Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/883

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1753

JUIFS ET CHRETIENS

1754

faveur de la divinité du christianisme. Avec les traités De vera leli^ione et les ouvrages d’apologétique en général, il y aurait à citer spécialement les travaux sur les diverses méthodes d’apologétique et sur les prophéties, ainsi que sur l’argumeut déduit de la dispersion du peuple juif et de son état après la mort du Christ, tels que VEvidence de la yérité df’lu religion chrétienne tirée de l’accomplissement littéral des prophéties constaté principalement par l’histoire des Juifs et des découvertes des voyageurs modernes d’A. Kbith, dans Migne, Démonstrations éi-angéliqnes, iS ! i’i, t. X, p. 330-471, et La désolation du peuple juif de M. Socllikr, Paris, 1891. Mentionnons enfin, du P. M.-J. Lagrangb, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909.

§ III. L’aI’OLOGÉTIQUE CI1R£TIE>'NB

Ce n’est pas ici le lieu d’étudier la valeur, les faiblesses, les développements de l’apologétique chrétienne au cours des controverses avec les Juifs. Voir l’article AroLOGKTHiCB, t. 1, col. 190-220. Deux points seulement doivent arrêter notre attention.

77. — Quelle est la raison d’être du peuple juif et quel, en particulier, son rôle depuis la mort de Jésus ? Saint Ai’GLSTix, le premier, a abordé résolument ce problème. La solution qu’il propose lit fortune dans l’Eglise. Le moyen âge tout entier l’adoi^ta, et 150s-SCBT la reprit avec la splendeur de langage que l’on sait. Elle se résume de la sorte : jieuple de Dieu, instrument entre ses mains, la nation juive semble ne pas avoir existé pour elle-même. Orientée vers le Christ, elle eut à l’annoncer et à le Ugurer. Elle ne reconnut pas dans le Christ le Messie attendu, le Sauveur du monde. Dieu a voulu qu’elle continuât, comme jadis, à être, pour beaucoup d’àmes, le chemin qui mène à la lumière de la vérité. « Les Juifs possèdent en main les livres contenant les prophéties relatives au Christ, dit saint.lgi ; stix, Jn Joan., tract. XXXV.). Et, au cours de nos discussions avec les païens, lorsque nous leur montrons réalisé dans l’Eglise du Christ ce qui fut prédit du nom du Christ, du corps du Christ, ahn qu’ils ne s’imaginent pas que ces prédictions sont des ticlions et que nous avons écrit après coup ces choses comme si elles devaient se produire, nous leur présentons les livres des Juifs nos ennemis… Et, leur produisant des livres qui sont et ont toujours été entre les mains des Juifs, nous leur disons avec raison : Vous n’avez rien à objecter contre ce témoignage, puisqu’il vient d’un jieuple ennemi de notre foi aussi bien que de vous. " Ainsi, dispersée au milieu des nations, ayant cependant conservé son indépendance et ses caractères distinettfs, la nation juive a toujours la même mission :

« les siècles écoulés l’ont vue désignant par avance

celui qui devait relever l’humanité déchu*- ; la voici maintenant au même poste, le doigt tourné vers le pissé, révélant à ceux qui les ignorent les promesses divines et permettant d’en saisir la réalisation ii, P. B> : r.ro, Saint Augustin et les Juifs, Besancon, 1913. p. 70.

78. — La dispersion des Juifs fut envisagée à un autre point de vue par les polémistes antijuifs. Prophétisée, son accomplissement a été présenté de bonne heure, cf. Lb Nocrry, Dissert, in Apolog. Tertul., P. L., t. I, col. -S3--jSô, comme une preuve de la divinité du cliristianisme. L’argument est devenu classique. Bosst’ET, entre beaucoup d’autres, lui a prêté l’éclat de son grand style. Discours sur l’histoire uni<erselle, II, xx-xxiv. Or. il a besoin d’être mis à jour. Jamais Israël n’a été ausû dispersé qu’à notre époque. Mais il n’est plus dans la situation humiliée de jadis. Depuis 1789, il est réhabilité, enrichi, i

influent. Telle manière de présenter l’argument qui consistait à dire qu’Israël ne subsiste que pour être, aux yeux de l’univers, un témoignage vivant de la malédiction divine, Israël devant toujoms vivre dans l’opprobre et l’ignominie, est donc à réformer. Il faudra l’adapter à l’état actuel des choses. On s’y est essajé. Cf. M. Soclukii, La désolation du peuple juif, p. 3^4-381 ; les abbés Lkma.>n, La dissolution de la Synagogue en face de la vitalité de l’Eglise, Kome, 1870, reproduit dans La cause des restes d’Israël introduite au concile oecuménique du Vatican, p. 5469 ; n. UcRTKH, Theol. dogmat., 4’édit., Inspruck, t. I, p. 75-78. Quelle que soit la position sociale de beaucoup de Juifs, la masse est encore méprisée et malheureuse, et la poussée récente d’antisémitisme a montré ce qu’il y a d’instable dans la fortune de ceux qui prospèrent ; surtout il demeure que la Synagogue et le peuple juifs, à l’égard de la vocation dans le Christ, en tant que tels et comparativement à ce qu’ils furent avant le Christ, sont déchus selon que les prophéties l’ont annoncé.

§ IV. Les coxvBRSioxs

79. Des origines à 313. —.près les grands coups de filet du lendemain de la Pentecôte, les Juifs ne furent pas faciles à gagner au christianisme. Saint JusTix, I^ Apol., LUI, estime que les chrétiens venus du paganisme sont plus nombreux, et plus réellement chrétiens, plus sincères, que les Juifs convertis. La Palestine même accepta médiocrement l’Evangile. Les Actes des apôtres racontent les premières missions, et nous savons qu’il exista, à Jérusalem, une église chrétienne gouvernée par les Douze, puis par Jacques le mineur. Quand la ville fut assiégée par Titus, ces fidèles émigrèrenl au delà du Jourdain ; leurs frères de Galilée et de Samarie les y rejoignirent. Dans cesrégions de Damas et de la Décapole, ils menèrent une vie effacée, Oiugènb, /h Joan., 1, 1, évalue à moins de cent quarante-quatre mille le chiffre des convertis du judaïsme. Le calcul ne saurait être rigoureux ; il autorise à conclure que la propagande évangélique eut un succès modeste dans le milieu juif. En dehors des convertis de l’Evangile et du Nouveau Testament, il y eut. parmi les chrétiens d’origine juive, un pape : saint Evariste — et aussi, d’après certains auteurs, saint Ax.clet — et quelques écrivains : le pseudo-BARSABK, Hégésippb selon toute vraisemblance.

80- De 313 à 17 S9. — Entre ces deux dates, les conversions simulées abondèrent. Vivant en pays chrétien, mal vus à cause de leur judaïsme, parfois tracassés, spoliés, exilés s’ils ne renonçaient pas à leur religion, ils succombèrent en nombre considérable à la tentation d’acheter la tranquillité par un semblant de christianisme. Ce fut le cas d’innombrables Juifs d’Espagne qui reçurent le baptême du temps de Sisebut et de Ferdinand. Ceux-là, nous ne les comptons point dans la liste des convertis Juifs. Ils ne doivent pas y figurer non jilus, ces milliers de Juifs dont des documents apocryphes racontent la conversion. Les Acta sancti Sittestri, le récit de la controverse qui aiu-ait eu lieu à la cour des Sassanides, le Dialogue de saint Grégexcb, se terminent par la conversion des Juifs qui auraient assisté aux controverses entre Juifs et chrétiens. Cette finale est fantaisie pure, comme le reste. Au contraire, la lettre de saint Sévère, évéque de Minorque, sur la conversion en masse des Juifs de cette île, à la suite de l’arrivée des reliques de saint Etienne, a résisté aux attaques de la critique. L’origine juive de saint AxGB de Jérusalem (— 1220, à Licala, en Sicile) et les conversions de Juifs opérées par lui,