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MARIE. - IMMACULEE CONCEPTION

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Marie, nous aflirmons que la Mère de Jésus a été, comme son divin Fils, conçue du Saint-Esprit, et, par conséquent, n’a pas eu de père selon la chair. C’est là une erreur grossière que nous repoussons de toutes nos forces. Il y a une distance infinie entre la conception du divin Sauveur et la conception de sa mère ; nous ne mettons pas sur la même ligne deux choses aussi différentes. Jésus qui est Dieu, a été conru du Saint-Esprit ; Marie qui est une créature, a eu pour père un homme mortel. »

A l’idée Aspiéservution et de rédemption, se rattache le problème, agité dans l’Ecole, du debitum peccati en Marie. Fille d’Adam, descendant du premier père par voie de généi-ation naturelle, elle devait encourir la tache héréditaire. « Nous accordons que Marie, par le fait de la descendance d’Adam, était enveloppée dans la condamnation universelle, qu’elle ne pouvait, par elle-même, se soustraire à cette mort de l’àme, et que cette seconde naissance, elle ne devait, dans aucun cas, la tenir que de Jésus-Christ. » Gaoarin, op. cit., p. 211. Toutefois le danger d’encourir la tache héréditaire peut atteindre la bienlieureuse Vierge diversement : de près ou de loin, immédiatement ou médiatement. On peut, en effet, concevoir qu’elle ait été comprise dans la loi générale qui, pour la conservation ou la perte de la justice originelle, solidarisait Adam, souche physique et chef moral, et ceux qui descendraient de lui par voie de génération naturelle ; en ce cas, il y aurait pour Marie, au moment même où elle va naître, danger immédiat ou prochain d’encourir la tache héréditaire : théorie du debitum proximum. Mais on peut concevoir aussi que, demeurant lille d’Adam par descendance physique, elle ait été antérieurement soustraite, en tout ou en partie, à la loi de solidarité par une application spéciale, à cet effet, des mérites du Sauveur ; en ce cas, le danger n’existerait pour elle qu’antérieurement au décret divin qui la soustrait à la loi commune de solidarité : théorie du debitum reniotum. Question subtile et complexe, que la définition du dogme de l’Immaculée Conception n’a point tranchée ; elle reste, après comme avant, à l’état de libre discussion.

4. Certitude du privilège. — La Conception Immaculée est définie, non pas simplement comme une vérité ou conclusion théologique certaine, mais comme une vérité divinement révélée, a Deo revelatam. D’après les principes de la foi catholique, cette vérité doit donc être contenue dans les sources de la révélation, sainte Ecriture et Tradition apostolique, à tout le moins dans l’une ou dans l’autre. D’après les mêmes principes, il suflit d’une révélation implicite et, dans le même sens, d’une contenance implicite dans les sources de la révélation. La remarque l’ut souvent l’aile par les membres de la Commission spéciale, au cours des travaux préparatoires à la définition ; par exemple, dans le premier des Vota rapportés par Mgr Sariii. op. cit., t. I, p. 33. Mgr Angelini, évêque de Leuca, s’appropria cette formule de Suarez : Salis est ut aliqua supernaturalix Veritas in Traditinne vel Scriptura implicite contenta sit. Mgr Prosper Caterini, assesseur du Saint-OtHce, ajouta cette remarque, /bid., p. 1^5 : Beaucoup de vérités ont été définies, qui n’étaient pas explicitement contenues dans la sainte Ecriture et sur lesquelles la Tradition n’avait été, tout d’abord, ni ferme ni unanime.

^ a-t-il eu, pour l’Immaculée Conception, révélation explicite ou seulement implicite, c’est donc une question de fait, non de principe. La réponse viendra plus loin, alors que les fondements du privilège mariai auront été examinés et discutés. Mais il peut être utile d’indiquer dès maintenant’quelle fut, en ce point, l’attitude des deux douzaines de théologiens appelés par Pie IX à donner leur avis. Très peu aflirmèrent une révélation explicite ; quelques-uns se contentèrent de conclure d’une façon indéterminée à une révélation, soit explicite soit implicite ; la plupart aflirmèrent ou supposèrent nettement une révélation implicite. Il en fut de même des évêques ; ainsi Mgr Kenrick, archexèque de Baltimore, parlant d’une révélation explicite, observa que la plupart des catholiques ne l’admettaient pas, quam lamen plerique catholici haud agnoscunt.SiRni, op. cit., t. ii, p. 231.

Reste à signaler une distinction importante, pour préciser le sens de la définition du 8 décembre 185/(. Autre chose est la contenance d’une vérité dogmatique dans le dépôt de la révélation, autre chose est la profession ou croyance explicite de cette vérité dans l’Eglise. La première question est d’ordre objectif ; la seconde, d’ordre subjectif. Or, quand une vérité n’est qu’implicitement contenue dans le dépôt, il peut se l’aire que la profession ou croj’ance explicite de cette vérité ne se manifeste pas ou même n’existe pas dès le début, soit que pour une raison quelconque on doute du fait, soit qu’on n’en ait pas encore pris conscience. Dans ce cas, la vérité, formellement révélée en soi, ne l’est pour les esprits que d’une façon virtuelle, en ce sens qu’étant susceptible d’être connue comme révélée, elle n’est pas encore connue ou sûrement connue comme telle. Voir t. 1, col. I iSa.

En ce qui concerne l’Immaculée Conception, quel rapport y a-t-il entre la question d’ordre objectif et la question d’ordre subjectif ? Contenue effectivement dans le dépôt de la révélation, cette vérité a-t-elle été professée ou crue explicitement dès le début ? Cet asi)ect du problème est en dehors de la définition dogmatique, et ceci est d’autant plus notable, que les antécédents semblaient présager une issue tout autre. Au lieu des simples mots : (( Deo revelatam, on lisait dans le premier schéma : constantbm fuisse et esse catholicab Ec-CLESiAB nocTRiNAM cum sacris Utteris et diyina et apnstolica tradilione cohærentem. Sardi, op. cit., t. II, p. 38. Dans le schéma qui remplaça le précédent, on mit : fuisse et esse constantkm catholicae EccLESiAE DOCTRiNAM fl Deo revelatum : assertion qui fut maintenue dans plusieurs rédactions ultérieures. Ibid., p. 88, 116, 140, 166, 192. Cependant un des théologiens consulteurs, fra Paolo di S. Giuseppe, carme, ’avait fait observer qu’en présence des faits, oppositions vives et longues, réserve même des souverains pontifes, etc., il semblait diflicile d’afFirnier qu’il y eût eu, sur ce point, doctrine constante de l’Eglise. Ibid., p. 42 sq. Des évêques et des cardinaux furent du même sentiment. Mgr Kenrick contesta nettement l’existence d’une tradition primitive, en objectant que pendant plusieurs siècles il n’avait pas été question de la conception de Marie. Mgr Atanasio Bonaventura, évêque de Lipari, parla d’une croyance d’abord implicite, et plus lard seulement explicite. Ibid., p. 208, 20g. Plusieurs évêques allemands revinrent sur le sujet avec plus d’insistance encore dans des observations motivées ; tels, Mgr deReisach, archevêque de Munich, Mgr deUauscher, archevêque de Vienne, le cardinal Schwarzenberg, archevêque de Prague, dont l’avis se résume en ces quelques mots : Nescio quomodo possit sæpe sæpius asseri, quod a primis Ecclesiæ temporibus claris et indubiis testimoniis manifestata fnerit pia sententia, quodtraditio semper vi guérit. Ibid., p. 215, 217, 296. En fin de compte, les termes contestés furent omis dans la formule de définition, Ibid., p. 3-jtt. Dans le corps de la bulle, certaines expressions qui se