co’ur.

— « Je le perdrai donc, Seigneur, car je crois leur malice sur votre assurance.^

— « Non. car moi. par qui tu l’apprends, t’en veux guérir, et ce que je te dis est un signe que je te veux guérir. A mesure que tu les expieras, tu les connaîtras, et il te sera dit : Vois les péchés qui te sont remis.

— « Seigneur, je vous donne tout 3. »

461. — Vers lemêmetemps, une humble religieuse sans lettres et « toute abîmée en son néant ", marchant dans une voie oi’i elle avait eu des précurseurs, mais singulièrement illuminée de Dieu, résumait l’oeuvre du Christ dans son amour, honoré sous le parlant symbole de son ctfur. La piété des foules, le

1. Voir par exemple Er, Jovy, Pascal inédit, Vitry-le-François. 1908-lillO ; Y. de la Brièke, dans les Etudes du ô décem’oi-e VJl 1.

2. l’cnsces. Ed. L. Brunschvicg major, II, Paris, 1904, n. 527, 547, 548.

3. Ibid., n. 553.