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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/341

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MODERNISME

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catholiques protestalaires (excommuniés ou ])rêls à èlre des prosélytes) — telle est la clillîcuUé prochaine à laquelle l’Eglise de Rome, représentée du moins par ses gouvernants actuels, doit se résigner. Jusqu’au jour où elle aura enfin appris que répo(iue de la coercition juridique et pb^-sicpieest pourjuuiais passée ; où elle saura enfin que l’intelligence ne peut être contrôlée que dans la mesure où ses lois et ses droits sont respectés ; où elle comprendra comuieiit l’amour et l’obéissance doivent être libres — ou ne pas être ; où elle reconnaîtra que les victoires spirituelles doivent être gagnées par des armes spirituelles, non par l’épée de la coercition juridique et physique. » [L’excommunication salutaire (Gramme lievue, 10 oct. 1907, pp. 6’jo-672). La direction de la Jlpvuc avertit par une note placée en tête de l’article (p.061), que ces pages ont été écrites par M. Tyrrell — alors le P. Tyrrell — le 18 mai igoiJ.J

Les Italiens sont moins violents, mais non moins décidés : « L’autorité ecclésiastique, écrivent-ils, nous arrête brusquement dans notre chemin, et condamne notre travail. Eh bien, nous nous sentons le devoir de lui l’aire une amoureuse violence, le devoir de défendre, àquelque prix que ce soit, la tradition catholique dont elle a la garde, et cela d’une manière qui pourra mériter pour un temps les condamnations de l’autorité, mais qui, nous en sommes certains, linira par prévaloir, pour son propre avantage. » (// programma, p. 182.) Cf. ib., p. II : « Par une série de circonstances, qu’il est inutile d’analyser, les catholiques ont perdu le sens élémentaire de la responsabilité et de la dignité personnelle. Tous les actes de l’autorité suprèuie, au lieu de trouver chez eux l’hommage d’une soumission qui soit raisonnable, et par conséquent qui les juge, trouvent l’abandon inconscient des Irresponsables. »

Avant de revendiquer cette autonomie pour la religion, on l’avait réclamée pour la science, el, quelque illégitimes qu’elles fussent, ces réclamations étaient plus spécieuses, et pouvaient s’autoriser d’arguments plus plausibles : pendant bien des siècles, disait-on, on avait prétendu coordonner ou plutôt subordonner les vérités scientiliques à ce qu’on appelait les vérités révélées ; cette discipline n’avait abouti qu’à une contrainte violente, qui avait entravé l’essor de la science et compromis l’honnevir de la foi *. Désormais ces prétentions étaient condamnées ; ni le croyant n’avait le droit d’imposer cette sujétion, ni le savant de l’accepter ; quiconque voudrait travailler loyalement, sincèrement, scientiliquement, devrait le faire en pleine indépendance et liberté, sans parti pris dogmatique.

« La première condition du travail scientilique, 

écrivait M. Loisy, est la liberté. Le premier devoir du savant, catholique ou non, est la sincérité. L’auteur de V Evangile et l’Eglise avait traité des origines chrétiennes selon son droit d’historien, sous sa responsabilité personnelle. Il avoue ne posséder point, dans le ehélif répertoire de ses connaissances, 1 idée de la science approuvée par les supérieurs. » (Autour d’un petit livre, p. x)

Non moins que le contrôle extérieur de l’autorilé ecclésiastique, on déclina pour la science le contrôle de la foi. On lit remarquer d’abord quedeson propre aveu, la foi ne pouvait jamais être blessée par la vérité ; liés lors, qu’avait-on à craindre ? « La foi et la raison ne peuvent entrer en conflit ; c’est suint Thomas qui l’afGrme (C. G., i, f). Nous devons, sans

1. Le livre de M. A. While {.4 hhlory nf the warfarc of icience with theology in c/uistendunt. L"ndres, 18’.) ;  ;) n’est qu’une compilation sans critique : il a fait ])ourtant grande impression sur certains, en particulier sur Tyrrell (Througk Scylta and Charybdis, p. 200).

crainte, appliquer notre critique à l’élude de la religion, persuadés que si quelque élément de notre dogmatique doit tomber sous ses coups, c’est qu’elle n’appartenait point à la substance de la foi religieuse. )) (// programma, p. -j^) Cet argument, bien qu’on y insiste avec couiplaisance’, est manifestement illusoire, et je doute qu’il ait persuadé ses auteurs eux-mêmes : quelque estime qu’on ait pour la science, on ne peut la tenir pour infaillible ; on sait que les meilleures intentions el même les meilleures méthodes ne peuvent pas toujours nous préserver de l’erreur, et que par conséquent il peut se produire des conflits entre les vérités révélées et les conclusions de la science.

Aussi a-t-on recours à un argument plus radical, qui supprime la possibilité même de tout conllil : la foi sera regardée comme indépendante des conceptions intellectuelles, et par conséquent comme hors de la portée de la science. « Puisque la religion, dit M. Gebert, est une forme des relations du sentiment et de la volonté, et, par conséquent, appartient à l’activité pratique de la conscience, elle ne peut èlre aucunement intéressée par les résultats des recherches de la science libre, les produits de l’activité tliéorétique, quels qu’ils puissent être d’ailleurs. » (KailioUscker Glaube, p. jS) b Les modernistes, dit le manifeste italien, en plein accord avec la psychologie contemporaine, distinguentnellementlaseience de la foi. Les démarches de l’esprit qui aboutissent à l’une et à l’autre leur semblent entièrement étrangères et indépendantes entre elles. Ceci est pour nous un principe fondamental. La servitude prétendue à laquelle nous réduirions la science vis-à-vis de la foi est un non-sens. > (P. 121) Et plus bas : « Nous avons acquis la conviction que la parole de la science la plus révolutionnaire ne peut en aucune façon attaquer les alTirmalions de la foi religieuse, parce que les démarches de l’esprit, d’où la foi et la science procèdent respectivement, sont indépendantes entre elles, et se développent d’après une logique entièrement différente. » (P. 132)

Ces principes sont très graves, car ils impliquent l’adhésion à toute une philosophie religieuse et en étendent l’action à toutes les recherches ultérieures. Les auteurs du manifeste iirotestent, au début, de leur pleine indépendance vis-à-vis des théories métaphysiques ; ils prétendent avoir entrepris et poursuivi leurs recherches scientiliques, libres de toute concepLion a pri-jri ; la philosophie religieuse, à laquelle ils adhèrent, a été la conclusion de leurs travaux, non leur point de départ. Et voici cependant que leur méthode de travail est dominée tout entière par des jjostulals philosophiques.

Cette constatation ne fait que confirmer ce que tant d’autres indices démontraient déjà : c’est que la critique philosophique a eu sur le mouvement moderniste une influence plus décisive encore que la critique exégétique et historique, et que c’est la philosophie religieuse qui a donné aux exégètes et aux historiens les principes fondamentaux de leur méthode.

L’ancien doyen de la Faculté de théologie proies- : tante de Paris, A. Sabatier, l’écrivain français qui a le plus ellicacement répandu et accrédité ces thèses dans les milieux catholiques et protestants, écrivait dans son Esquisse : a Les esprits qui pensent se

1. Ib., p. 108 : « N’est-ce pas un axiome reconnu parmi les théoloffiens. que la foi ne peut contredire la science parce que l’une et l’autre sont des rayons d’une même lumière initiale. Dieu ? En parlant ainsi, on ne veut pas dire naturellement que l’harmonie n’existe qu’entre la foi et une science ad usum delphini : ce serait une offense à la véracité divine, i)