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GALILÉE

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leur valeur : aujourd’hui même, deux siècles après Galilée, elU-s consliluenl l’une des principales raisons qui fondi’nl notre croj’anee à la rotation de la terre. Mais ees raisons, convaincantes peut-être pour le ffénic intuitif qu’i’tait le savant Florentin, ne lurent pas assez par lui mises en lumière ; il leur préfera à tort des preuves qui avaient infiniment moins de valeur, ou même des arffunients absolument faux. Cela seul sullirait à excuser, au point de vue seientili (pie, l’attitude de ses adversaires et leurs fins de non-recevoir.

Galilée, il faut le répéter, n’avait qu’un moyen de faire triom|ilier ses idées : c’était de les ensciffuer comnii’une Inpotbèse scientifique et d’essayer de les étayer peu à peu de preuves qui pussent faire impression sur ses adversaires. Le P. lîaldigiani, S. J., sincère admirateur du jrrand homme, voyait très juste quand il écrivait à Viviani ; « Si Galilée avait su être ]>lus a isé et i>lus prudent ; si, conservant danstoute leur intéitrité les théories de Copernic, il avait siraplenu’nt changé sa manière d’écrire, il n’eût pas rencontré tant de contrariétés et rien ne manquerait à sa gloire. »

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QUESTION EXKGKTIQfE

("Opinion des Pères et des docteurs de l’Eglise.

— L’Eglise considère l’Ecriture sainte comme un texte inspiré.

Elle a constamment revendiqué le droit de l’interpréter authentiquement. Les conciles de Trente et du Vatican l’ont aux exégètes un devoir de se tenir au sens unanimement reçu par les Pères, ou encore défini par l’Eglise, dans les questions qui concernent la loi et les mœurs et intéressent la doctrine chrétienne’.

Sur le cas qu’il convient de faire des interprétations courantes que les anciens exégètes nous ont laissées des choses dont l’intérêt est par lui-même scientifique mais qui sont incidemment liées au contenu doctrinal de la Bible, Léon XIII s’est nettement expliqué dans l’encyclique Providentis.’iimiis, du 18 novembre 1898 : « De ce qu’il faiit défendre vigoureusement l’Ecriture sainte, il ne résulte pas qu’il soit nécessaire de conserver également tous les sens que cliacun des Pères ou des interprètes qui leur ont succédé a employé pour expliquer ees mêmes Ecritures. Ceux-ci, en effet, étant données les opinions en cours à leur époque, n’ont peut-être pas toujours jugé d’après la vérité au point de ne i)as émettre certains principes qui ne sont maintenant rien moins que prouvés. Il faut donc distinguer avec soin, dans leurs explications, ce qu’ils donnent comme concernant la foi ou comme lié avec elle, ce qu’ils allirment d’un commun accord. En elïet, pour ce qui n’est pas de l’essence de la foi, les saints ont pu avoir des avis différents, ainsi que nous en avons nous-mêmes. Telle est la doctrine de St. Thomas. Celui-ci, dans un autre passage, s’exprime avec beaucoup de sagesse en ces termes : « Pour ce qui concerne les opinions que les philosophes ont communément professées et qui ne sont pas contraires à notre foi, il me semble qu’il est plus sûr de ne pas les allirmer comme des dogmes, bien que quelquefois elles soient introduites dans le raisonnement au nom de ces philosophes, et de ne pas les noter comme contraires à la foi, pour ne pas fournir aux sages de ce monde l’occasion de mépriser notre doctrine- ». D’ailleurs,

1. Cf. Denzingcr, Enchiridion, 785, 1788 flO* édition.

2. Oj>use. X.

quoique l’interprète doive montrer que rien ne contredit l’Ecriture, bien explitiuce, dans les vérités que ceux qui étudient les sciences physiques donnent comme certaines et ap[iuyées sur de fermes arguments, il ne doit pas oublier que parfois plusieurs de ces vérités, données aussi comme certaines, ont été ensuite mises en doute et laissées de côté. Que si les écrivains qui traitent de physique, franchissant les limites assignées aux sciences dont ils s’occupent, s’avancent sur le terrain de la philoso])hie en émettant des opinions nuisibles, le théologien peut faire appel aux philosophes pour réfuter celles-ci. »

En parlant ainsi, le Souverain Ponlife ne l’ait que traduire fidèlement l’enseignement de l’Ecole. Un principe déjà entrevu des anciens et expressément formulé par St. Augustin et St. Thomas, au sujet du sens et de la portée du texte biblique, dans les passages où il est question des phénomènes de la nature, était celui-ci : l’Ecriture en [larle comme tout le monde en parlait alors, d’après les a])|>arences. C’est encore la doctrine expresse de l’encjclique Providentissimus :

«. Les écrivains sacrés ou, plus exactement, ’1 l’Esprit de Dieu qui parlait par leur bouche, n’a

pas voulu enseigner aux hommes ces vérités concernant la constitution intime des objets visibles, parce qu’elles ne devaient leur servir de rien pour leur salut’». Aussi ces auteurs, sans s’attacher à bien observer la nature, décrivent quelquefois les objets et en parlent, ou par une sorte de métaphore, ou comme le comportait le langage usité à cette époque ; il en est encore ainsi aujourd’hui, sur beaucoup de points, dans la vie quotidienne, même parmi les hommes les plus savants. Dans le langage vulgaire, on désigne d’abord et par le mot i)ropre les objets qui tombent sous les sens ; l’écrivain sacré s’est de même attaché aux caractères sensibles — le Docteur .

gélique en a pareillement fait la remarque — c’est-à-dire à ceux que Dieu lui-même, s’adressant aux hommes, a indiqués suivant la coutume des hommes, pour être compris d’eux. »

La solution est nette et semble très naturelle : les auteurs sacrés ont parlé comme parlaient leurs contemporains ; ils ont employé les expressions usitées de leur temps. Le plus souvent ces expressions sont empruntées a)ix apparences et n’ont pas la rigueur scientifique ; elles ne jugent ni ne préjugent la question.

Aux xvi’et xvii’siècles, malheureusement, on oublia la modération de St. Augustin et de St. Thomas ; par suite de circonstances dans le détail desquelles il serait trop long d’entrer, on admit couranunent l’opinion qvie l’Ecriture devait s’interpréter d’après la physique d’Aristote et la cosmographie de Ptolémée. Pour ce qui est du système de Plolémée, l’erreur était explicable, sinon excusable : ce système ayant été, de fait, admis par tous les savants jusqu’à la fin du XVI’siècle, le tort des gens d’Eglise ne fut pas de l’admettre comme vrai, mais bien de le croire enseigné dans la Bible. Ils se trompaient, du moment qu’ils cherchaient dans le texte sacré ce qui n’y était pas enseigné de fait, mais enfin, en afllrmant la vérité du système de Ptolémée, ils étaient d’accord avec la science de leur temps.

Lorsque les découvertes de Galilée et de Kepler eurent porté les premiers coups au système géocentrique, lorsque surtout les calculs de Newton eurent péremptoirement montré sa fausseté, tous ceux qui voulaient faire l’accord entre la sainte Ecriture et l’astronomie se trouvèrent en fort mauvaise posture. Les Pères, dont la science physique n’était pas sensiblement plus étendue que celle des hagiographes,

1. St. Augustin, De Gen. ad litt., Il, 9, 20.