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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/918

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1823

LIBÉRALISME

1824

Le naturalisme d’un certain nombre d’hommes revêt un autre caractère. Quoi qu’il en soit de la possibilité et de l’existence de l’ordre surnaturel et révélé, et quels que soient dans là sphère de la conscience privée les droits de cet ordre surnaturel, ils estiment que, la question de reli}, ’ion positive étant une alîaire purement individuelle, l’Etat, tout en assurant aux citoyens qui appartiennent à un culte quelconque la pleine liberté de le suivre, peut et doit, pour sa part, exercer le sacerdoce de l’ordre naturel et poser l’éducation nationale, la législation et toute l’organisation sociale sur un fondement neutre, ou plutôt sur un fondement commun, et résoudre ainsi en dehors de tout élément révélé le problème de la vie sociale et du gouvernement public. Ce système, comme il est facile de le comprendre, souffre comme une inlinité de nuances et de modilieations. Prenons-le sous sa forme la plus atténuée, et écoutons le cardinal PiK, qui est vraiment le maître dans cette question délicate, l’exposer avec une grande exactitude : « Des chrétiens ont paru penser que les nations n’étaient pas tenues, au même titre que les particuliers, de s’assimiler et de confesser les principes de la vérité chrétienne, que des peuples incorporés à l’Eglise depuis le jour de leur naissance pouvaient légitimement, après une profession douze ou quatorze fois séculaire du christianisme, abdiquer le baptême national, éliminer de leur sein tout élément surnaturel, et, par une déclaration solennelle et retentissante, se replacer dans les conditions de ce qu’ils croient être le droit naturel ; entin que la génération héritière de celle qui aurait accompli, en tout ou en partie, cette œuvre de déchristianisation légale et sociale, pouvait et devait l’accepter, non pas seulement comme une nécessité, mais comme un progrès des temps nouveaux, que dis-je, comme un bienfait même du christianisme, lequel après avoir conduit les peuples à un certain degré de civilisation, devait se prêter volontiers à l’acte de leur émancipation, et s’effacer doucement de leurs institutions et de leurs lois, comme la nourrice s’éloigne de la maison quand le nourrisson a grandi. Conséquemment à cela, ils ont déclaré que le droit essentiel du christianisme ne s’étendait |>oint au delà d’une part relative dans la liberté conuuune et dans l’égale protection due à toutes les doctrines. Ils ont été jusqu’à demander à l’Eglise de descendre dans les replis de sa conscience, d’examiner si elle avait été assez juste par le passé envers la liberté, et, dans tous les cas, de comprendre que, puisqu’elle s’accommodait aujourd’hui de la facilité laissée à ses défenseurs, elle ne pouvait, sans ingratitude et sans déloyauté, refuser de sanctionner à l’avenir, partout et toujours, ce système de libéralisme, à la faveur duquel on pouvait encore plaider sa cause à l’heure présente. » {Troisième Instruction synodale sur les principales erreurs du temps présent ; Œuvres, tome V, p. 172.)

Après cela, il me semble que nous pourrions définir ce lihérnlisme^ un système de fie politique et sociale, d’après lequel l’élément civil et social ne relève que de l’ordre humain et peut — certains plus osés iraient jusqu’à dire, doit — se poser et agir sans aucune relation obligatoire de dépendance envers l’ordre surnaturel ; c’est cette forme spéciale de naturalisme, qui constitue le liliéralisme, que nous avons dessein d’exposer, d’étudier et de discuter dans cet article, et jiarce qu’il a particulièrement sévi parmi les catholiques ; on l’appelle ordinairement Libéralisme c{ilholique ou Catlmlicisme libéral.

L’abbé Jules Mouix a quelque part donné du catholique libéral cette dcflnition humoristique qui ne manque pas de piquant et de justesse : « Le catho lique libéral est celui qui, pour la sauvegarde de l’Eglise, préfère le droit commun au droit canonique. »

H- Histoire du libéralisme. — Première période : V « Avenir » et la condamnation de Lamennais. — Le catholicisme libéral naquit de la Révolution de 1830 et du génie troublé d’un grand homme. L’abbé dr Lamennais, mécontent de tous les gouvernements en général, de celui de la France en particulier, s’était demandé si le vaisseau de l’Eglise n’allégerait pas de beaucoup sa marche en jetant par-dessus bord les embarras incessants dont le surchargeait son union avec l’Etat ; emporté par son ardeur qui connaissait trop peu la mesure, il s’était répondu : oui, et en face du pouvoir nouveau il faisait appel à la seule liberté : liberté en tout et pour tous. Plus de concordat, plus d’attaches ministérielles, plus de budget des cultes. Le sacrifice pouvait paraître grand, mais qu’était-ce au prix de la liberté ? Sans doute, il y aurait de rudes épreuves à subir, des jours i)énil)les à traverser ; mais quelle joie d’être libres, de se poser en défenseurs de la liberté j)ure I Quelle splendeur jusqu’à cette heure inconnue recevrait la religion de ce plein dégagement terrestre ! Poiir peu qu’on ait entr’ouvert l’histoire, on sait assez la gêne que l’Etat impose à l’Eglise. Ce régime vieilli, décrépit, allait finir : une ère nouvelle allait s ouvrir. L’ordre nouveau procurera, grâce à la liberté, une puissance considérable au catholicisme. Depuis le seizième siècle, le progrès religieux a été ralenti par deux causes, la scission entre la science et la foi, la servitude de l’Eglise envers le pouvoir politique : aussi l’esprit humain a-t-il marché en avantsans l’Eglise. L’union de la science et de la foi ne peut se refaire que par la liberté. Partout où s’est établie la i.berté de penser et d’écrire, il se manifeste une tendance visible de la foi vers la science et de la science vers la foi : tandis qu’ailleurs elles vont se divisant de plus en plus. La servitude envers le pouvoir disparaît grâce aux révolutions, qiii préparent ainsi les victoires futures de l’Eglise. Plus la liberté sera entière, plus le catholicisme grandira, car il possède la puissance de la vérité et de l’amour, la puissance même de Dieu. Le système ancien, si régulier et parfois si brillant en apparence, fut la source de guerres continuelles entre les deux pouvoirs. Dans le système futur, le peuple, revenu librement à la foi, aura un gouvernement dépourvu de tout pouvoir sur les idées, et c’est à l’Eglise seule et à son chef qu’il obéira dans les choses spirituelles. La liberté s’alliera tellement à cette haute souveraineté, qu’elles seront le fondement et la condition l’une de l’autre, et ne pourront ni exister, ni même être conçues séparément. L’Eglise et l’Etat n’ont donc plus qu’à se faire leurs adieux, reconnaissant que leur union avait été une ]>rcparation évangélique. une tutelle du genre lnnnain ; mais la minorité était achevée et la plénitude des temps allait commencer.

Ces idées, développées avec une conviction ardente et une force éloquente par M. de Lamennais, ravissaient le groupe d’esprits d’élite et de cœurs généreux, réunis autour de lui à la Chênaie. Elles inspirèrent l’Avenir, où l’âge nnir du maître était secondé par la jeunesse hardie, intelligente et vaillante d’un LAconnvmE, d’un MoNTALKMnEUT. Elles ne laissaient pas que de dérouter, de décontenancer et même d’effrayer les anciens du sanctuaire, tandis que les plus jeunes, sous l’éblouissement, se grisaient des paroles du maître. La déception survint rapide. Home, vers laquelle ou s’était tourné, et que l’on avait comme forcée de se prononcer, ût entendre sa voix. L’Encyclique Mirari ros, de Orkooire XVI, du