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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/185

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MARTYRE

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livre sur Les esclaves chrétiens, 5' éd., Paris, ig14,

p. 222-246.

Reste une catégorie de personnes à laquelle le christianisme attachait une note de blâme, el que même, à cette époque, il excluait de son sein : les serviteurs des plaisirs publics, tels que les histrions. De ce milieu corrompu, mais quelquefois touché de la grâce, sont venus des martyrs : le joueur de llùte PhiliMuon, mort pour le Christ à Alexandrie, le mime Gencs, que nomme le calendrier de Carthage : ,.. Kl. Sept,.^ancli Genesi miini. Cette mention est exceptionnelle, et due probablement à la rareté du cas ; car dans les anciens calendriers ou martjTologes la profession des martyrs n’estjamais indiquée, excepté pour les ecclésiastiques et quelquefois pour les soldats. L’historien grec Théodoret parle aussi de la conversion subite, sur la scène même, de plusieurs {ruyi) comédiens, qui furent pour cela martyrisés (Græciirum affectionum ciirallu, ix).

5. Les souffrances des martyrs. — a) Les épreutes morales. Plusieurs Passions de martyrs ont décrit les douleurs morales ressenties par eux avant les soutTrances physiques.

Nous les voyons rester sourds aux supplications d’un vieux père, aux prières de leurs femmes, de leurs enfants, du juge lui-même qui, ému de compassion, leur demande de ne pas abandonner leur famille et de ne pas les sacriUer à leui- foi (Passio S. Perpetuac, ni, v, vi ; Passio S, Theodoti, vni ; Passio S. Pliilippi, ix ; Acta SS. Phileæ et Philoromi. II ; Acta A'.s'. Saturni, Datif i, etc., vn ; Passio S. Irenæi, m). Nous les voyons aussi subir une autre épreuve, inséparable de la première : s’ils sont riches ou nobles, ils savent que leur condamnation entraînera la perle de leur rang, la confiscation de leurs biens, et va plonger leurs enfants dans la misère (EusÈUE, Hist. eccl., VI, ii, 6, 13 ; saint Cyphien, Ep. xiii, xvni, XXXVI, Lxix, lxxx ; De lapsis, in ; Ad Demetrianum, îii ; saint Denys d’Alexandrie, dans EusÈBB, Hist. eccl., VII, xi, 18 ; OuiGÈr^E, E.xhorl. ad. mart., xiv, xv ; Passio SS. Jacobi, Mariani, viii ; Passio S. Philippi, ix ; cf. Code Théodosien. IX, xLvii, 2). Ils résistent à cette torture morale, comme ils résisteront aux tortures physiques.

Le cruel caprice ou la fausse pitié d’un juge soumit quelquefois des chrétiennes à une épreuve plus pénible encore. Averties que, si elles refusent d’abjurer, c’est moins leur vie que leur pudeur qui va être menacée, elles trouvèrent dans leur foi assez d'énergie pour braver un péril pire à leurs yeux que tous les supplices. Sur cette damnatio ad lenonem potitis quant ad leonem, peut-être légale (Dix leçons sur le martyre, 5= éd., p. aaS, note 3 ; Augar, Die Fran im rbm. Clirisleriprocess, Texte iind Untersuchiingen, igoi), dont il y a, en tout cas, des exemples certains, voir TertuUien, Apot., lvi ; De pudiciliu, i, 2 ; saint Cyprien, De mortalitalc, xv ; Euskbe, Hist. eccl., Vlll, XII, 14 ; De mart. Palestinue, v, 3 ; je ne cite que des témoins contemporains des persécutions, laissant de côté des textes, même très dignes de foi, d'écrivains plus récents, tels que saint Aiubroise ou saint Augustin. Devant le témoignage d’hommes qui ont vu et qui savent, on s’explique dilTicilement les doutes de critiques modernes, par exemple de M. Bouc.hé-Leclercq, L’intolérance religieuse et la politique, Paris, igii, p. 325-32g.

b) Les souffrances physiques commencent, pour les martyrs, avec la détention préventive. Des prisons sombres, malsaines, infectes ; une dégoûtante promiscuité ; le froid, la faim, la soif, la brutalité des soldats, les exactions des geôliers ; le poids des chaînes, la gêne du carcan, souvent l’immobilité, les

jambes emboîtées dans une poutre de bois ou de fer {lii ; num, tùlvi, nervus), tenues parfois dans un écart très douloureux : tel est le tableau que les documents les plus sûrs nous tracent de cette détention (Acl, apost., XVI, 24 ; Tertcllien, Ad martyres, 11 ; Acta mart. Scillitanorum, 11 ; Passio SS. Perpetuae, Felicitalis, etc., iv, vin ; Passio SS. Montani, Lucii, iv, VI ; saint Cvpribn, Zip. xvi ; Euskbe, Hist. eccl., V, I, 27 ; 4 1 ; VI, XXX ; xxxix ; De mart. Pal., 11. 14). Elle durait quelquefois très longtemps : plusieurs mois, deux années, neuf années (Eusèbe, Hist. eccl., Vï, XII ; De mart. Pal., i, 1 1 ; Catalogue Libérien, dans DucHESNK, Le Liber Pontificulis, t. I, Paris, 1886, p. 4 ; Martyrologe hiéronymien, au 6 mars et au 4 mai ; L’assio SS. Montani, Lucii, xii ; Lactance, fli’i'. Inst., V, xsx). On y mourait souvent, par suite des mauvais traitements, des privations, du manque d’air (Eusèbe, Hist. eccl., V, i, 27 ; VIII, viii ; saint Cypiiibn, Ep., xxi). Le seul soulagement des détenus chrétiens, quand on ne les avait pas mis au secret (in ima carceris parte, ut a nullo videotar ; Passio SS. Tarachi, Probi, Andronici, viii), était dans les visites du dehors, leur apportant les secours matériels et aussi les secours spirituels (Tertulwen, Ad martyres, i ; Apol., xxxix ; Passio S. Perpetuae, viii ; Passio SS. Lucii, Montani, iv, viii, ix).

e) A partir de la fin du second siècle (Tertullien, ApoL, II), les interrogatoires des chrétiens sont sonvent accompagnés de la torture, ayant pour but, non de contraindre un coupable, comme le voulait la loi, à l’aveu de sa faute, mais au contraire d’obliger un innocent à renier sa foi. Les quatre degrés de la torture, la llagellation, le chevalet, les ungulae, le feu, sont appliqués au gré du juge, et quelquefois l’un après l’autre. Parfois aussi des martyrs sont attachés à une colonne de la prison, ou suspendvis par la main à un portique. Les textes nous les montrent gardant le silence au milieu des tourments, ou au contraire implorant par d’ardentes prières l’assistance du Christ (Passio SS. Montani, Lucii, xvi : Acta SS. Saturnini, Datii’i ; Passio S. Dioscori ; Acta SS. Claudii, Asterii, w ; Anonyme, De laude martyrum, XV ; Philéas. dans Eusèbe, Hist. eccl., XIII, x, 2-7 ; Prudence, Peii Stephanôn, iii, 141- ! 60). Beaucoup moururent au milieu de la torture (saint Cypriem, Ep. VIII ; Philéas, dans Eusèbe, /. c).

d) Parcourons maintenant l'échelle des peines auxquelles étaient condamnés les martyrs.

La moins dure est le bannissement, qui n’entraîne pas (au moins avant la persécution de Dèce) la privation des droits civils el la confiscation des biens. Vient ensuite la déportation, considérée comme peine capitale, et ayant pour conséquence la mort civile : elle est subie généralement dans un lieu malsain, et souvent les condamnés succombent aux coups et aux mauvais traitements (Liber l’ontificalis, Pontianus ; éd. Duchesne.I.I, p.145 ; Catalogue libérien, ibid., p. 5). La condamnation aux travaux forcés, ad metalla, est une autre peine capitale : beaucoup de chrétiens ont travaillé comme forçats aux mines de Grèce, de Sardaigne, de Numidie, d’Egypte, de Palestine, marqués au front, la moitié de la chevelure rasée, les pieds dans des entraves, même, dansla dernière persécution, un œil crevé et les nerfs d’un des jarrets brûlés au fer rouge (Lettre de saint Drnys de Gorinthb, dans Eusèbe, Hist. eccl., IV, xviii, 10 ; Philosophumena, IX, xi ; saint Cyprien. Ep. Lxvii, Lxxvu ; PoNTiANUs, Vita Cypriani, vu ; Eusèbe, De mart. Pal., vii, 3, 4 ; viii, i-3 ; x, i ; xi, 20-23 ; XIII, 1-3, 4, g, 10).

e) A la dilîérence de ce qui se passe dans la société moderne, la peine de mort a, chezles Romains, diverses formes, selon la nature des crimes ou la