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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/349

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MODERNISME

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De là, cette thèse, si tristement soutenue par Tyrrell et par les auteurs du Programme, de

« l’excommunication salutaire » : « Non seulement

l’excommunication a été dépouillée de la plupart des terreurs du moyen àg : e, terreurs temporelles et spirituelles, mais encore, lorsque des raisons de conscience l’ont motivée, le sacritice qu’elle impose la rend en quelque sorte séduisante pour les coeurs héroïques et honorable aux yeux du petit nombre dont, en définitive, le jugement seul nous préoccupe ; elle est un baptême de feu, un moyen de sanctilication pour l’homme pieux..Te dirai plus, les circonstances au milieu desquelles se débat acluellement l’Eglise sont telles que préférer souffrir l’excommunication plutôt que de se rétracter, devient un devoir strict pour un nombre croissant de catholiques plus intelligents et plus sincères, sans parler du nombre considérable de ceux qui, tout disposés à être des prosélytes, admettent avec certaines réserves indispensables les droits de la communion romaine à leur soumission totale. » (^Grande Revue, lo oct. 1907, p. 666)

Ch. in. — Les conséquences religieuses du modernisme. — Ce que nous venons d’exposer fait déjà pressentir assez clairement les conséquences du système. Je crois cependant qu’il ne sera point inutile d’y insister davantage ; les modernistes se méûenl volontiers de la logique, mais aiment à juger les arbres d’après leurs fruits. Les auteurs du manifeste italien nous conviaient à cet examen, et profitant de l’anonymat qui couvre leur modestie, ils nous disaient (p. iSg) qu’ils « avaient conscience d'être les plus méritants parmi les promoteurs du règne du Christ dans le monde », « les fils les plus dévoués et les plus actifs de l’Eglise », les représentants « des plus pures traditions chrétiennes. »

Il est fort délicat de poursuivre la discussion sur ce terrain ; et s’il fallait juger au fond la valeur morale et religieuse des auteurs que je combats, j’y renoncerais simplement. Le pape, au début de son encyclique, a soin de réserver au jugement de Dieu les intentions des modernistes ; une semblable réserve m’est plus nécessaire encore ; il me semble cependant qu’elle me laisse le droit de critiquer franchement les attitudes extérieures et de montrer, si je le puis, que les doctrines modernistes vont à ruiner la vie chrétienne.

Et tout d’abord, on est surpris et peiné, en lisant ces publications, d’y trouver si souvent le A’un sitm siciit ceteri hominum. Les modernistes se donnent comme « les plus intelligents et les plus cultivés >,

« les plus ardemment sincères, les plus désintéressés », « les plus profondément religieux et évangéliqucs », etc. On est peu habitué à trouver ces expressions sur les lèvres des vrais réformateurs catholiques, de saint Bernard, par exemple, ou de saint

François d’Assise.

Mais ce qui choque plus que ces litanies un peu naïves, c’est l’esprit de caste, c’est la préférence donnée au jugement d’un petit groupe d’intellectuels plutôt qu’aux décisions de la hiérarchie et au sens chrétien du peuple fidèle. On nous dit que le catholicisme large, — celui d’Erasme', — « a toujours été rcpré 1. Je ne puis ra’empêcher de relever cet appela Erasme, qui revient si souvent sous la plume de certains modernistes. C’est une grande tristesse de voir l’auteur de tfarf/ sayiriî^s et de A’oca et Vetera ; se réclamer plus tard d'Érasme et de Coict, comme des ancêtres de sa vie chi-étienne (Cf. le Times du 1"' octobre 1907) ; ce n’en est pas une moindre de voir son accent, naguère si vraiment et si profondément religieux, devenu, sous l’empire des tendances modernistes, si amer, si âpre, et parfois si violent.

sente par une minorité faible et opprimée, et stigmatisé par la masse. On peut dire la même chose des prophcles d’Israël et des pionniers du progrès dans toutes les manifestations de la vie humaine. Ils ne prétendent pas représenter la masse ni parler en son nom. Ils prétendent pénétrer plus profondément l’esprit de l’Eglise, discerner plus clairement ce qu’il renferme implicitement, prévoir plus distinctement ses développements futurs, et par conséquent non seulementégaler, mais dépasser la fidélité de la niasse à l’Esprit du Christ, qu’elle n’incarne qu’imparfaitement. » (TvRaELL, 'J’Iiraii^h ScjUa and Cltarylidis, p. 19) Et ailleurs : « Quand il est clair qu’une cro3'ance opposée (aux croyances traditionnelles) gagne du terrain de telle sorte qu’elle représente le a consensus i> de l’avenir ; quand différents penseurs arrivent simultanémentet indépendamment à la même conclusion, on peut et parfois on doit suivre la croyance qui vit dans l’esprit (quelque faible que soit le nombre de ses défenseurs) plutôt que celle qui dort dans la formule (quelle que soitla multitude de ses adhérents passifs). » (/b., p. 369)

Il est facile de voir combien cette règle est décevante : quand le même courant philosophique entraîne partout les esprits aux mêmes négations, il n est pas surprenant que « différents penseurs arrivent simultanément et indépendamment à la même conclusion » ; il est un peu gratuit de voir dans cet accord un signe de l’action. du Saint-Esprit et un présage de la foi de demain. Quant à cette confiance dans une élite de penseurs et à ce mépris de la masse chrétienne, on a le droit de le trouver peu catholique et d’y reconnaître un écho de cette parole pharisaïqne que nous rapporte l’Evangile : « Turba liæc, quae non novit legem, maledicti sunt. » Le catholique n’a ni cet engouement, ni ces dédains ; il ne reconnaît ici-bas que deux règles de foi assurées, les décisions de l’autorité doctrinale et le sens du peuple chrétien ; il aime à redire, après saint Paulin de Noie : « De omnium ûdelium ore pendeamiis, quia in omncm fidelem Spiritus Del spirat. » (Epist. xxiii, 26 ; P. L., LXl, 381).

Les modernistes nous répètent encore qu’ils sont les seuls loyaux parmi les savants catholiques et les seuls sincères ; et vraiment nous sommes las de ces plaidoyers pour la sincérité, si souvent colportés dans des publications clandestines, ou répandus dans des brochures anonjones ou pseudonymes. Il faut discuter à fond cette question et voir où on nous conduit sous prétexte de sincérité.

On veut, dit-on, travailler sans parti pris, et l’on entend par là, sans contrôle dogmatique, sans souci de la règle de foi ; et il arrive ainsi souvent que, les données historiques ou exégétiques étant insuffisantes ou la méthode fautive, on est conduit à un résultat que la foi ne peut accepter ; et alors, si l’on s’obstine dans cette voie, ou bien la foi cède ou bien elle ne se maintient que par inconséquence ; et, au bout de ces démarches que l’on croyait seules sincères et seules probes, on se trouve acculé à cette position éminemment insincère du savant qui nie au nom de la science les mêmes faits qu’il professe comme chrétien, et qui travaille à contresens du credo qu’il répète.

Un tel conilit est trop douloureux pour pouvoir durer longtemps. Entre les deux conceptions contradictoires, celle de la croyance et celle de la science, il faut que l’une succombe, et si c’est la croyance, que devient la foi ? A cette question angoissante, des

(>tte transformation, dont on pourrait citer d’autres exemples, est UD grave avertissement pour ceux « lui veulent discerner la portée religieuse de ce mouvement.