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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/828

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JUIF iPEUPLE)

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Se sentant impuissants à représenter ces sublimes réalités, ils s’elTorçaienl, en empruntant au monde et à riiisloire ce qu’ils renfermaient de plus terrible ou au contraire de plus délicieux, d’en donner des idées suflisanles pour inspirer la terreur aux mccliants et pour aviver les espérances des justes. Une tradition se formait ainsi dans laquelle cliacun pouvait puiser les éléments de ses descriptions. Mais, en y clioisissant les traits matériels dont ils comi)osaient le tableau du bonheur attendu, ils se rendaient compte qu’ils parlaient par figure pour exprimer des réalités qu’ils ne pouvaient atteindre. Ils faisaient un peu ce que nous faisons nous-mêmes lorsque, dans un langage dont nous ne nous dissimulons pas le caractère ligure, nous cherchons à rendre sensiljles les châtiments, de l’enfer et le bonheur du ciel. — L) Si maintenant on veut remonter jusqu’aux origines et aux premières traces de ces manières de parler, on est amené à les trouver dans les livres prophétiques de la Bible elle-même. — k) Sans aucun doute, on ne relève pas dans nos prophètes des descriptions aussi compliquées, des groupements de traits extraordinaires aussi abondants que dans les apocryphes. Maison ne saurailméconnaîtreque beaucoup des éléments, qui ont été plus lard synthétisés et agrandis, se rencontrent, à l'état isolé et sporadique, soit dans les apocalypses canoniques, soit dans les oracles à proprement parler prophétiques. On peut citer, à titre d’exemples : pour les bouleversements cosmiques, /.v., xxiv, 18-20 ; £ :., xxxii, 7, S ; XXXVIII, 19-22 ; XXXIX, g-20 ;./o., ii, 10 ; iii, 4 ; iv, 15 ;.^m., viii, 8, 9 ; ix. 5, 6 ; Mi., I, 4 ; Aa., i, ^ G ; ^oplt., i, 2, 3, iD ; Zach., XI V, 3-5, 0, 7, 12-15 ; pour les splendeurs des temps messianiques, 7s., XXX, 23-26 (surtout 26) ; xxv, 6 ; Ez., XLVII, M 2 ; Os., II, 20 ; ^ m., IX, I 3 ; Zach., xiv, 8, 16-21. — /S) On peut penser sans témérité que, dans ces passages des écrits prophétiques, tout comme dans ceux des apocalypses ai)ocr}'phes, ces traits ont un caractère métaphorique, ou au plus une valeur typique et spirituelle ; en grandissant, en transformant les phénomènes qu’ils empruntaient au monde actuel, les voyants avaient pour but d’inculquer que, si les réalités présentes pouvaient suggérer qm-Ique chose de ce que Dieu produirait aux jours de ses interventions les plus solennelles, ee n'était que d’une manière approximative, dans la mesure où ce qui est terrestre et imparfait peut figurer ce qui est divin et parfait. — y) Mais faut-il restreindre cette remarque aux seuls traits des descriptions iirophéliqucs (lui nous déconcertent par leur caractère insolite ? îs’e serait-il pas tout indiqué de l'étendre à l’ensemble de ces descriptions de bonheur matériel, de prospérité temporelle, par exemple, dont les éléments, pour magnifiques qu’ils soient, ne sortent pourtant pas des limites de ce qui est normalement réalisable ? Ne serait-on pas amené à penser qu’en élaborant ces tableaux de prosiiérité temporelle les prophètes songeaient à des biens supérieurs dont ceux qu’ils incitaient en avant, ])arce que seuls ils étaient susceptibles d'être compris, n'étaient que le tjpc et la figure ? — 5) Une remarque serait de nature à appuyer une réponse adirmative. On saisit à plusieurs reprises dans les livres prophétiques que l’expression a jour de Vahweli » est une expression courante et reçue (/i., xiii, 6 ;.S’o., i, iiî-18 ; J<i., i, 15 ; II, i ; etc.). Amos (v, 18-20) laisse elairenient entendre que la formule était connue, non seulement dans les cercles prophétiques, mais encore dans les milieux populaires. I.a différence entre les voyants et leurs auditeurs venait surtout de la manière dont les uns et les autres entendaient ce langage ; pour le peuple, les terreurs et le châtiment étaient le partage des étrangers, les béncdiclions étaient l’héritage

d’Israël ; pour les censeurs de ses désordres, Israël devait connaître les horreurs de ia punition avant de participer aux faveurs. Mais, cette réserve faite, qui est fort importante, on peut i)enser d’abord qu’il y avait une manière commune, jjopulaire, de traduire les espérances et les phases successives du jugement divin ; on peut penser ensuite que les prophètes ont utilisé ce langage, tout en faisant les transiiositions A oulues, tout en lui attribuant une portée en relation avec les idées supérieures qu’ils prêchaient. A notre tour, quand il s’agit de parler de l’au-delà, nous ne reculons pas devant les descriptions capables de frapper la foule, tout en n’ignorant pas ce qu’elles ont d’inadéquat. — c) Mais il faut aller plus loin. On ne saurait garantir qu’en ])arlant du jour de Yahweh le peuple ne^prit pas à la lettre les descriptions qui nous semblent les plus fantastiques. Est-on fondé à admettre qu’en faisant parmi ces images un choix discret les prophètes aient toujours eu conscience de parler par métaphores, ou encore d’exprimer par des types et des figures des réalités qu’ils ne pouvaient représenter directement ? Est-on fondé à dire que, parlant de promesses temporelles, ils savaient qu’ils se bornaient à donner un revêtement sensible à des perspectives avant tout spirituelles ? La question est délicate. Nous ne sommes pas décidés, nous l’avons montre, à dire, avec certains apologistes, que l’espérance et les prophéties messianicpies se sont réalisées tout autrement que les voyants les avaient conçues ; autant vaudrait dire, à notre sens, que les prophéties ne se sont pas accomplies, qu’il n’y a pas eu autre cliose dans l’Ancien Testament qu’une orientation générale des âmes vers le Christ. Mais, d’autre part, nous admettons, avec toute la tradition chrétienne, l’existence de prophéties spirituelles à c6té des prédictions littérales (fid. infin). Or personnelle songe à dire qu’en posant les actes, en mettant en scène les personnages, en décrivant les institutions qui avaient une valeur et un rôle figuratifs, les auteurs sacrés aient eu une conscience toujours claire de ce deuxième sens de leurs écrits, beaucoup plus important souvent que le sens littéral. Ne pourrait-on pas appliquer cette manière de voir au cas qui nous occupe ? Ne pourrait-on pas croire que, tout en ayant l’impression générale de décrire des choses qui les dépassaient, les prophètes, en traçant le tableau de la prospérité matérielle aux temps messianiques, n’ont pas toujours vu plus loin qu’ils ne le laissent entendre, n’ont pas toujours découvert, jiar delà le sens littéral de leurs ]iaroles, les richesses du sens spirituel qu’elles renfermaient ? Il y aurait peut-être lieu de rappeler ici une distinction opportune et qui, par son ampleur, dépasse le point concret qui nous occupe : c’est la distinction entre l’idée révélée et son expression. Dieu donnait aux prophètes l’idée des biens messianiques. Cette idée pouvait être et était souvent de fait très précise, nettement orientée vers les réalités spirituelles : le langage du prophète l’exprimait alors d’une façon aussi adéquate que possible. Mais, en d’autres cas, l’idée restait ]ilus ou moins vague, plus ou moins indéterminée ; sans doute elle n'était pas explicitement, ni surtout exclusivement, dirigée dans le sens des biens temporels ; mais elle n'é oquait pas clairement les disions d’ordre spirituel ; elle restait neutre, pourrait-on dire. C’est cette idée un peu imjiréeise ipie, sans se prononcer sur la valeur objective (les images, les jiropliètcs ont crprimée en figure de biens temporels. — rf) A l’appui de cette interprétation spirituelle des promesses temporelles, on (lourrait faire valoir quelques textes du Nouvcau Testament (cf. Luc, x, 20, llt’hr., xii, 23 et /s., iv, 3 ; Act., XV, 16 el.im., ix, I 1, 12 ; etc.) et de nombreux