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MODERNISME

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familiarisés avec la notion exacte de ces expressions, soit parce qu’ils suppléaient dans leur pensée au manque d’acribie du texte, sans remarquer que les corrections qu’ils introduisaient mentalement dans les formules de M. Loisy, étaient précisément ce que il. Loisy niait le plus.

En effet, sans manifestation de la vérité par Dieu lui-même, il n’y a pas d’objet de foi, il n’y a pas d’acte de foi, dans l’état surnaturel où nous sommes : laissons de côté la question métaphysique de possihili, puisqu’il s’agit de l’ordre actuel choisi et voulu par la Providence surnaturelle de Dieu. Or, les fiies de foi de M. Loisy sur la divinité du Christ, sur les sacrements, sur la hiérarchie, non seulement ne supposent pas, mais elles excluent la révélation proprement dite des articles concernant ces sujets. Et cette seule observation suffit pour dissiper l’équivoque fondamentale de M. Loisy et tout l’échafaudage de sa pseudo-théologie chrétienne. Pour un chrétien, qui dit acte de foi suppose une révélation divine, qui propose l’objet à croire, antérieurement à cet acte de foi. Pour M. Loisy, qui dit iiie de foi exclut cette révélation divine constitutive de l’objet de foi. D’après l’Eglise, il est impossible de croire de foi surnaturelle ce que Dieu n’a pas manifesté ; la révélation est une condition essentielle de nos actes de foi, pour diverses raisons, et, entre autres, parce qu’elle en constitue l’objet ; aussi dogme se déliiiit : dictum a Deo, propositiim ah Ecclesta. D’après M. Loisy, pour un catholi<|ue, « l’interprétation actuelle » de l’Eglise est tout. (Autour, p. 206 sqq.) Nouvelle équivoque.

M. Loisy sait que nous admettons des traditions non écrites, et il fausse notre doctrine pour en abuser contre nous. Il est vrai que l’Eglise admet des traditions en dehors de l’Ecriture. Mais l’Eglise n’admet pas que des traditions de ce genre, comme le suppose le développement du dogme par évolution et par accession de M. Loisy. Tout l’enseignement de l’Eglise n’est pas de tradition non écrite ; les principaux dogmes, l’ensemble des dogmes, en particulier le dogme de l’existence d’une tradition non écrite, sont exprimés dans l’Ecriture ; et les traditions non écrites y ont souvent un fondement assignable. Enfin ces traditions non écrites, l’Eglise les tient pour formellement révélées de Dieu ; et cela, non pas dans le cours de l’histoire du christianisme, mais antérieurement à la mort du dernier des apôtres (Voir prop. 21). Et M. Loisy nie, aussi bien les uns que les autres, tous ces points.

Nous ne somme pas au bout de l’équivoque. M. Loisy admet, on le sait, des dogmes nouveaux, émergeant au cours des âges de la pensée chrétienne, de l’expéfience religieuse. Dans son système, il ne peut pas les rattacher à la révélation formelle des articles faite aux.apôtres, puisque, d’après lui, le Christ n’a fait que donner le branle à un mouvement religieux, sans rien régler ni sur le dogme, ni sur les sacrements, ni sur la hiérarchie. M. Loisy voit bien qu’il est nécessaire que ces dogmes nouveaux

— même au sens où il entend ces mots — se rattachent à l’Evangile : autrement, cène serait plus des dogmes spéciliquement chrétiens. Il a recours pour établir ce lien entre nos formules dogmatiques et le

« germe » caché dans l’Evangile, à l’intermédiaire

de l’autorité doctrinale de l’Eglise. Il écrit en effet : X Le catholicisme consiste à recevoir comme émanant d’une autorité divinement établie, l’interprétalion que l’Eglise donne actuellement de l’Evangile. » (Autour, p. 205).

Quoi qu’il en soit, pour le moment, du " lien vital «  que M. Loisy admet ailleurs pour faire ce raccord du christianisme primitif avec le nôtre (Autour,

p. 65) ; quoi qu’il en soit encore de la réduction du sens réel de nos dogmes à la perception du rapport simple que la religion découvre entre Dieu et nous : autre moyen qu’emploie M. Loisy pour expliquer que la révélation demeure toujours substantiellement identique à elle-même (Autour, ^. 199) ; il est certain que l’autorité doctrinale de l’Eglise est insuffisante à rem[>lir le rôle que lui assigne M. Loisy.

M. Loisy prétend que le catholicisme consiste à recevoir l’interprétation de l’Evangile par l’Eglise. La formule exacte est : « Le catholicisme consiste à recevoir l’Evangile, parole de Dieu, dont l’interprétation authentique nous est donnée par l’affirmation et la proposition de l’Eglise, infaillible dans cette affirmation et dans cette proposition en vertu des divines promesses. » Il y a plus que des nuances entre ces deux formules. Celle de M. Loisy est inexacte. D’abord, l’observation psychologique la plus rudimentaire suffirait à constater que la tendance de l’acte de foi des catholiques n’est pas du tout celle que lui assigne M. Loisy. Ensuite, voici la doctrine ecclésiastique : pour que le fidèle puisse faire un acte de foi surnaturelle sur un article déterminé et soit en certains cas tenu de le faire sous peine d’hérésie, il faut l’affirmation de cet article par l’Eglise, la proposition par le magistère de cet article comme révélé de Dieu ; et cette affirmation, cette proposition, est garantie par la promesse divine de l’infaillibilité, faite directement au magistère vivant. Il est vrai que le dogme se définit : dictum a Deo, propositum al> Ecclesia. Mais dans cette formule, l’affirmation et la proposition de l’Eglise viennent au second rang ; ce qui vient en tête, c’est la parole de Dieu, l’affirmation divine.

Or, pour nous, la parole de Dieu consignée dans la sainte Ecriture est le dépôt, la source des vérités de la foi ; tous les fidèles le savent, puisque tous entendent leur curé commencer habituellement son prône par un texte de l’Ecriture ; et Pie X l’a rappelé dans un consistoire en déplorant « que les hérétiques modernes ne regardent plus la sainte Ecriture comme la source sûre de toutes les vérités qui appartiennent à la foi ».

On voit par là que, d’après l’Eglise, l’interprétation ecclésiastique de l’Evangile sert à faire le raccord entre les formules dogmatiques actuelles et le christianisme primitif, en tant que cette interprétation se rattache, grâce au charisme de l’infaillibilité, à la parole divine originaire, consignée dans l’Ecriture. Mais M. Loisy n’admet pas cette parole divine initiale, ou ne reconnaît point de sens dogmatique aux textes scripturaires, ou réduit ce sens à beaucoup moins que l’Eglise ne le fait. Ce n’est donc que grâce à une équivoque de mots que, dans son système, l’interprétation de l’Eglise paraît rattacher le christianisme actuel au christianisme primitif.

Ce point fondamental réglé, revenons aux propositions communément admises par les théologiens sur le développement du dogme.

4° Ceux à qui l’Evangile a été suffisamment proposé sont tenus à l’adhésion au christianisme : ce qui ne va pas sans l’adhésion explicite aux principaiix articles, à quelques propositions révélées de Dieu.

5° L’objet de la foi chrétienne n’a reçu aucun accroissement objectif depuis la mort du dernier des apôtres. La révélation qui s’adresse et s’impose à tous a été close avec l’âge apostolique. L’objet multiple de la foi a été constitué, une fois pour toutes, par la révélation faite par le Fils dans la plénitude des temps, et par l’enseignement du Saint-Esprit aux apôtres. L’objet de notre foi est donc int’nriable. Et c’est la raison pour laquelle l’Eglise a condamné