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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/784

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JONAS

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de Jonas garde toute sa valeur de signe, aussi bien dajis l’IiypotLcse qu’il est tiré d’une parabole, que dans l’autre où il est pris pour historique. G est la manière de voir de M. Van IIoonackkr ; il l’explique bien dans son commentaire. Vu l’importance du sujet, qu’il soit permis de citer un passage un peu long :

La question se pose de savoir si les passages cités des Evangiles font argument, par eux-mêmes, pour prouver que le livre de Jonas n’a pas un caractère purement prophétique ou didactique et moi-al, mais en même temjjs historique ? A noire avis, il n’y a pas projjrement lieu ici de se demander si Jésus a pu s’accommoder dans son langage à une opinion reçue, à un préjugé, à une erreur communément admise de son temps et parmi son auditoire. Il devrait s’agir plutôt de ce que les logiciens scolastiques appelleraient la « supposltio iermtnoru/n, s. Jonas dans le ventre du poisson servant de terme de comparaison à Jésus restant trois jours dans le sein de la terre ; Jonas rejeté sur la cdte servant de terme de comparaison à Jésus ressuscité ; les Ninivites convertis à la voix de Jonas servant, suivant le sens propre du langage figuré du Sauveur, de signe ou d’argument contre la génération perverse et ob.stiuée dans l’inci-édulité, sont-ils des sujets envisagés dans leur vie réelle, ou considéi-és au point de vue littéraire du i-ôle qui leur est attribué dans le récit de notre livz-e ? Il est inutile de rappeler que le langage ordinaire emprunte souvent, à des écrits dont le caractère non historique est reconnu de tous, des termes qu’il présente sous foi-me d’énoncinlion absolue, mais dont lu valeur idéale est sous-entendue et supposée. Cet usage ne doit pas être considéré comme étranger aux Ecritures, ou indigne de la solennité des paroles du Sauveur aux endroits visés des Evantriles, ou impropre aux applications dont les éléments indiqués du livre de Jonas - sont l’objet i) (pp. 321-322). « Lorsque dans ses prières liturgiques pour le défunt, l’Eglise demande <( ut cum Lazaro qnondam paupere aeteroam habeat requiem », elle n’entend pas se prononcer sur la question de Savoir si la parabole du mauvais riche est à prendre ou non comme une histoire au sens strict… (p. 323).

Le savant exégète apporte ensuite divers exemples qu’il explique : II Tim.. iii, 8 ; 1 Cur., x, !  ; F.p. Jud.. V. g. i’). A ces témoignages ne pourrait-on pas ajouter £/). ad JJchr.. vu. 3 u sine pâtre, sine matre, sine genealogia… » ? Evidemment cela est dit de Melcliiscdech non selon la réalité de l’histoire, mais selon la manière do-nt il est présenté dans le texte de la Genèse.

Pour que la réponse soit complète, il reste’à élucider deux points trop facilement laissés dans l’ombre.

i Les Niniviles se lii.’eroiU au jour du Jugement. » Peut on dire cela, si le récit de leur conversion est liclif ? — Je réponds : il ne faut pas presser le sens de ce mol, (7s se Lèveront ; sinon, il faudra le faire aussi pour le mot suivant, ils condainiieronl ; or, la sentence de condamnation ne ser, -i point portée, par les Xinivites, ni par la reine du Midi. Le sens est le même que dans Sap., iv, 16, où le même verbe est eni|>loyé, /.v.z’jxf, ijivi : « Le juste qui meurt condamne les impies qui vivent. » C’est donc Vc.iemple des Ninivites i|ui condamnera, et non leur pt-rsuitiie. Mais Veremple subsiste dans l’hypothèse d’une parabole ; car, dans un livre inspiré, il est donné par Dieu même comme leçon ; et, de plus, il peut très bien être présenté comme type des conversions réelles produites dans des circonstances analogues.

On objecte en second lieu : L’exemple des Ninivites est historique, puisqu’il est donné parallèlement à l’exemple historique de la reine du Midi. — Mais ne peut-on pas légitimement associer, comme modèles de repentir, l’Enfant prodigue de la parabole et Sainte Marie-Madeleine de l’histoire évangélique’.’Saint Jean Ghrysostome ne dit-il pas que le

diable gémit de se voir enlever « la prostituée, le publicain, le larron, le blasphémateur » ? /-. G., t. XLIX, col. 284). Le publieain de la parabole est mis là sur le même rang que les pénitents historiques dont l’orateni’a parlé dans un discours précédent

3. Si les paroles de Notre-Scigneur Jésus-Christ peuvent, dans le sens proposé par divers auteurs catholiques, convenir au livre de Jonas pris comme parabole, le : témoignages de la tiiijiliun putriotKjue, relatifs à l’historicité, ont alors seulement pour objet, à moins de spécilier quelque chose de plus, le genre littéraire du livre, qui n’est point une question de foi ou de mœurs, à condition de sauvegarder l’inspiration. En ce cas, y aurait- il même stricte unanimité, ce serait, suivant les théologiens, une tradition très l’espectable sans doute, mais n<m décisive. Presque tous les Pères de l’Eglise admettent l’historicité du livre de Jonas. Cependant les textes que l’on va voir prouvent que l’exégèse historique ne s’imposait pas, et que l’interprétation allégorique était regardée comme libre.

Après l’objection citée plus haut(i, 4), S. Grkgoibe DE Na/.i.a-Nze résume l’interprétation qui lui fut alors proposée par le personnage « compétent » dont il parle, u capable de saisir la pen.ée profonde du prophète » : « Jonas, dit-il ne songe pas à fuir la Divinilé, gardons-nous de le croire ; mais il voit la

« chute d’Israël, et il conqirend que la grâce proc

( phétique passe chez les nations ; alors il se sous<i trait à la prédication, il did’ére d’exécuter l’ordre

« reçu ; et, laissant le poste de la joie, c’est le sens

a de Juppé en hétireii, c’est-à-dire, son ancienne éléar le sort ; il avoue sa fuite, il est submergé. il est englouti par le cétacé, mais sans

« périr ; là il invoque Dieu, et, ô merveille, avec le
« Christ, au bout de trois jours il reparait. Mais’( arrêtons ici cet exposé, sauf à le compléter un peu
« plus tard avec plus de soin, si Dieu le permet. » 

{P. G., t. XX.KV, col. 505-508, Orat. ii Apolog., 107109.) Donc le départ de Joppé, le voyage en mer et toute la suite des aventures de Jonas sont métnphoriqurs et allégoriques dans cette interprétation, qui I)laît tout à fait à S. Grégoire, à en juger par les éloges <]u’il douue à sou auteur et |)ar le désir qu’il a de la développer. On a su|)posé qu’il la tenait d’Origènc ; mais ccît impossible, car il est né 75 ans après la mort d’Origène, et « il a entendu » l’interprète en question.

Ce texte de saint Grégoire de Nazianze est trop peu connu, négligé même ])ar les plus savants et récents commentateurs de Jonas. Le P. Lagrange en a fait valoir l’importance (/VB, igoC, p. 154). Plus oubliée encore — je ne l’ai vue citée nulle part — est l’exposition qu’en donne Thkoimivi.acte, à la lin d’un commentaire sur Jonas, où lui-même d’ailleurs s’attache à l’exégèse historique. « Il ne faut pas l’ignorer, dit Théopliylacle, plusieurs ontadnds que la désobéissance de Jonas, sa fuite et le reste ne sont pas historiques (Om K-p’jrnim Se, w ; tàv ~où lum. ny.pvji^ry, xv.’i ïuyï ; v, xv.’t - : ’vjly., ojèà/oiç f ^^ ovO 5/6) ; ] TTCf.psôé^Kvzd Tivi ; xK9’<3T5p<aa /fji^rdxt.) Et sans nommer Grégoire de Nazianze, il expose aussitôt l’interprétation citée ci-dessus, il en répète plusieurs lignes mot à mot : il s’agit donc très certainement de l’opinion de ce Père. Puis, pour chacun des points qui sont seulement éniimérés dans le texte de saint Grégoire, il présente en détail l’exégèse allégorique ; et l’on peut se demander s’il n’avait pas sous les yeux le développement plus complet annoncé par saint Grégoire. Jonas est