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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/221

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MARTYRE


François de Sales et de Vincent de Paul, de Bérulle et d’Olier, a l’allure d’un moine grec du xi » siècle, pénitent à la façon d’un ascète de la ïhébaïde ou d’un fondateur de laure au mont Athos ; complètement étranger à la culture intellectuelle de l’Occident, il ne connaît que les livres liturgiques et les textes sacrés à l’usage de son Eglise ; prcti-e, archimandrite, réformateur de son ordre basilien, il combat toutes sa vie contre les conséquences du schisme photien ; et, martyr, il cueille enfin dans cette lutte la palme de la victoire. » (Dom Gdépin, Un aptiiie de l’union des Eglises au XIIe siècle. saint Josaphat et l’Eglise gréco-slave en Pologne et en Bussie, 3° éd., Paris et Poitiers, t. I, iSg’j, p. n) Dans ses discussions avec les schismatiques, il leur opposait leurs propres traditions, et offrait, pour établir la primauté du pontife romain, de s’en tenir aux textes liturgiques antérieurs à la séparation, qui n’avaient pas cessé d'être en vigueur parmi eux (ibid., p. 172, 181, 347). Il fut massacré par ses adversaires à Vitebsk, le 12 novembre 1628. Sa vie et son martyre ont été racontés par un contemporain, l'évêque uniate de Chelm, Sdsza : Cursus vitæ et certaniert niarlyrii B. Josaphat Kuncewicii archiepiscopiPolocensis, episct)pi Vitepceiisis et Mscislaviencis, Rome, 1665 (réédité en 1865 par le P. Martinov) ; Pie IX a canonisé en 1867 ce glorieux martyr de l’Union.

Celle-ci eut un peu plus tard un autre apôtre en la personne du Jésuite polonais André Bobola. Dans les raèmesrégions, ce » preneurd'àmes » avait ramené à l’unité catholique des villages entiers. Ses supérieurs l’envoyèrent, en 1656, prêcher les schismatiques de la Polésie, pays de fondrières et de vastes forêts qui sépare la Volhynie et l’Ukraine de la Lithuanie. C’est là, près de la ville de Janov, sur le territoire de Pinsk, qu’il fut découvert par unebande de cosaques, acharnés contre les prêtres et les religieux et qui depuis longtemps le guettaient. Arrêté le 16 mars lôS^, il fut conduit devant l’assaoul ou chef de la bande. Celui-ci le somme d’apostasier : le religieux répond en exhortant ses ennemis à se convertir. « Alors l’assaoul lui assène un furieux coup d'épée, qui lui tranche le poignet. Le martyr tombe à terre, dans une mare de sang. Les bandits s’acharnent sur leur proie. Un cosaque, voyant sa victime lever ses regards vers le ciel, lui crève un œil d’un coup de poignard. On le conduit dans la boutique d’un boucher. Là, c’est le suplice du feu. Dépouillé de ses vêtements, l’apôtre est étendu sur une table et on lui laboure les côtes avec des charbons ardents. En haine des rites catholiques, les bourreaux lui enlèvent avec les pointes de leurs couteaux une large surface de la peau de la tête en manière de tonsure. Le saint martyr invoque les noms de Jésus et de Marie, et demande à Dieu le salut de ses tortionnaires. Ceux-ci jettent une robe de pourpre sur le corps défiguré, retendent sur une table, lui arrachent la peau du dos, et couvrent les plaies sanglantes de paille d’orge hachée menu. Puis, le retournant et l’attachant à la table avec des cordes, ils font pénétrer ces aiguilles de paille dans les plaies vives et enfoncent à coups de marteau des épines acérées sous les ongles. Pour en linir, les bourreaux lui coupent le nez, les oreilles et la bouche, et par la nuque lui arrachent la langue avec la racine. Son corps, traîné dans la boue, fut eiiûn jeté sur un tas d’immondices, et, comme le saint respirait encore, un brigand l’acheva en lui plongeant son sabre dans le flanc. » Déclaré Vénérable, le 9 février 1855, par Benoit XIV, André Bobola a été, malgré les eflorts de la diplomatie russe, béatilié par Pie IX en 1853 (voir notice sur le B. André Bobola par le

P. Olivaint, Paris 1855, et P. Bernard, article jlndré llobola, dans le Dict. d’histoire et de géographie ecclésiastiques, fasc. XI, 1916, col. 1641-1644) Les guerres entre la Pologne, les cosaques et la Moscovie schismatique, de 1663 à 1667, couvrirent de ruines les contrées habitées par les catholiques uniates. a Pas unévêché, pas une église, pas un monastère — écrivait en 1664 l'évêque Susza — n’a été laissé intact par les cosaques et les moscovites… Beaucoup de prêtres, tant séculiers que réguliers, et même des laïques, ont été blessés, dépouillés, mis à mort, uniquement par haine de l’Union ; d’autres ont succombé aux mauvais traitements que l’ennemi leur faisait subir. Nous connaissons plus de cent prêtres séculiers qui ont péri dans divers tourments pour la foi, et cependant nous ne pouvons comiUer toutes les victimes, plusieurs provinces élant aux mains de l’ennemi. Nous savons du moins exactement combien de moines uniates ont péri, les uns fusillés, les autres décapités, brûlés ou soumis à d’autres tortures, pour la sainte Union. Nous en comptons quarante. » (SuszA, De laboribus Unilorum, cité par Dom GuÉPiN, t. 11, p. 412)

6) Ces premiers martyrs étaient tombés victimes de l'émeute, du guet-apens ou de la guerre. Mais la persécution régulière va commencer avec l’avènement de Catherine II au trône de Russie, en 1564.

La Pologne était alors un royaume essentiellement catholique. Les deux rites y vivaient côte à côte, dans l’obéissance au Pape. Pendant le règne glorieux de Jean Sobieski (1674-1696), le mouvement uniate avait fait de nouveaux progrès : plusieurs diocèses venaient encore de renoncer au schisme ; la vaste province de l’Ukraine s'était convertie. Un concile de l’Eglise ruthène unie put se tenir à Zamosc en 1720. Au commencement du xviii'e siècle, sur 18 raillions de Polonais, les deux tiers, latins et gréco-slaves, appartenaient à l’Eglise romaine. Mais la situation changea quand la politique de l’astucieuse amie de Voltaire et de Diderot eut entrepris la ruine de la liberté religieuse, comme de toute liberté, non seulement dans ses Etats, mais encore en Pologne. Poursuivant le démembrement et l’annexion de ce pays, Catherine avait réussi à lui donner comme roi l’un de ses anciens favoris, Stanislas Poniatowski. Elle commença par semer le mécontentement parmi les sectateurs des cultes dissidents, protestants, juifs ou schismatiques. Ils jouissaient cependant en Pologne d’une liberté de conscience refusée aux catholiques dans tous les Etats où dominaient le schisme et l’hérésie. Seuls les droits politiques ne leur étaient pas accordés par la constitution polonaise : mais, comme lerappelaiten 1767 le Souverain Pontife Clément XIII,

« ces avantages, les princes étrangers à la foi

romaine les refusaient partout à leurs sujets catholiques. » Ce fut cependant le prétexte que prit Catherine pour intervenir dans les affaires de Pologne, au nom de l’humanité.

Quand l’octroi des droits politiques aux dissidents, et surtout le vote de lois favorables au schisme, par une diète que dirigeaient les agents de la Russie, eut amené en 1768 le soulèvement national connu sous le nom de confédération de Bar, et si bassement raillé par Voltaire (lettres du 6 mai 1771, du 18 octobre 1771, du ! " janvier 1772), Catherine lit envahir plusieurs provinces polonaises par des hordes de cosaques Zaporogues, accompagnés de popes fanatiques. Ces barbares, dont nous avons déjà montré la férocité, y déchaînèrent cette fois encore une véritable guerre religieuse. Ceux qui ne professaient pas la foi des cosaques, les catholiques et même les Juifs, tombaient sous leurs coups. Ils massacrèrent des gens de toute condition, de tout âge, mais surtout des