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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/259

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MATERIALISME

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physiologie », ont renié leur monisme d’antan, comme « péclié de jeunesse ». — Ils pourront bien prétendre que, leur esprit ayant mûri avec l'âge, ils se sont convaincus de leurs erreurs ; Ilæckel, lui, affirme que l’expérience a troublé leur vue, et qu’n avec la vieillesse survient une dégénérescence graduelle du cerveau, comme des autres organes i> (p. 117). C’est tout simple I Mais à quoi pense donc Hæckel quand il affirme, un peu plus loin, que les aptitudes philosophiques sont le privilège de l'âge mûr, et survivent au déclin des autres ?

Revenons à sa psychologie évolutionnisle : en passantpar les a degrés hiérarchiques de l'âme », par

« l’embryologie et la phylogénie de l'âme », on Unit

par aboutir au « Mystère central psychologique », à la « résistante citadelle de toutes les erreurs dualistes et mystiques, â la question de la conscience »

(F- '97) c) La conscience. — L’interprétation scientifique de la conscience est extrêmement difficile, concède Hæckel, parce qu’ici le sujet et l’objet se confondent ; toutefois, « nous verrons que la conscience est un phénomène naturel », et qu’elle « est soumise, comme tous les autres phénomènes naturels, à la toi de substance ».

1. Notions préliminaires. — La conscience est une intuition iHier/ie, comparable à une réflexion ; — elle a un double domaine, l’Univers et le Moi, celui-là de beaucoup le plus étendu ; — la conscience n’est pas, tant s’en faut ! coextensive à l’activité psychique ; et, au surplus, entre l’inconscient et la conscience, il n’y a pas de frontière nette.

2. Théories de la conscience. — Elles se laissent ramènera deux conceptions opposées : la transcendante (dualiste) et la physiologique (moniste) ; Hæckel, « éclairé par la théorie de l'évolution, a toujours soutenu la seconde ». Mais parce que l’autre s’obstine à vivre malgré sa vieillesse, demeure

« de beaucoup la plus répandue, (et) s’est acquis de

nouveau un grand renom, grâce à du Bois-Reymond et à son célèbre discours de VIgnorahinius », Hæckel revient sur ce qu’il appelle « le cœur » de cette a question capitale ». Et d’abord : i) le « joli sermon » qu’est le discours de VIgnorabimus ne méritait pas son succès : la majorité, et surtout le « beau sexe » y ont applaudi ; mais Hæckel a eu « le courage moral… de tenir tête aux arrêts sans appel du dogmatique et tout-puissant secrétaire et dictateur de l’Académie des sciences de Berlin i> ; au surplus, le « physiologiste de Berlin n’a jamais rien fait pour étendre les conquêtes du darwinisme » ; et « les remarques par lesquelles il conteste la valeur de la loi fondamentale biogénétique, le fait qu’il rejette la phylogénie, etc., montrent qu’il n’est ni assez familieravec les faits, ni capable d’apprécier philosophiquement leur importance théorique ». (p. 210)

2) Au reste, voici la théorie physiologique de la conscience : « La nature de la conscience » est un

« problème physiologique, ramenable aux phénomènes

qui ressortissent âla physique et à la chimie » ; c’est un « problème neurologique, parce que la conscience ne se trouve que chez les animaux supérieurs qui possèdent un système nerveux centralisé et des organes des sens » assez parfaits, (p. aïo, 11) Hæckel tient pour accordé, parce que bien évident, que les animaux supérieurs — « les singes et les chiens surtout — se rapprochent énormément de l’homme dans toute leur activité psychique… La fonction supérieure d’activité cérébrale, la formation de jugements, leur enchaînement en raisonnements, la pensée et la conscience au sens propre, sont développés chez les animaux tout comme chez l’homme — la différence n’est que dans le degré, non dans la nature ».

(p. 201) « Les dilTérences graduelles de conscience entre ces Placenlaliens i< raisonnables » (les chiens, les singes, les éléphants) et les plus inférieures des races humaines (Weddas, nègres de l’Australie) sont moindres que les différences correspondantes entre celles-ci et ce qui existe chez les hommes raisonnables les plus supérieurs (Spinoza, Goethe, Lamarck, Darwin, etc.). La conscience n’estainsi qu’une /Partie de l’activité psychique supérieure, et comme telle elle dépend de la structure normale de l’organe de l'âme auquel elle est liée, du cerveau ». (p. 21 i)La i)hysiologie sait depuis 20 ans (Hæckel écrit en 18gg) que l'écorce grise des hémisphères cérébraux est le sié^e (ou mieux l’organe) de la conscience » ; grâce aux progrès de Vanatomie microscopique du cerveau dans ces dernières années, « la preuve morphologique de ces faits physiologiques a pu être établie ». Le plus important de ces faits est la découverte (par Flechsig) des organes de la pensée. Ce sont les (( centres d’association » de Flechsig, que Hæckel appelle les « quatre grands foyers de la pensée », a organes réels de la vie de l’esprit », « les véritables organes de la pensée, les seuls organes de notre conscience ». (p. 211-12)

Après les localisations cérébrales de Flechsig, la pathologie et l’ontogénie de la consc/ence sont invoquées pour nous convaincre clairement de ce fait qu’elle n’est pas une » essence immatérielle », mais une «. fonction physiologique du cerveau ». (p. 213, iii) La phylogénie de la conscience, enfin, n’est pas moins a certaine, en principe » ; mais les faits manquant ici, on ne peut « édifier sur elle des hypothèses précises ». (p. 215)

Nous avons jugé utile de rapporter ici, plus abondamment que de coutume, les paroles mêmes de Hæckel. Il en ressort à l'évidence que, pour lui, constater une dépendance quelconque de la conscience à l'égard du cerveau et de ce qui peut le modifier, c’est réduire la conscience aux phénomènes physiques et chimiques. Qu’entre ces deux choses : dépendance et identité, il puisse exister une différence, Hæckel semble l’ignorer bien sincèrement. Car aussitôt il passe â la réfutation de la thèse dualiste de l’immortalité personnelle de l'âme humaine.

d) Immortalité de l'âme (athanatisme) : « suprême domaine de la superstition, citadelle des idées dualistes et mystiques » ce dogme « est inadmissible en face des données empiriques de la biologie moderne » (p. 219). Tout d’abord, ce dogme n’a pris toute son

« importance que par suite de son rapport étroit

avec le Christianisme ». Or, le dogme chrétien : « Je crois à la résurrection de la chair, je crois à la vie éternelle », est d’un bout â l’autre matérialiste et anthropistique. — Ce n’est pas tout. Que la « résurrection de la chair » soit impossible, c’est ce que savent tous ceux qui ont la moindre connaissance de l’anatomie et de la physiologie. » Et « la résurrection du Christ est un pur mythe », (p. 227) — Enfin l’athanatisme métaphysique (Platon), et la métempsychose qui lui est annexée, sont à leur tour exécutés au nom de « l’anatomie et de la physiologie », et grâce « aux progrès de l’histologie et de l’ontogénie ». (p. 229)

Nous terminerons cet exposé par une remarque : nos lecteurs, ceux du moins qui n’ont jamais lu Hæckel, pourront être tentés de croire qu’on a voulu faire ici une caricature de ses idées ; qu’on a recherché dans ses livres les mots barbares, ainsi que les affirmations outrancières, afin de les souligner ; et qu’enfin on a supprimé les preuves robustes dont, sans doute, un homme aussi célèbre doit accompagner ses thèses principales… Il n’en est rien, et les lecteurs de Hæckel le savent bien : formules