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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/223

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MARTYRE

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inscrivait d’ailleurs d’office sur les registres de l’Eglise ollicielle toutes celles qui, à un moment quelconque de l’Iiistoire, avaient appartenu au culte non uni. On dut cependant, pour consommer l'œuvre scLismatique, attendre la mort du métropolitain Bulbak, qui, bien que brisé par l'âge, soutint jusqu’au bout la résistance de ses ouailles, et demeura inébranlable aux promesses comme aux menaces. Mais quand eut disparu ce vieux confesseur de la foi, l’heure parut venue de l’apostasie générale. Conduite par son chef, l'évêque Siemasko, qui, secrètement apostat, avait pendant plusieurs années conseillé et dirigé cette oppression savante Çopprimumiis sapienter), l’Eglise ruthène, en février iSSg, passa enlln ofliciellement au schisme. Trois millions de Grecs unis étaient ainsi arrachés à la foi romaine. Ce résultat de l’hypocrisie et de la violence fut célébré par les apologistes o01ciels comme un triomphe, en l’honneur duquel on osa frapper une médaille avec cette légende mensongère : Séparés par la liaine, en 1595, réunis par l’amour en 183'J.

Ce que fut cet « amour », le grand nombre des martyrs sullit à le montrer. Si quelque chose peut venger une Eglise qui, même en Pologne, a été trop souvent l’objet d’injustes dédains, c’est l’héroïsme de son clergé quelquefois illettré, et de son peuple de serfs et de paysans.

Sur le clergé marié, selon la discipline orientale respectée par l’Eglise romaine, les coups frappaient double. Le prêtre demeuré lidèleà sa foi était séparé de sa femme et de ses enfants, qu’il laissait sans ressources. Nombreux sont les prêtres grecs-unis qui, avant et après iSSg, acceptèrent ce sort pour euxmêmes et pour leur famille. Beaucoup furent jetés en prison. Quelles-uns furent assujettis à un indigne servage. Le prêtre Plavvski, qui avait écrit dans ses prisons la réfutation d’un livre faisant l'éloge du schisme, fut exilé à Wiatka, où on fît de lui le sonneur de cloches de l'église schismatique. Un voyageur français, qui visita la Lithuanie au moment de ces persécutions, a communique au Correspondant (lo janvier 1 846) les impressions de son voyage. Il a rencontre, dans une ville, un curé lidèle, conlié, comme châtiment, au terrible apostolat d’un pope.

« Le digue exécuteur des lois du gouvernement

exerce toute sorte de cruautés sur sa victime : il lui fait balayer l'église, porter l’eau ; il lui impose les travaux les plus rudes et les plus rebutants, et, pour la plus légère infraction à ses ordres, il le roue de coups. L’infortuné touche un salaire qui suflirait à peine à l’entretien d’un valet, et les autorités veillent à ce fju’il ne reçoive aucun secours. Père d’une famille nombreuse, il lui suffirait de dire : « Je veux être delà religion du czar », pour rentrer en charge et mettre un terme à sa misère, aux tortures et aux avanies qu’il endure ; mais il déclare qu’il mourra plutôt que de trahir son devoir. Il est plus fort que ceux qui l’ont précédé, car ils n’on t pu souffrir au delà d’une année. Le pope a bien mérité du gouvernement russe : ce généreux confesseur est la quatrième victime conhce à son redoutable ministère, et il a triomphé des trois autres. »

Combien de martyrs dans le clergé I Micéwitz, curé de l'église de la Résurection, à Kamienieck, enfermé pendant six mois dans une crypte, pour avoir en 1834 repoussé un missel schismatique, séparé de sa femme qui meurt pendant sa détention, de ses enfants, que l’on chasse de la paroisse, déporté dans le gouvernement deOrodno, puis enfermé en Volhynie, dans un ancien monastère de Basiliens, meurt, en 18^2, prisonnier dans un couvent schismatique du district d’Ostrog. Un autre prêtre uniate, Baremowski, captif au monastère de 'Tokani, fouetté, privé de nourriture.

meurt de faim dans son cachot. Les moines schismatiques servent de geôliers aux prêtres et aux religieux punis pour leur hdélité à l’Eglise catholique. Au couvent de Zachorow, Micéwitz avait eu pour compagnon de captivité onze basiliens et trois prêtres séculiers : l’un des basiliens, âgé de soixante-quinze ans, meurt dans un cachot, après avoir pu se confesser ù travers les fentes de la porte. C’est ainsi que meurt aussi, au couvent de Lyskow, le P. Bocéwitz : la porte de son cachot était assez vermoulue pour qu’un de ses confrères ait pu, non seulement recevoir s.i confession, mais, écartant une planche, lui administrer la sainte eucharistie.

Plus malheureux encore furent les prêtres condamnés à être déportés en Sibérie. Au rapport delà mèreMakrina, supérieure des religieuses basiliennes de Minsk, quatre cent six prêtres et religieux uniates y ont alors expié leur fidélité par le martyre. Les uns sont morts assommés, nojés, gelés dans les bois où on les employait comme bûcherons, les autres ont succombé à la fatigue, à la faim et aux mauvais traitements sur la route de Tobolsk, avant d’arriver au terme de leur exil.

LamèreMakrina fut elle-même, avec ses religieuses, parmi les plus illustres victimes de la persécution. Echappée aux bourreaux, elle traversa Paris en 1 845. Louis Veuillot connut alors, et a raconté dans une page éloquente, les détails du martyre souffert par les basiliennes. Etablies depuis le xvii= siècle dans la ville de Minsk, elles avaient eu à subir les assauts de Siemasko lui-même, qui voulait les entraîner dans son apostasie, a Après avoir vainement employé les promesses, les menaces, les vexations, voyant qu’il n’obtenait rien, il résolut d’en finir par la force. Pendant la nuit, des cosaques cernèrent le couvent, se saisirent des religieuses avec la plus révoltante brutalité, les garrottèrent et les conduisirent dans cet état, à pied, jusqu'à Vitebsk, à vingt lieues environ. Là, elles furent enfermées dans un couvent de religieuses schismatiques, à qui on les donna pour servantes, ou plutôt pour esclaves. Ceux qui connaissent la profonde ignorance, les mœurs déréglées et l’ardent fanatisme de ces religieusesschismatiques, comprendront aisément les mauvais traitements que les basiliennes eurent à souffrir. Destinées aux plus vils et aux plus rudes travaux, à peine nourries d’un peu de pain noir, chacune d’elles était en outre frappée régulièrement, tousles vendredis, de cinquante coups de bâton. Bientôt leurs corps exténués furent couverts de cicatrices et de plaies. Mais elles montrèrent plus de courage encore que leurs ennemies ne montraient de férocité. S’animant entre elles à souffrir pour la gloire de Dieu, elles persévérèrent dans la religion catholique. La colère de l’apostat s’en accrut : Il fit de nouveau mettre ces saintes filles aux fers et les condamna aux travaux forcés. On leur avait jusque-là donné pour nourriture un demi-hareng salé par jour ; on ne leur donna plus qu’une demi-livre de pain noir et une petite mesure d’eau ; et tandis qu’elles soufïraient ainsi la faim et la soif, on les assujetti ! , comme manœuvres, au service des maçons qui construisaient le palais épiscopal. Plusieurs ont été plongées dans l’eau jusqu’au col et submergées de temps en temps, à mesure qu’elles refusaient d’apostasier ; d’autres, condamnées aux mines et placées où le danger était le plus grand, ont été écrasées ; enfin, on a arraché les yeux à huit d’entre elles. Leur foi a surmonté ces épreuves ; pas une n’a faibli, mais trente sont mortes. Parmi les dix-sept qui vivaient encore après la mort, disons mieux, après le triomphe de ces trente martyres, trois seulement eurent assez de force pour profiter d’une occasion qui se présenta d'échapper au supplice. Elles purent