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fidèle aux doctrines héritées de la Scolastique, et présente l’inmobilité du soleil et la mobilité de la terre comme des postulats qu’il demande qu’on lui concède : « & nobis aliquæ petitiones concedentur. » Mais, dans son fameux livre Le revolutionibus orbium cælestium, il est beaucoup moins réservé et présente ses idées nullement comme une hypothèse, encore moins comme un ingénieux paradoxe, mais bien comme l’expression de la réalité ! , Prévoyant que, pour cette raison, l’ouvrage pourrait être malaccueilli, André Osiander, à qui la publication du manuscrit avait été confiée, le fit précéder d’une préface de sa composition, qui attribuait à tout l’ensemble la valeur d’une simple théorie hypothétique. Aussi nul homme d’Eglise ne songea-t-il à attaquer Copernic, durant l’espace de plus de soixante ans.

Dans sa préface, Osiander s’exprimait ainsi : « Il n’y a aucune nécessité à ce que ces hypothéses soient vraies ni même à ce qu’elles soient vraisemblables ; il suflt qu’elles permettent de rendre compte des observations par le calcul. » Une telle doctrine, au sujet des hypothèses astronomiques, indignait Kepler : « Jamais, dit-il dans son Prudromus dissertationum cosmographicarum ?, je n’ai pu donner mon assentiment à l’avis de ces gens. qui s’efforcent de prouver que les hypothèses admises par Copernic peuvent être fausses et que, cependant, des phénomènes réels peuvent en découler comme de leurs principes propres. Je n’hésite pas à déclarer que tout ce que Cupernic a amassé a posteriori et prouvé par l’observalion, tout cela pourrait, sans diflivulté, être démontré a privri, au moyen d’axiomes géométriques. »

Cette confiance un peu naïve de Copernie et de Kepler dans la puissance de la méthode physique à expliquer la nature vraie des phénomènes, se retrouve en Galilée. Galilée, il est vrai, distingue bien entre le point de vue de l’astronomie, dont les hypothèses n’ont d’autre sanction que l’accord avec l’expérience, et le point de vue de la philosophie naturelle, qui saisit ou, du moins, s’efforce de saisir les réalités ; il prétend, lorsqu’il soutient le mouvement de la terre, discourir seuleruent en astronome et proposer de simples hypothèses ; mais il se dément sans cesse et laisse voir que ces distinctions ne sont chez lui que des faux-fuvants pour éviter les censures de l’Eglise. Si les juges de Galilée eussent pensé qu’il parlait sincèrement, en astronome et non en philosophe, s’ils eussent regardé sa doctrine comme un pur système et non comme une ailirmation absolue sur la nature des choses, ils n’eussent point censuré ses idées. Nous en avons l’assurance par la lettre qu’écrivait le cardinal Bcllarmin au P. Foscarini, le 12 avril 1615 : « Votre Paternité et le seigneur Galilée agiront prudemment en parlant non pas absolument, Mais ex suppositione, Comme l’a toujours fait, je crois, Copernic ; en effet, dire qu’en supposant la terre mobile et le soleil immobhile, on rend compte

1. La préface originale de Copernic, deineurée à l’état de manuscrit entre les mains du Comte Nostiz, à Prague, ne fut imprimee pour la première fais, en latin. qu’en 1854. dans une édition de luxe publiée par Baranowski. Dans la dédicace de son ouvruge au paye Paul III, Copernic présente, avec autant de finesse que d’hubileté, ses idées comme des hypothèses, mais tout le livre montre que "ces idées étaient en lui des convictions profondes. Cf. Moutucla, list. des Math, , t. 1, p. 628.

2. Juannis Kepleri astronomi opera omnia, t. X, p. 112- 153. — Eu 1597, Nicolus Raïmarus Ursus publia à Prugue un écrit intitulé De hypothesibus astronomicis, où il soutenait, en le exagérant, les opinions d’Osiander ; trois ans plus tard, Kcpler répondit par l’écrit suivant : Joaunis Keplert apolosia Tychonis contra Nicolaum Raymarum Ursum. Cet écrit fut publié seulement en 1858 par Frisch. Il contient de vives réfutations des idées d’Osiander.


GALILÉE

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de toutes les apparences beaucoup mieux qu’on ne pourrait le faire avec les excentriques et les épicycles, c’est très bien dire ; cela ne présente aucun danger et cela suffit au mathématation !. » Dans ce passage, Bellarmin maintenait la distinction scolastique entre la méthode physique et la méthode métaphysique, distinction qui, pour Galilée, n’était plus qu’un subterfuge.

Cependant, admettons, pour l’instant, que Galilée ait été fidèle à la ligne de conduite qu’il prétendait s’être tracée et que, renonçant à être cosmologue, il n’ait voulu se placer qu’au point de vue de l’astronomie. Le seul contrôle logique d’une théorie, d’un système scientifique, est l’accord avec l’expérience. Il s’agissait donc de montrer que le Système de Copernic s’accordait avec les faits connus. Galilée ne put y parvenir.

2° Argument apporté par Galilée au procès de 1616°. — L’unique argument qu’apportait Galilée en 1616 est contenu dans son Zrattato del Flussoe Reflusso del mare3 ; non seulement cet argument ne prouve rien, mais il conduit à des conclusions en contradiction avec les faits.

D’après Galilée, les marées sont dues à la vitesse plus ou moins grande dont sont animés, au même moment, des points de la surface terrestre diversement placés par rapport au soleil. En effet, soient (lig. 1) le soleil Set la terre T tournant autour de lui, d’un monvement supposé circulaire et uniforme.

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Fig. 1

En même temps qu’elle est animée d’un mouvement de tranétation, la terre est animée d’un mouvement de rotation sur elle-même ; le mouvement résultant, dont seront animés les divers points de la surface du globe, différera donc en chaque point, suivant que les mouvements de tranétation et de rotation s’ajouteront vu se retrancheront en ce point. À un instant donné, par exemple, la vitesse du point À sera beaucoup plus considérable que celle du point B, qui lui est diamétralement oprosé. Les eaux de l’Océan, par suite de leur mobilité, ressentent ces variations de vitesse ; elles oscillent tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, s’élevant et s’abaissant tour à tour.

1. Op. Gal., t. XII, p. 171. | 2. Cf. A. Müller, S. J., Die Erscheinungen von Ebbeund

Flutk in Zusammenhang mit dem Kopernihanischen W’eltsystem, dans Slimmen aus Maria Laach, 1899., k

3. Le manuscrit autographe de ce petit traité, Composé par Galilée en 1616, a été retrouvé de nos jours à la Bibliothéque Vaticane. Il est intitulé : Trat{ats… composto da Galileo Galilei ad istanza dell Illme Revo Sig. Card. Flavio Orsino (société di propria sua mano}, in Roma agli 8 di gennaio 1616, mentre egli stava per le persecutioni (de) riccvute dagli emolé suoë sequestrale alla Trénità dè Mont : nel giardino Medici. Op. Gal., t. V, p. 371-39%.