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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/301

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MITHRA (LA RELIGION DE)

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part, l’empereur Julien, qui était initié aux mystères de Mitlira, et dont l’aversion pour le christianisme est assez connue, n’a jamais accusé le christianisme d’avoir emprunté sa doctrine ou sa tradition sacrée au mittiraïsme. Xous devons, je crois, imiter cette discrétion, et, sans parler de plagiat, reconnaître dans lu frappante analogie des deux religions l’Influence, subie par l’une et par raiitre, de vieilles conceptions po]ralaires répandues dans le monde antique, remontant à une époque sans doute antérieure aux légendes lilléraires du paganisme, et qui conslituaienl le milieu mystiqtie où le christianisme et le milhraïsme ont pris corps. » — Il convient certainement de donner acte à M. Reinach d’une réserve à laquelle d’aiUres, moins experts, ne se croient pas tenus. On fera sagement de ne pas imputer au christianisme une dette qui aurait échappé à la haine clairvoyante de Julien. Au demeurant, je suis moins louché du silence de Julien que du langage des apologistes, plus proches des origines chrétiennes aussi bien que des origines mithriaques.

Il est vrai que saint Justin reproche aux démons, auteurs de tout paganisme et du mithriacisme en particulier, d’avoir mis à profit les oracles des prophètes d’Israël pour caricaturer par avance l'œuvre divine (Saint Justin, I Apol., xxi-xxini ; liv-lxvi ; Dialùi ;. ciim Tryphone. LXix, Lxx, Lxxvin. — Voir A.. L. Feuiîr, Jiislins des Mutyrers Lehre i’on Je^ns Christus dem Messias iiiid dem menscht^ew ordencn Sohne Go/<es, Freiburg, i. B., 1906, p. 206) ; il indique même, assez inopinément, le passage d’Isaie où ils iint pu trouver en germe l’oblation du pain et de l’eau, en usage dans la secte mithriaque (/s., xxxiii, 16 : OuTî^ olr.-r, '7H ïj ij’l'fiJfji 77Tv ; /K('w 7r€T/5K ; triyuov.^, vpro ; , /.vrCi SoO/j-erai^ ifv.i t5 uSoip « ÙToy ttec-tôv. Saint JusTIX, Dial.^ [^xx). Mais, outre qu’il ne donne aucune suite à cette idée, il avait auparavant accusé les démons, en termes exprès, d’avoir copié l’Eucharistie elle-même. [Saint Justin, I Apol., Lxvi : Oi -/àp à7f>TWoi i-j roVi /ivofiivoi^ ùv vXirôyj K7Ts/jiyïj/zoy£^//9'.71v, v. z « /£?T « t cù « yyé/c8t, oyrwç ntxpéèùiy.v.v hnzvjdvi « ÙTor ? * tov 'Ïï ; t5ûv >, « CivTa rjprov idj'/KpiTrTî'çavTy. Et^scy 'T^Ot^ TTOteFre ci'ç t’ov vyâfxvriçrj y.oû^ toOto èort TO f7<^ifiv. jxou XKÏ va Tzozr^ptov èuo&j) : J-v.advzv. xv’i vjyy.pifrTr, -jv : jTV,

EtTTSïV * TîOto' £7Tt TO uTjJ.V. pOU, XKt p.VJOl^ V.'jTOt^ /Jt£T « ocDva(.

"O-nip Z « î èv T9t5 T5Û Mt'ôoK puTTviptçii TTx^éSw/v.v ycvEjOv.i fnp.ri’jy.tivjot oi Tzovvjpoi ëaip-ovî : * on yv.p « prîç y. « i TZOTyiptov jSv.r-ji TtOzrv.c iv zv.î^ roO u : jO’jui-jo-j Ts/erat ; y.sr ' cTTt/o’y&Jv rty&jVj rj èttittvtÇs t, px/fJù-j ôàrarSî. — Yoir encore, Dia !., Lxxviii, au sujet de la grotte de Bethléem, Pour TertuUien, voir le texte £*< ; /)rnescr/^/io « e, XL, etautres, indiqués ci-dessus. Si maintenant Justin apporte par surcroît une autre explication, c’est qu’il y est amené par le développement d’une thèse générale, sur l’exploitation diabolique des prophéties ; Mitlira n’intervient ici qu'à titi’c d’exemple. Mais peut-être on jugera que, mieux instruit des origines mithriaques, il abandonne sa première explication, comme entachée d’anachromisme ? Qu’on y prenne garde : nuJIe part on ne trouvera chez lui affirmée l’antériorité chronologique de la pseudo-eucharistie mithriaque à l’Eucharistie chrétienne. Surtout il ne manifeste aucune velléité de chercher à celle-ci des antécédents hors de l’histoire évangélique, histoire qu’il devait connaître mieux que personne, étant né aux portes de.Térusalem, moins de cent ans après la passion du Sauveur, à une époque par conséquent où les faits n’avaient pu encore entrer dans le domaine de la légende. L’institution eucharistique, telle qu’il nous la présente, plongeait ses racines en plein sol chrétien, à l’abri de toute influence exotique. Le silence que Justin garde sur ces influences, mithriaques ou autres, est d’un homme qui n’y a pas même songé, parce que personne n’y songeait autour de lui. La

seule chose qu’avec un peu de malignité on puisse retenir de son texte, c’est cette accusation de plagiat qu’il formule, d’ailleurs sans preuve, contre le mithriacisme.

Gardons-nous néanmoins d’accueillir à la légère une assertion où la passion peut avoir sa part, et que n’appuie aucun argument de fait. Il importe beaucoup plus de constater que l’assertion inverse ne s’est pas produite alors, puisque ces défenseurs attitrés du christianisme n’ont pas éprouvé le besoin de la combattre. Qu’elle vienne à se produire aujourd’hui, on sera en droit de lui répondre qu’il est bien tard, et de l’engager à réviser les preuves qu’elle déterrait hier dans l’ombre de quelque spelæum.

Beaucoup moins encore peut-on faire état de rencontres entre le christianisme et la religion de Milhi a sur un rite secondaire de l’initiation. N<3us apprenons de Tertullikn, I Ad. Marc., xiv ; De cororia, iii, et de Clémknt d'.Vlbxandrib, l’aedag., I, VI, 34, ^15, 51, qu’on faisait goûter du lait et du miel aux nouveaux baptisés. Or le miel jouait aussi un rôle dans l’initiation mithriaque du Léo et du Persa. Nous l’apprenons de Porimivre, De anlro rtrniph., XV, XVI. Là-dessus, certains historiens des religions se croient fondés à reconnaître dans le repas des néophytes un emprunt fait par le christianisme au fonds commun des cultes antiques. Ils rappellent par exemple que, selon Pindare, Nem., iii, 79, un mélange de lait et de miel est la nourriture des dieux. Ainsi UsENEB,.'/i/c/( und lionig in griech. 11. altchrisil, Ansckauuiigen u. Kulten, dans liliein. Nks., 1902, t. II, p. 177-195. — Encore faudrait-il se souvenir que l’unique garant de ce fait, quant au culte mithriaque. Porphyre, est postérieur d’un siècle à TertuUien et à Clément d’Alexandrie, donc s’il y avait présomption d’emprunt de la part de l’un des deux cultes, la yjrésomption ne serait pas à la charge du christianisme. En réalité, le christianisme n’avait nul besoin d’emprunter à qui que ce soit le rite du lait et du miel, le symbolisme de ces deux aliments étant très développé dans l’A, T, , pour figurer la Terre promise ; voir Exod., iii, 8, 17 ; xiii, 5 ; xxxiii, 3 ; l.et : , xx, 2/1, etc., et se retrouvant dans le N. T. pour figurer la nourriture des âmes renouvelées dans le Christ, I (or., iii, 2 ; I Pet., 11, 2 ; Heb., v, la ;.,. Jp., X, g. Avant de faire état d’indications précaires, récueillies dans des cultes dont l’inlluenee sur le culte chrétien n’est ni prouvée ni vraisemblable, on doit se souvenir qu’une source d’inspiration beaucoup plus ancienne, beaucoup plus copieuse, beaucoup mieux connue, s'était déversée dans le christianisme dès son origine ; que c’est là, non pas une conjecture, mais un fait qui appartient au plein jour de l’histoire. Cf. Em. de Backer, Sacramentiim dans les œm’res de TertuUien, p. 332-350, Louvain, 1911.

Nous ne voulons pas retenir autre cliose, présentement, du témoignage de saint Justin et de Tertullien. Selon ces témoins, les plus proches des origines el qui ne semblent pas avoir été contredits, 1 « christianisme ne doit rien qu'à ses prophètes et à luimême. Cela suffit à juger la généreuse assurance avec laquelle, de nos jours, tel retourneur de pierres inscrit au passif du christianisme primitif une dette dont celui-ci n’eut jamais conscience, dont l’idée même lui manquait, et dont, pour cette raison, il n’a |).is songé à se défendre. — Voir d’ailleurs ci-dessous l’article Mystères.

Bibliographie. — Voir Franz Cuinont, professeur à l’Université de Gand, Te-rtes et manuscrits figurés relatifs aux mystères de Mithra, Bruxelles, 1896-99, 2 vol. in-4° ; Les mystères de Mithra, i" éà., revue et annotée, contenant 28 figures et une carte.