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MODERNISME

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ne tient pas compte de la science sacrée, ouvrir la voie au fanatisme et aux superstitions, du moins à certaines époques de la vie de l’Eglise ; ce serait supposer (contre l’expérience même) que les simples fidèles ont tous le privilège d’extraordinaires révélations, et ([ue ces révélations immédiates sont l’objet de notre foi chrétienne ; ou bien, que le dépôt de la foi se réduit aux quelques vérités que tous doivent savoir cl que tous doivent vivre ; qu’il ne contient pas, pour le gouvernement de l’Eglise et l’administration des sacrements, d’autres vérités à l’usage des pasteurs, inconnues de la plupart des iidèles, quoique servant indirectement au bien de tous. Enlin ce serait faire conduire les bergers par les brebis, les maîtres par leurs élèves.

3° Effet des délinitions, assentiment qu’elles imposent. — Prop. 7 : « l’Eglise, quand elle condamne des erreurs, ne peut exiger des fidèles, pour le jugement qu’elle porte, aucun assentiment intérieur, »

D’aucuns s’imaginent que condamner une erreur, ce n’est jamais définir. — Mais la condamnation des erreurs revient, par la nature même des choses, à la proclamation des vérités opposées : aussi l’infaillibilité de l’Eglise s'étend-elle pareillement à ces deux formes équivalentes du définir, la positive et la négative ; 1' « anathème » est même la formule la plus solennelle dans l’usage ecclésiastique.

Dès lors que l’Eglise, usant de son magistère infaillible, a condamné une erreur, c’est un grave devoir, pour tous ceux qui connaissent suffisamment la condamnation, de soumettre leur intelligence elle-même à la règle que Dieu lui a donnée, c’est-àdire, d’honorer ce jugement solennel d’un « assentiment intérieur ». Ce ne serait pas assez de garder un « silence respectueux », comme le voulaient certains jansénistes, et de ne pas attaquer extérieurement la détinition. L’Eglise est une règle de foi, et la foi est un assentiment intérieur de l’intelligence sous l’inlluence de la bonne volonté.

Distiuguons toutefois la condamnation d’une opinion, et la simple prohibition ou défense de l’enseigner publiquement. Une doctrine peut être vraie, et cependant inopportune, de nature à exciter des troubles et des scandales, à être mal comprise dans les circonstances présentes ; elle peut aussi paraître peu sûre, la question n’a3ant pas encore été sulKsamnient approfondie. Que l’Eglise défende alors de l’enseigner dans ses chaires, ou de la jeter dans le grand public par des livres ; que, pour le bien de la paix et de la charité, un Pape impose quelquefois silence aux deux parties dans une polémique violente, toutes ces prohibitions disciplinaires ne visent que la manifestation extérieure des opinions : donc elles n’exigent pas d' « assentiment intérieur ». — Mais la proposition que nous expliquons ne parle point de cela : elle parle de la « condamnation des erreurs » : jugement doctrinal, dogmatique, et non purement disciplinaire ; jugement qui ne porte pas sur la question d’opportunité, de sécurité, de prudence, de cUarilé, de paix sociale, mais de vérité, et qui, lorsqu’il la tranche définitivement, est infaillible.

4° Autorité des Congrégations romaines. — Proposition 8 : « Oit doit regarder comme exempts de toute faute ceux qui ne font point do cas des condamnations portées par la Congrégation de l’Index ou les autres Congrégations romaines. »

Rappelons que ce sont là des tribunaux institués par le Pape pour l’aider dans le gouvernement général de l’Eglise, ou même, jusqu'à un certain point, dans son magistère. Dans ce dernier cas, leur communique-t-il son infaillibilité, quand il donne à leurs décrets l’approbation ordinaire ? Non, du moins d’après l’opinion la meilleure, qui est pratiquement

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I siire. Mais il leur communique une part de sa juridiction suprême, de son pouvoir de gouverner l’Eglise universelle ; à ce titre, leurs décrets sont vraiment des « actes du Saint-Siège » ; et quand ils seraient purement disciplinaires (c’est toujours le cas de la Congrégation de l’Index), encore faudrait-il : 1°) ne pas les n mépriser », nihili pend uni, car il n’est jamais permis de mépriser l’autorité légitime, surtout l’autorité suprême ; 2°) ne pas les confondre avec des actes privés, tels que les décisions d’un juriste ou les thèses d’un théologien ; ce sont des actes publics, qui font loi dans l’Eglise ; on serait donc coupable de les attaquer extérieurenxent, de les contredire publiquement.

De plus, quand il s’agit de la plus haute des Congrégations romaines, celle du « Saint-Oflice » ou de

« l’Inquisition romaine et universelle », il n’est pas

pour elle uniquement question de décrets disciplinaires : elle peut porter des jugements doctrinaux, condamnant des propositions : tel est celui dont nous nous occupons dans ces colonnes. A cette condamnation, sans doute, la Congrégation ne peut donner l’infaillibilité qu’elle n’a pas : le jugement, même après qu’il a été approuvé par le pape in forma commuai, reste donc provisoire, réformable, non définitif. C’est un jugement initial, suffisant à indiquer le danger, en attendant ces jugements définitifs et irréformables, qui sont plus rarement prononcés, et après une plus longue préparation. Toutefois ce premier jugement doctrinal, en cela dilTérent du décret disciplinaire, exige déjà un assentiment intérieur : non pas cet acte de foi très ferme, qui répond seulement à une autorité infaillible ; mais im assentiment plus faible. En voici la nature, d’après ceux des théologiens qui demandent un minimum : je devrai, entre les deux opinions contradictoires, préférer celle que choisit l’Eglise, incliner mon esprit de ce côté, lors même qu’il pencherait naturellement de l’autre ; et il paraîtra bien raisonnable d’agir ainsi, si l’on réfléchit aux lumières spéciales naturelles et surnaturelles, qui ont amené l’autorité ecclésiastique à prendre cette décision. Excepté pourtant le cas où j’aurais l'évidence du contraire : alors je ne serais tenti à rien, intérieurement ; mais dans ces questions si difficiles, qui peut se flatter d’avoir l'évidence ? Le cas sera forcément bien rare. (Cf. L. Choupin, op. cit., p. 50 et suiv.)

Observons enfin que le Saint Office peut rappeler aux fiilèles des choses déjà définies, qui en vertu de ces anciennes définitions exigent un assentiment des plus fermes ; car les nouvelles erreurs qu’il condamne ne sont parfois que la simple réédition d’erreurs déjà condamnées par les Papes ou les Conciles généraux.

3° Pouvoir de gouveræinetit. Sa constitution. — Prop. 53 : « I.a constitution organique de l’Eglise_ n’est pas immuable, mais la société chrétienne, aussi bien que la société humaine, est sujette à une perpétuelle évolution ».

La constitution d’une société humaine, d’une nation, n’a qu’une fixité relative. Plusieurs formes de gouvernement sont possibles, et légitimes en ellesmêmes ; Dieu n’en a déterminé aucune ; le fait humain qui a piemièrement fixé pour un peuple la forme du gouvernement n’a pas une efficacité indéfinie ; le temps, la prescription qui peut légitimer une forme nouvelle, même illégitimement commencée, permet sur ce terrain-là de parler d'évolution dans le sens le plus hardi. lien serait de même de l’Eglise, si ce n'était qu’une institution humaine. Mais non : cette société a été fondée par le Christ, envoyé divin et Dieu lui-même (voir l’article précédent). Il a

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