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LIGUE CATHOLIQUE (LA SAINTE)

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force capable de défendre la foi et le cuUe catholique. Celte force resta plus ou moins soumise à la royauti’jusqu’au jtuir où l’on put craindre que la inonarcliie, par suite de la politique vacillante de Henri 111, ne passât aux mains d’un hérétique relaps : les Ligueurs exigèrent alors au préalable la conversion de celui-ci pour le reconnaître, 15815-1581j. Restés en face du prétendant, ils surent, sans oublier leur but premier qu’ils atteignirent en lin décompte, écarter les prétentions de leur protecteur, le roi d’Kspagne, qui réclamait la couronne de France pour prix de ses services, lôSg-iSgà. L’appui de la cour romaine et la direction que la papauté leur imprima, comme c’était son devoir, atténua les fâcheux elîets de l’ambition des Guise, ambition qui alVaiblissait le mouvement autant qu’elle le compromit aux yeux de la postérité.

I. Concentration des forces catholiques, lâ^ôi 584- — Depuis quinze ans qu’ils avaient engagé la lutte, les protestants n’avaient cessé de poursuivre leur programme, maintenant réalisé en partie : substituer Eglise à Eglise, remplacer l’ancien culte par un nouveau, celui de la Bible, qu’ils appelaient le culte en esprit et en vérité. Les dévastations et horreurs commises par eux un peu partout, lors de leur première prise d’armes en 156i-1562, ils les avaient renouvelées à chacune de leurs révoltes ; partout où ils étaient maîtres, ils avaient ruiné le culte catholique, égorgé ou chassé ses ministres, , conlisqué les biens ecclésiastiques, détruit les tilres

! de propriété. L’attentat de la SaintBaktuélhmy avait

doublé leur fureur et servi de prétexte à leur organisation politique et militaire, qui, partie des provinces du Midi, s’était étendue au reste delà France, se dressant contre la vraie religion aussi bien que contre la royauté. Encore qu’elle fût en son origine une simple mesure défensive, cette force nouvelle asiiirait It détruire la Babylone que l’Eglise catholique était à leurs yeux, et leurs actes comme leurs bravades donnaient à celle-ci toute raison de craindre pour son existence.

D’autant qu’elle se voyait abandonnée par la royauté, sa protectrice naturelle d’après les traditions de la monarchie et de la chrétienté. Les Valois, guidés par la diplomatie italienne de Catherine de Àlédicis, avaient trahi peu à peu les obligations religieuses dont leurs prédécesseurs avaient hérité de Charlemagne et de saint Louis, et leurs perpétuelles concessions, à travers une politique d’expédients, n’avaient pas peu contribué aux |u-ogrcs du parti huguenot. Henri III lui-même, qui avait donné de si brillantes espérances comme duc d’Anjou, n’avait pas tardé à subir l’ascendant de sa mère, et sa vie oisive, qu’absorbaient de petits soucis, faisait prévoir que son règne ne dilférerait nullement de celui de ses frères. D’ailleurs la situation que ces derniers avaient laissé se perpétuer se compliquait à ce moment d’embarras inextricables. De récentes intrigues de cour avaient rallié à la cause huguenote les Politiques, tiers parti catholique que dirigeaient des gouverneurs de province, comme les Montmorency, maîtres du Languedoc, et qui se ramifiait à la cour, à la remorque du duc d’Anjou, héritier présomptif de la couronne. Il y avait des orthodoxes, moins nombreuxd’ailleurs qu’influents, qui croyaient à la justice des revendications protestantes, qui acceptaient la coexistence, inouïe pour l’époque, de deu.x cultes opposés, ennemis, s’exerçant en public cùte à cCtle dans la monarchie, comme également légitimes.

Une opinion analogue avait cours parmi les Gallicans. Du moment que le roi pouvait régler culte.

discipline, liturgie, dogme même et morale dans leurs formes et manifestations, il devait disposer pareillement de la liberté de conscience. Le parlement avait beau poursuivre de ses rigueurs les huguenots perturbateurs de l’ordre ctahli, protester contre les édits de pacification, sa théorie du droit royal rendait cette résistance illusoire. Et il savait à l’occasion la faire fléchir : il ne craignait pas, pour protester contre la sentence de Sixte-Quiul, excluant Henri de Navarre du Irùne (1586), d’invoquer la pitié publique en faveur des huguenots, de supposer même qu’ils iiouvaient encore en appeler des anathèmes tridentins à un concile universel ou national, comme si ces sentences n’avaient rien de déûnitif (Lavisse-Mahiéjol, ibid., p. 262).

Par leur défiance à l’égard de Rome et dvi pouvoir pontifical, qu’ils s’efTorçaient de restreindre, dont ils contrôlaient jalousement les actes, les gallicans se rapprochaient du parti liuguenot, et trouvaient en lui un auxiliaire pas toujours trop compromettant dans leur opposition au Saint-Siège. A l’égard du concile de Trente, ils en vinrent à une coalition tacite, qui faisait soupçonner des intérêts communs. Les gallicans obligèrent la monarchie à refuser la publication des décrets disciplinaires, comme contraires aux libertés gallicanes, et l’on sait que cette exclusion persista durant tout l’Ancien régime. Ils déclaraient bien haut qu’elle n’atteignait nullement le dogme, qu’ils en admettaient toutes les définitions, avec leurs conséquences. En réalité, par le fait de leur opposition, les décrets doctrinaux n’avaient, pas plus que les mesures de réforme, de caractère obligatoire aux yeux de l’Etat. On pouvait facilement en déduire, et les huguenots n’y manquèrent pas, que rejeter l’autorité du concile n’entraînait la perte d’aucun droit politique ou civil, et que le refus de publication n’avait pour but que de ménager une existence légale aux cultes dissidents.

Les gallicans protestaient volontiers contre cette conséquence qu’on faisait découler de leur attitude à l’égard du concile ; elle élait d’ailleurs corroborée par la condescendance qu’ils témoignèrent constamment à l’égard des huguenots, et nous les verrons se rapprocher d’eux dans le conflit pour la succession au trône. Entente qui devait inquiéter à juste titre les catholiques soucieux de rester unis au centre de l’Eglise. Ils avaient consenti jusqu’ici, comme Rome l’avait toléré, à ce que le pouvoir royal intervint dans leur conscience, sous prétexte de police et d’intérêt public ; mais l’ingérence s’exerçait maintenant en faveur des hérétiques, au détriment de la vraie foi, les abus de pouvoir se multipliaient de la part des Valois, et un dernier scandale vint avertir les catholiques qu’ils auraient désormais à faire leurs affaires eux-mêmes.

La première coalition des politiques et des huguenots venait d’imposer à la cour le traité de Beaulieu (mai iS’jO), qui leur assurait des avantages inouïs : aux ilcrniers, huit places de sûreté, l’exercice du culte partout et des chambres mi parties dans tous les parlements. L’organisation politico-nùlitaire qu’ils venaient de se créer s’en trouvait affermie ; les concessions féodales que leurs chefs arrachaient au pouvoir royal garantissaient l’exercice de leur culte et assuraient les fondements de l’Eglise hérétique sur le sol de la monarchie. La reine Cathehine dr IMi’ : dicis, qui avait négocié l’arrangement pour ramener son fils préféré François d".lençon, sut aussi surmonter les répugnances de Henri III à signer la ca[)itulalion. C’est elle qui. soucieuse uniquement de l’intérêt de ses Cls, avait dressé la politique des Valois à tenir peu compte des traditions et devoirs monarchiques, lui imprimant une direction qui justifiait