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Les pièces du Procès et des Décrets concernant l’affaire de Galilée ont eu des destinées différentes, mais également mouvementées,

Le Proces se conserva à Rome, dans les Archives du St.-Office, jusqu’au commencement du x1x° siècle, et c’est chose fort connue que la tradition constante de la Congrégalion fut d’en refuser conununication. Longtemps donc les historiens qui écrivirent sur Passaire furent dans Fimpossibilité de recourir aux sources originales, et ce n’est pas l’une des moindres causes pour lesquelles l’histoire du procès de Galilée est restée obscure jusqu’en ces dernières annees

En 1811, quelque temps aprés l’occupation de Rome par les troupes françaises, Napoléon I’ordonna le transfert des Archives du St.-Oillice à Paris. A cette occasion, les pièces du proeës de Galilée furent soigneusement recherchées, puis confiées au bibliophile Barbier, bibliothécaire de l’empereur, qui forma le projet de les publier intégralement. Les ditticultés du travail le retardèrent sans doute ; les soucis des derniérescampagnes ventousensuite détourner l’attention’le Napoléon, et il ne semble pas avoir été question de l’édition des pièces du Procès jusqu’à la chute de l’Empire.

En 1814, Pie NH fit redemander à Louis

XVHI le célèbre dossier ; jour et lieu avaient été pris par le comte de Blacas et Myr Marini, Garde des Archives Pontificales, pour la remise des pièces, lorsque le roi manifesta le désir de les parcourir, Survent la débàele des Cent-Jours, pendant laquelle le dossier s’égara.

A la fin de 1815, les pourparlers reprirent. entre les Cours de Rome et de Paris. mais sans résultat, le dossier demeurant introuvable ; à partir de 1817, le Saint-Siège semble même avoir renonce à de nouvelles réclamations.

Conumentles piéces perdues furent-elles retrouvées ? On l’ignorera sans doute toujours. Ce qui est certain, c’est qu’en 1845 elles furent rendues au Pape par l’intermédiaire du comte Rossi, sous la promesse expresse qu’elles seraient livrées à la publicité. Pendant les malheureux événements de 13848, Pie IX confia la garde des précieux documents à Myr Marini et, le 8 juillet 1850, il les déposa à la Bibliothèque Vaticane. Depuis. le dossier à été restilué aux Archives secrètes du Vatican, où il se trouve aujourd’hui.

La promesse faite à Rossi fut remplie, mais fort incomplétement, par Mgr Marini, en 1850. Une deuxième édition du procès, plus complète, mais encore partielle, fut donnée en 1867 par Henri de l’Epinois. Berti, en 1836, donna une troisième édition, plus étendue, mais toujours incomplète, et il en donnait une nouvelle deux ans plus tard. De son côté Charles von Gebler donnait, en 1897. une excellente édition à laquelle on se référe depuis trente ans. Mais le manuscrit du Procès est. par endroits, des plus malaisés à déchiffrer ; d’ailleurs il a subi des remaniements récents. On pouvait done espérer une édition plus exacteet plus minutieusement critique. Un savant dont la compétence est hors de pair quand il s’agit de Galilée, M. A. Favaro, obtint de Léon XII toutes les facilités désirables pour étudier le manuscrit à son aise. Il l’a soigneusement décrit dans son état actuel et nous en a donné, en 1907. un texte détruitif !.

Nous venons de retracer à grands traits l’histoire du Procès de Galilée ; l’histoire de la publication du manuscrit des Décrets est également intéressante.

Ce manuscrit avait échappé aux perquisitions des agents de Napoléon 1’ ; pourtant l’on en supposait à bon droit l’existence. A plusieurs reprises, des éru-




1. Galileoe l’Inquisizione, pp. 33-140. C’est à ce texte que nous donnerons nos références.

GALILÉE

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dits en avaient demandé communication ; on leur avait poliment répondu que les archives ne contenaient rien sur le sujet qui les intéressait. La réponse n’arien qui doive étonner : tous lestribunaux agissent de méme en pareil cas, tenus qu’ils sont par le secret professionnel.

Au mois de décembre 1848, Pie IX, fuyant l’émeute, s’était réfugié à Gaëte. Soueieuse de ne pas laisser détruire les archives du St-Office, la Constituante romaine les avait fait transporter à l’église de l’Apostanaire, où elle les croyait plus à l’abri qu’au grette de l’inquisition, Ce transfert se fit dans le plus grand désordre et l’on se contenta d’entasser pêle-mêèle regis- Les et feuilles volantes.

Protilant de leur situation officielle, Sylvestre Gherardi, ministre de l’instruction publique de la Constiluante, et son collègue des finances, Jacques Manzari, pénétrérent à plusieurs reprises dans l’église de l’Apostanaire pour y rechercher tout ce qui concernait l’affaire de Galilée. Ils ne lrouvérent pas le registre du Proces, que Pie IX avait contié à Myr Marini, mais ils mirent la main sur dix-sept décrets authentiques ce sur une copie manuscrite de trente-deux décrets ayant trait à la condamnation de Galilée. Cette copie paraissait être de la fin du xvin siècle ; en la collationnant avec les décrets authentiques, Gherardi acquit la conviction qu’il avait là une collection complète, ou à peu prés, des décrets.

Sur ces entrefaites, les troupes françaises entrérent dans Rome et Gherardi fut obligé de quitter la ville. Plus de vingt ans il tarda à faire connaitre le document dont ilétait en possession ; mais, en 1867, Henri de l’Epinois ayant publié la majeure partie du roces de Galilée, Gherardi, à son tour, édita sa copie des Décrets.

Convaineu de l’existence des pièces originales, M. Favaro aurait vivement désiré les éditer avec les picees originales du Proces. Malgré la réponse dilaloire qu’il avait reçue, en 1900, du cardinal Parocchi, il eut l’heureuse inspiration de s’adresser « à l’autorité suprème du St.-Office ». Cette autorité lui accorda gracieusement de faire des recherches dans les archives. M. Favaro put ainsi préparer à loisir une édition complèle et reconstituer même quelques pièces lacérces et trunquées. On peut regarder cette édition comme la première des Décrets.

Cette double publication, concordant avec une remarquable édition des œuvres complètes de Galilée ?, due également à M. Favaro, permel désormais de donner aux discussions une base ecrtaine, et l’on ne pourra plus arguer de falsilications où d’intercalations, comme cela a eu liou dans le courant du xix. siècle.

2° Causes qui ont contribué à mettre en relief la condamnation de Galilée. — La condamnation de Galilée et de sa doctrine par les congrégations romaines, en 1616 et en 1633, est, depuis trois siècles, l’objet de vives discussions entre les catholiques et leurs adversaires. [Il n’est guère d’ouvrage polémique, de conférence contradictoire, de conversation entre chrétien et libre-penseur, où le nom du champion du mouvement de la terre ne soit jeté, comme un argument ou une injure, à la face des fils de l’Eglise.

Pourquoi cette place importante faite à la question Galilée ?

On peut en donner des raisons d’ordre historique et d’ordre religieux ; quelques-unes apparaîtront

1. /d., pp. 13-33. C’est également à ce texte que nous nous réfercrons

%. Le Opère di Galileo Galilei, Edizione Nazionale. Nos références se rapporleront également à ceste édition.