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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/196

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MARTYRE

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déchirait tout le corps et leur causait des douleurs extrêmes. On Ut des fosses où, après avoir amassé quantité de rats et de souris, on enferma les clirétiens à qui on avait lié les pieds et les mains, afin qu’Us ne pussent chasser et éloigner d’eux ces bêtes, qui, pressées de la faim, dévoraient ces saints martyrs par un long et cruel supplice. » (liist eccl., V, xxxviii) Quelquefois les Actes nous montrent le martyr seulement décapité ; mais alors, par un rafUnement de barbarie inconnu des Romains, on forçait souvent des renégats, même des prêtres qui avaient apostasie, à être les exécuteurs de la sentences (.ctes de saint Narsès ; Actes de sainte Thecla ; Actes de saint Barhadbeschaba ; Actes de saint Badma, etc.) ; un jour, c’est toute la population chrétienne d’une ville que l’on contraignit à laijiderdeux martyrs (.ctes de saint Akebschema). La sépulture fut souvent refusée aux victimes : c'était même la coutume persane, quiabandonnait aux bêtes sauvages les cadavres des condamnés. Mais les Actes nous montrent aussi les chrétiens parvenant à recueillir, souvent à prix d’argent, les restes de leurs frères martyrisés, et leur donnant unesépulture honorable (Actes des saints Jonan, Berck Jesu ; Actes de saint Jacques l’Intercis, etc.).

5. Le témoignage des martyrs. — Les martyrs persans rendent témoignage à leur foi dans les mêmes sentiments que nous avons vus chez leurs frères romains des trois premiers siècles. « Ils sourient à la mort comme la Heur au matin » (Actes de cent vingt martyrs ; ils marchent « joyeusement «  au supplice (Actes de quarante martyrs), en s’exhortant les uns les autres et enchantant « des cantiques d’allégresse » (Actes de saint Scliadost et de ses compagnons). Mais ils tiennent à ce que l’on sache que c’est pour leur religion, et non pour un autre motif, qu’ils ont été condamnés. Un vieil ennuque, Gouschtazad, chambellan de Sapor, lui demande, en souvenir de ses services, une grâce : « Faire annoncer par la voix du héraut que Gouschtaz ; id est conduit au supplice, non pour avoir trahi les secrets du roi, non comme coupable de complot, mais parce qu’il est chrétien et qu’il a refusé de renier son Dieu », et cette grâce, il l’obtient (Actes de saint Siniéon). Les martyrs de Kaschkar protestent de même contre l’accusation d’avoir trahi, et c’est bien, en elfet, pour leur refus d’adorer le Soleil qu’on les met à mort (actes de quarante martyrs). Suspendu par les bourreaux, la tête en bas, le martyr Aitallalia crie durant ce supplice : « Je suis chrétien, je suis chrétien, sachez tous que je suis chrétien et que c’est pour cela que je souffre. » (Actes des saints Akebschema, Joseph et Aitallaha)

On se recommande avec confiance aux prières des martyrs. « J’ai beaucoup péché, dit à ceux d’Arbèle une chrétienne qui les a visités et assistés dans la prison, mais si vous voulez être mes intercesseurs auprès de Dieu, j’ai confiance qu’il me fera miséricorde. » Ils répondent : « Nous espérons de la clémence et de la bonté de notre Dieu qu’il exaucera nos prières pour vous et qu’il vous réservera une magnifique récompense en retour de tous vos bons soins. » (Actes de cent vingt martyrs)

Gomme nous l’avons vu tant de fois dans le monde romain, ce témoignage des martyrs persans porta ses fruits. Les Actes du moine saint Bar-Sabas racontent que, pendant qu’on le suppliciait, avec onze moines qui étaient sous sa conduite, un Mage s’approcha de lui, se déclara soudainement chrétien, et fut décapité avec les autres : la femme, les enfants et les serviteurs du Mage se convertirent, et beaucoup de pa’iens suivirent leur exem.'Die. Les juges mêmes

étaient frappés de la constance des martyrs. Voyant Aitallaha supporter intrépidement de cruelles tortures, le préfet de la ville d’Arbèle dit à ses assesseurs : « Comment se fait-il que ces empoisonueui-s aiment la mort et les tourments comme si c'étaient des festins ? — C’est, lui répondirent-ils, que leurs dogmes leur promettent une autre vie, que ne peuvent voir les yeux d’ici bas. « (.-Votes des saints Akebschema, Joseph et Aitallaha) Ce préfet ne se convertit pas, et continua de faire des martyrs. Mais ailleurs, leur sang fut une semence de chrétiens. Pendant la persécution d’iazdgerd II, en 446, le gouverneur de Nisibe, Tohm lazdgerd, condamna, dans la vdle de Karka, de nombreux chrétiens, parmi lesquels des prêtres et des religieuses, qui furent crucifiés, puis lapidés sur la croix. Une paysanne chrétienne lui ayant reproché sa cruauté fut décapitée avec ses deux fils. Puis, à la vue de tant de souU’rances supportées avec héroïsme, les yeux du magistrat s’ouvrirent : il reconnut la divinité du Christ et la confessa. Le roi, furieux, le fit mettre à la torture et, sur son refus d’abjurer, le fit crucifier. (Bedjan, t. II, p. 518et suiv. ; J. Labouut, p. la^)

Les renégats ont été nombreux au cours de ces terribles persécutions, et nous avons vu jusqu'à quel point fut portée la lâcheté de quelques-uns. Mais d’autres se relevèrent à la vue des martyrs. L’eunuque Gouschtazad avait renié la loi ; voyant passer devant lui l'évéque Siméon, que l’on conduisait en prison, et qui avait refusé de lui rendre son salut, il rentra en lui-même, se revêtit d’habits de deuil, et, aux questions du roi Sapor, répondit qu’il était chrétien. O Siméon, s écrie le rédacteur des Actes, lu me rappelles Simon Pierre le pécheur I Car c’est toi qui (issubitémenlcette pêche miraculeuse. » D’autres renégats se convertirent pour des motifs diftérents. Jacques l’Intercis, Péroz, en421, sous le roi Bahran, ont l’un et l’autre ajjostasié : repoussés par leurs femmes et par tous les membres de leur famille, qui étaient chrétiens, ils revinrent à la foi et rachetèrent leur défaillance par le martyre (voira propos de ces saints, et d’une confusion possible, une note de J. Labouut, p. 1 17). Les Actes de Jacques le Notaire racontent le reniementdepUisieurschrétiens, etaussi le repentir de quelques autres qui, ayant paru faiblir dans les tourments, avaient été renvoyés libres, quoiqu’ils n’eussent adoré ni le Soleil, ni le Feu, et qui firent publiquement pénitence de cette demi apostasie. Aucun des documents des persécutions persanes ne contient d’allusion à la discipline observée par les autorités ecclésiastiques pour la réconciliation des renégats : il ne semble pas que la question des lapsi se soit posée en ce pays dans les mêmes termes que dans le monde romain.

6. La discipline du martyre. — Une autre question relative à la discipline du martyre paraît avoir été la même en Orient et en Occident. On sait qu’il était interdit aux chrétiens de provoquer les païens en insultant ou en détruisant les images ou les temples des dieux. La sagesse de cette règle est démontrée par un fait qui se passa vers 420, sous lazdgerd 1", jusque-là favorable aux chrétiens, et devenu dès lors persécuteur. A Hormizdardasir, ville du Huzistan, un prêtre du nom de Hasu détruisit un sanctuaire du Feu, contigu à l'église. Le prêtre et son évêque, Abda, furent traduits devant le roi. L'évéque protesta de son innocence ; le prêtre, au contraire, se déclara l’auteui' de l’attentat, et s’emporta en pa rôles vives contre la religion persane. Comme la Passion syriaque s’arrête là, on ne sait ce qui advint de lui ; mais l’historien grec Thkodoret fait connaître la conduite et le sort d’Abda. Le roi commanda '