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MONISME

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dans la revue américaine « The Monist », il parait exprimer avant tout, sinon exclusivement, une tendance logique ou doctrinale, visant à la conciliation des dilTcrenls ordres de vérités. — Parfois cnlin il s’emploie, avec une signilication tout à fait limitée, pour l’unité d’explication d’une seule catégorie de faits ou d’idées ; c’est ainsi que certains auteurs parlent de monisme esthétique ou moral.

Dans ce second sens, le monisme, réserve faite, liien entendu, d’interprétations exagérées ou inadmissililes, est en lui-même exempt d’erreur : la réduction de nos connaissances à une unité logique toujours plus parfaite est en effet un besoin de notre intelligence et a son fondement, nous l’expliquerons plus loin, dans l’harmonie des choses.

3) Le jilus souvent, le motestpris dans son sens absolu et naturel pour caractériser les seules philosophies rigoureusement unitaires ; mais, même en ce cas, il reste susceptible d’une double signilication, qu’il importe de distinguer :

a) Quelques auteurs, en elïet, corameleP.F. Klimkb, S. J., dans son ouvrage l)er Moniamus und seine pliilosopinschen G naid lu gcii (if rUiourg, llcrder, igi l), appliquent le nom de miiriisme tunique ou monisme de la connaissance à toute théorie qui, se cantonnant dans le problème crilériologiqup, poursuit une méthode universelle capable d’aboutir à une conception strictement une du donné. Dans la pratique, assez généralement ce monisme de la connaissance en vient à se confondre avec l’une ou l’autre forme de la méthode dite d’I.MMANiîNCE (voir ce mot. Tome II, col. 56g et 679).

Sans doute, la conséquence possible et même parfois le but avoué de celle tentative est de transporter à la réalité elle-même le procédé et le résultat de l’unification mentale, ou plus exactement, suivant le postulat subjectiviste, d’identifier cette réalité avec la représentation que s’en forme la conscience ; c’est à cette identification que semble tendre entre autres, nous aurons à y insister plus loin, le V)^ Ludwig Stein dans son Dualismus oder Monismus ? (Berlin, ReichI, 1909) Mais, comme on peut le voir à l’article indiqué (col. 696), le monisme de la connaissance n’est pas de lui-même nécessairement exclusif du dualisme ou du pluralisme objectif. Quoi qu’il en soit, les difficultés auxquelles il se heurte sous ses multiples formes sont suflisamment exposées dans les discussions consacrées au problème de la connaissance, spécialement aux mots Idkalismh, Immanence, Positivisme, Sensualisme. Dans la mesure d’ailleurs où le monisme logique a pour but avoué d’appuyer la négation de Dieu, nous aurons à l’exposer brièvement et à l’exclure dans le paragraphe consacré plus loin à la réfutation générale.

h) EnGn et surtout le monisme sert à désigner la doctrine métaphysique qui professe l’unité ontologique de tous les êtres sans exception : c’est là le sens le plus rationnel du mot, le plus fréquent aussi et le seul que nous ayons à retenir dans cet article.

A le prendre dans la rigueur de cette dernière signification, il devrait être réservé à la seule philosophie assez audacieuse pour prétendre réduire toutes les réalités à l’identité absolue. Sous cette forme, le monisme n’est que la transposition illégitime de l’unité purement logique de l’être abstrait à l’ordre de l’existence actuelle et, loin de constituer une nouveauté, il a reçu dès le v" siècle avant J.-C. sa formule la plus étroite : c’est le système de Pah.MÉ.NiuE, ou plutôt de Mklissus, le véritable inventeur du monisme transcendantal, comme l’a montré Paul Tanneuy (Revue philosiiphifjue, 1887, t. II, p. 75).

Sans entrer dans le détail des contradictions

impliquées dans une telle interprétation de la réalité, notons seulement qu’elle se heurte au témoignage formel de la conscience : tout homme porte en lui-même l’indéniable conviction de sa personnalité et elle lui sullità distinguer essentiellement son être de tous les êtres, raisonnables ou non, vivants ou inorganiques, qui l’entourent.

II. Monisme moderne ; ses rapports avec l’athéisme et le panthéisme. — Aussi le monisme ontologique a-t-il d ordinaire aujourd’hui une signification moins rigoureuse : sans nier la distinction, au moins jihénoménale, des choses actuellement existantes, il lente de les expliquer toutes par l’évolution aussi lente que fatale d’un seul principe éternel et nécessaire. C’est dire que le nouveau monisme, non plus que celui des Eléates, ne se distingue guère que par son nom du panlliéisme proprement dit et même de l’athéisme. N’est-il pas logique d’ailleurs qu’une métaphysique amenée à refuser à la seule réalité qu’elle reconnaisse les attributs implicitement renfermés dans le concept de Dieu, sauf la nécessité de son existence éternelle, bannisse du titre qu’elle adopte tout vestige du nom divin ?

Autrement dit, tandis que I’athéisme, d’après son étyniologie même (voir ce mot) est une erreur essentiellement négative, attaquant directement la légitimité de la notion du Divin et battant surtout en brèche l’existence d’un Dieu Créateur et Providence, le monisme, sans se proclamer toujours ouvertement athée, vise au même but par prélérilion, en se faisant fort de trouver dans le monde lui-même l’explication dernière des choses et de leur harmonieuse diversité.

Il est plus dillicile, au moins dans la plupart des cas, de discerner les syslcnics strictement monistes des doctrines communément appelées panthéistes. Ces dernières, il est vrai, gardent, ne fût-ce que dans leur nom, trace du Divin et prennent de ce fait une certaine teinte religieuse étrangère aux premiers. Sans conteste possible, pour ce motif et pour d’autres encore peut-êlre, la philosophie de Spinoza est un panthéisme, tandis que l’interprétation du monde d’un Hæckelou d’un Fouillée n’est qu’un monisme. Mais sous quelle étiquette ranger finalement la

« théologie » ondoyante d’un Vaciierot ou d’un

Henan, le volontarisme d’un ScHorENHAUEn ou d’un Hartmann, l’hégélianisme lui-même ? Bon nombre de doctrines dites [lanthéistes ne conservent vraisemblablement aujourd’hui leur état-civil que pour l’avoir refu avant l’apparition du terme de monisme, postérieur de deux siècles à son rival.

Quoi qu’il en soit, la ligne de partage entre ces deux classes de systèmes qui s’accordent à rejeter un Dieu distinct du monde reste forcément plus ou moins arbitraire et dépend surtout du point de vue auquel ils sont envisagés. On s’est donc cru autorisé, pour délimiter la matière de l’article sur le monisme, à faire état moins de l’emploi ordinaire et restreint du mot, que de la plénitude de son sens naturel, llenvoyant au terme Panthéisme les seules théories qui ont la prétention de partir de l’Etre nécessaire, sous quelque nom d’ailleurs qu’elles le désignent — Dieu, l’Infini, le Moi, l’Absolu, la Volonté, l’Inconscient, etc., — pour en déduire, grâce à l’hypothèse d’une émanation ou d’une évolution, la totalité des choses, nous étendrons, dans les pages qui suivent, notre étude à tous les systèmes, abstraction faite de leur qualification la plus usuelle, qui veulent au contraire trouver dans le monde lui-même la raison dernière de toute sa réalité. Bref, si on nous passe cette formule un peu simpliste, mais qui, mieux que