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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/916

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1819

LAPLACE ATHÉE

1820

il marquait, en effet, d’une manière saisissante, le caractère universel de la théocratie nouvelle substituée désormais à la Sjnagogue, réservée jusque-là à une seule nation. Les merveilles de Dieu énoncées en diverses langues, n’était-ce pas le signal de l’accomplissement de cet oracle : « Depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, mon nom est grand parmi les nations, et en tout lieu on sacriUe et on offre à mon nom une hostie pure » (Mal., i, i i) ?

Peu d’années après, l’Évangile était prêché aux nations ; le caractère d’universalité de l’i^glise du Christ brillait, de fait, à tous les yeux. C’était le temps où le signe des langues avait atteint son but. Il pouvait disparaître graduellement. Il en existait encore des traces, au moins au second siècle. Témoin ce texte de saint Irénék (Uær., V, vi) : « Nous avons entendu des frères dans l’Eglise, possédant les dons ( ; ^asiVyzTOf) de prophétie et parlant par l’Esprit toutes sortes de langues. » Le don de prophétie, « signe, non pour les inlidèles, mais pour les fidèles », devait continuer à édifier ceux-ci. Le don des langues ne fut plus montré aux inlidèles que rarement, et sous la forme seulement qui se manifesta dans les apôtres prêcliant l’Evangile aux nations.

A co.NSULTiïR : Les principaux commentaires des Actes des Apôtres et des Epities de saint Paul, Prat, Théologie de saint Paul, t. I, p. i^5-184.

J. GonLUY.


LAPLACE ATHÉE. — Laplace est souvent cité comme un type de savant athée, n Dieu est une hypothèse dont je n’ai pas besoin », aurait-il dit un jour avec une suffisance impie. Le malheur, ou plutôt le bonheur, est qu’il n’a jamais prononcé cette parole ni aucune autre équivalente, du moins il n’en existe aucune preuve, et il faut alisolurnent cesser de calomnierainsi l’un de nos plus illustres savants. Si l’on ne peut le citer comme un type d’esprit chrétien au cours de sa carrière, nous verrons tout à l’heure ce qu’il faut penser de sa lin.

Laplace se piquait de philosopliie ; en guise de I)rofession de foi, il déclare que : « Tout bon esprit doit, sur les objets inaccessibles, dire avec Montaigne, que l’ignorance et l’incuriosité sont un mol et doux çhes’et pour reposer une tête Inen faite t {Exposition du système du monde, G= édition, t. II, p. ijôg, note) ; mais si l’extension qu’il donne à cette maxime est visiblement abusive, du moins qu’on ne parle pas d’athéisme.

Et ce ne sont pas seulement les orateurs en quête d’anecdotes scandaleuses, qui ont ajouté foi à cette triste légende. Barthélémy Saint-IIilaire, dans la préface de sa traduction du Traité du ciel d’Aristote, a pris énergiquement Laplace à partie sur ce sujet, et plus récemment Paul Janet, dans ses Principes de métaphysique et de psychologie (t. I, p /|4), citait cette parole légèrement modiliée et clierchait à l’expliquer, en lui attribuant un sens qui exagère et dénature encore la vraie portée du n mot célèljre de Laplace ».

C’est Kaye qui, le premier, je crois, a réclamé contre ces regrettables confusions. Voici comment il raconte la fameuse anecdote (Sur l’origine du monde, 3 » éd., 1896, p. 131, Paris, Gauthier-Villars) :

« Comme le citoyen Laplace présentait au général

Bonaparte la 1" édition de son Exposition du système du monde, le général lui dit : « Newton a parlé

« de Dieu dans son livre. J’ai déjà parcouru le vôtre et
« je n’y ai i>as trouvé ce nom une seule fois ». A quoi

Laplace aurait répondu : « Citoyen premierconsul, je

« n’ai pas eu besoin de cette liypotlicse. » Dans ces

termes. Laplace aurait traité Dieu d’hypothèse. S’il en avait été ainsi, le premier Consul lui aurait tourné le

dos. Mais Laplace n’a jamais dit cela. Voici, je crois, la vérité. Newton, croyant que les perturbations séculaires, dont il avait ébauché la théorie, Uniraient à la longue par détruire le sj’stème solaire, a dit quelque part que Dieu était obligé d’intervenir de temps en temps pour remédier au mal et remettre en quelque sorte ce système sur ses pieds. C’était là une pure supposition suggérée à Newton par une vue incomplète des conditions de stabilité de notre petit monde. La science n’était pas assez avancée à cette époque pour mettre ces conditions en évidence. Mais Laplace, qui les avait découvertes par une analyse profonde, a pu et dû répondre au premier consul que Newton avait, à tort, invoqué l’intervention de Dieu pour raccommoder de temps en temps la machine du monde, et que lui Laplace n’avait pas eu besoin d’une telle supposition. Ce n’était pas Dieu qu’il traitait d’hypothèse, mais son intervention en un point déterminé. » Paye ajoute en note :

« Je tiens de M. Arago que Laplace, averti peu avant

sa mort que cette anecdote allait être publiée dans un recueil biographique, l’avait prié d’en demander la suppression à l’éditeur. Il fallait en effet l’expliquer, ou la supprimer. Ce second parti était le plus simple ; malheureusement elle n’a été ni supprimée ni expliquée. »

Dira-t-on que, somme toute, ce n’est là qu’une supposition et que la pensée de Laplace allait peut-être beaucoup plus loin ? Ecoutons donc Laplace lui-même. (Exposition du système du monde, 6" édition, t. II, p. 5Il etsuiv.) Discutant les idées de Newton, il rapporte d’abord un passage du célèbre Scolie qui termine l’ouvrage des Principes :

« Tous ces mouvements si réguliers, dit Newton, 

n’ont point de causes mécaniques, puisque les comètes se meuvent dans toutes les parties du ciel, eldans des orbes fort excentriques… cet admirable arrangement du soleil, des planètes et des comètes, ne peut être que l’ouvrage d’un être intelligent et tout puissant. »

La pensée de Newton est claire, il voulait d’abord éliminer du système du monde toute cause seconde d’ordre purement mécanique. C’est sur ce point que Laplace va le désapprouver tout à l’heure, et avec raison. Puis, de l’ortlre de l’univers, il conchiait à l’existence d’une cause première, « d’un être intelligent et tout-puissant ». Laplace va-t-il aussi réclamer contre cette seconde partie ? Va-t-il du moins laisser paraître quelque scepticisme à cet égard, ou tout au moins garder le silence ? Il suffit de continuer la citation :

« Il (Newton) reproduit à la lin de son Optique, la

même pensée, dans laquelle il serait encore plus confirmé, s’il avait connu ce que nous avons démontré, savoir que les conditions de l’arrangement des planètes et des satellites, sont précisément celles qui en assurent la stabilité. »

Ainsi, non seulement Laplace ne critique point ici Newton, mais il lui présente de nouvelles preuves de l’existence de l’intelligence qui a donné à l’univers non seulement l’ordre mais la stahilité. Puis il continue, citant d’abord Newton :

(1 Un destin aveugle, dit-il, ne pouvait jamais faire mouvoir ainsi toutes les planètes à quelques inégalités près à peine remarquables qui peuventprovenir de l’action mutuelle des planètes et des comètes, et f(ui probablement deviendront plus grandes par vine longue sviile de temps, jusqu’à cecpi’enQn ce système ait l)psoin d’être remis en ordre par son auteur. » Mais cet arrangement des planètes ne peut-il pas être lui-même un effet <les lois du mouvement ; et la suprême intelligence qie Newton fait intervenir ne peut-elle pas l’avoir fait dépendre d’un phénomène