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MARIE.

IMMACULEE CONCEPTION

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été jadis violemment combattu même par les plus distingués llicologiens de la papauté. »

Les fondements de la croyance, tels qu’ils sont exposés dans la bulle de définition, ne sont pas moins discutés. Appel est l’ait à deux textes : Gen., lii, 15, et Litc., I, 30. La preuve tirée du premier s’appuie sur la traduction de la Vulgate : Ipsa conteret cuput iuiim : mais cette traduction est défectueuse, car l’original donne -.Ipse ou Ipsum, rapporté au mot semen, c’est-à-dire au rejeton de la femme. En supposant qu’il s’agisse d’un être déterminé, et non pas collectif, c’est Xotre-Seigneur Jésus-Clirisl qu’il faut entendre, suivant l’interprétation des saints Pères. Si ces derniers semblent parfois associer la Mère au Fils dans le triomplie sur le démon, c’est uniquement parce quelle l’a vaincu au jour de l’Annonciation, en coopérant à l’Incarnation du Verbe par sa foi, son humilité et son obéissance ; ainsi est-elle devenue l’antithèse de la première Eve, qui fut vaincue par le serpent en s’abandonnant à l’incrédulité, à l’orgueil et à la désobéissauce. Et les théologiens grecs d’ajouter : Les icônes, qui représentent la Sainte "Vierge écrasant la tête du serpent, indiquent plutôt qu’elle a été sujette au péché ; car, d’après le symbolisme de ces icônes, elle nous apparaît soumise à la puissance du diable, qu’elle brise au moyen de son divin Fils.

Dans la salutation angélique, le terme grec tiy’j.f.i-ai : j.hr„ qui répond au gratta plena de la Vulgate, nous montre simplement Marie comme iiislifiée, rendue agréable à Dieu, au jour de l’Annonciation. Si ce terme contient une allusion aux grâces exceptionnelles que la Mère du Verbe incarné allait recevoir ou qu’elle avait déjà reçues, l’une et l’autre de ces interprétations se trouvant dans les écrits des Pères, rien n’autorise à voir là l’exemption du péché originel.

La preuve fondée sm- l’ancienne Tradition n’est pas plus ellicace : « (Juand on lit les Pères avec le désir de savoir ce qu’ils disent réellement, non avec le désir de leur faire dire ce qu’on pense et de leur arracher, pour ainsi dire, un témoignage implicite et vague en faveur d’une opinion récente, on s’aperçoit promptenient que les épithètes par lesquelles ils se plaisent à relever la gloire de Marie n’ont pour objet que la virginité de la mère de Jésus. » Grand Dictionnaire du A’/.V siècle, art. Conceplion.

Des critiques récents ont pourtant compris qu’en se plaçant sur un terrain aussi étroit que celui de la seule virginité de Marie, on risquait fort d’être débordé. « Quand on presse les effusions lyriques d’André de Crète et de Jean Damascène, il n’en reste guère que l’affirmation cent fois répétée de la maternité divine de Marie réalisée sans aucun dommage pour sa virginité. Est-ce à dire qu’on ait le droit d’attribuer à ces moines du vi’et du vu" siècle les sentiments que nous avons trouvés dans les écrits d’Origène, de Basile ou de Clirysostome ? Il ne semble pas. La pensée d’un auteur se révèle non seulement parce qu’il dit, mais aussi parce qu’il suppose. Or, on a peine à comprendre que les mêmes hommes qui ^ épuisent, en l’honneur de Marie, toutes les ressources de la rhétorique, laissent subsister, dans le portrait de la mère du Sauveur, les taches que les Pères des quatre premiers siècles y avaientmises. Nous croyons donc que ces abondants panégyriques de la Vierge ont dressé autour de son front l’auréole de la sainteté. » G. Herzog, La Sainte Vierge dans iliistoire. II. /Jehutsde la crui/ance à la sainteté de Marie. Italie d’htstuire et de littérature religieuse, inoT, t. XII, p. rua.

Mais de quelle sainteté s’agit-il ? D’une sainteté relative, qui exclut les fautes actuelles ou i » erson nelles, et non pas d’une sainteté absolue, qui exclurait aussi, implicitement ou virtuellement, la faute originelle’? K A l’époque de saint Jean Damascène, l’Eglise grecque ignorait encore le dogme de la faute héréditaire. Elle ne pouvait donc pas songer à exempter la Sainte Vierge d’une loi qui lui était inconnue. » /hid., V. La Conception de Marie, de saint Augustin à saint Bernard, p. 54g.

Dès lors, d’où peut venir le dogme défini par Pie IX, le 8 décembre 1854 ? « Le privilège de la conception immaculée ne doit rien ni à la christologie, ni même à l’amour de la Sainte Vierge. Sa source se trouve exclusivement dans la lëte orientale de la conception miraculeuse de Marie, c’est-à-dire dans une institution liturgique qui n’avait aucun rapport avec le dogme du péché originel, mais qui, rencontrant ce dogme en Occident, a du se transformer pour lui résister et se maintenir. C’est la loi de la lutte pour la vie qui a métamorphosé la fêle de la conceplion miraculeuse en fête de la conception immaculée, c’est-à-dire exempte du péché originel. C’est le prestige de cette fête qui a protégé la théorie de la conception immaculée contre les coups de la théologie et l’a élevée progressivement à la hauteur d’une vérité révélée. » Ibid., VII. L’Immaculée Conception, p. 606.

L’idée d’expliquer non pas la fête par la doctrine, mais la doctrine par la fête, n’est pas nouvelle ; PusEV l’avait déjà émise, Eirenicon, p. 176 s. Ce qui est nouveau, c’est l’application de la théorie philosophi que de l’évolutionnisme vital, faite au dogme de l’Immaculée Conception ; théorie suivant laquelle il n’y a certes pas développement, comme l’exige la bulle Ine/jahilis, § L’t re quidem sera, « dans l’identité du dogm « , dans l’identité du sens, dans l’identité de la pensée ».

Pour l’attaque protestante, voir entre autres : Sam. "Wilberforce, Home, lier net’Dogma and our duties. Oxford, 185ô ; L. Durand, L’Infaillibilité pontificale prise en manifeste et flagrant délit de mensonge, ou le dogme de l’Immaculée Conception cité et condamné au tribunal de l’histoire et des Pères. Bruxelles, 185g ; Ed. Preuss (avant sa conversion). De immaculatu conceptu b. Mariæ Virginis, dans son édition de Chemnitz, Examen Concilii Tridenlini. Append., p. 966, Berlin 1861 ; puis, en allemand. Die rùmische Lehre der unbefleckten Enipfdngniss. Berlin, 1865 ; E. B. Pusey, An Eirenicon, in a Letter to the author of « Tlie Christian year », Oxford, 1866 ; Le même, First letter to the Rev. JVen’inan in explanation chiefly in regard to the reverential love due to the everblessed Theotokos and the dévotion of the immacalate conception, Oxford, 1869 ; A. Réville, art. Conception Immaculée, dans Encyclopédie des sciences religieuses, de Lichtenberger, t. III ; E. H. Vollet, art. Marie, dans la Grande Encyclopédie (Paris, Lamirault), t. XXllI, p. 95.

Attaque gréco-russe : Métrophane Critopoulos, ’O/jo/oyiK TY, i ii : jv.tÙMr, i ÏK/.Àr, <i<v.t, c. xvii, dans Monumenta fidei Ecctesiæ orientalis, éd. Kimmel-Weissenborn, lena, 1850, P. II, p. 1 ^j s. ;.Sébastos Kyuiénitès, A’y/fjiv.nxh ùiùy.iy.vj.iv. t7, ^ àyarc/tx-^ç x « t i.aSoiivfii "E « //itik ; , Bucliarest, 1708 ; Théophane Prokopovicz, Christianæ orthodoxæ theologiae t. II, c. XIII. Leipzig, i^ga ; IiTopiV. tw rtapy. a.r(m^ Ao-j ôiy^KTi ; rf, i àrsnû.cxj um/vUk^ Tij ; ù./ixi "kvrtii, dans EÙK/yt^izo ; Kr, p, -, Athènes, 1867, t. I, p. 262 ; Les ré flexions d’un orthodoxe sur le nouveau dogme de V Eglise romaine concernant l’Immaculée Conception de Marie (en russe), dans Khristianskoe Tchtenle (Lecture chrétienne). Saint-Pétersbourg, 1867,