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MONISME

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individuelles, les autres inlcUeetuelles et impersonnelles I) (bulletin de la Société française de pliilonophie, Vocabulaire, au mot Idéalisme ; observations de M. Laclielier, p. 30/S).

Nous le reconnaissons cependant volontiers, il est rare tpie l’idéalisme, soit objectif, soit subjectif.revèle la forme strictement moniste ; la plupart des auteurs, même modernes, qui s’efl’orcent de tout réduire au phénomène mental, comme l’Allemand Rudolf-Hermann Lotze (1817-1881), le Suisse Charles Secrktan (1815-1895), Ravaisson, m. LACHEUKn, Charles ReNouvrER (1815-1903), pour ne citer que les principaux, font place dans leur motaphysi( : [ue à un Dieu plus ou moins personnel, quantà l’idéalisme transoendantal et aux conceptions qui s’en rapprochent, on s’accorde à les considérer plutôt crmme des formes du panthéisme éiuliiti/ (voir au mot Panthkismk). Notons entin que noudjre d’idéalistes se sont beaucoup moins préoccupés du problème des origines que de questions pyschologiques, morales, esthétiques ou même sociales, et aussi que le nom divin, généralement conservé par eux, semble bien, chez plusieurs, ne recouvrir qu’un idéal sans réalité ou une pure abstraction. Contentons-nous de citer, à titre d’exemples plus caractéristiques, tout d’abord EjiEHsoN.qui n’est jamais parvenu à se faire une conviction sur la vraie nature de cet « éternel Un, qu’il appelait l’Esprit » (The Oi’er-Soul — voir ouv. cité, p. 136, s.) ; puis le Russe Afrikan Spir (183'j-1890), pour qui Dieu n’est en aucune manière « le créateur supposé de la nature », mais seulement » la nature normale des choses opposée à leur nature phjsiique » (Esquisse de philosophie critique, Alcan, 1887, p. /(6) ; enlin Jean-Jacques Gourd (1860-1909), né en France, mais professeur, durant les trente dernières années de sa vie, à l’Université de Genève, où il avait succédé à Araiel ; son essai sur L/^s trois dicileciiques (Genève, Georg, 1897) et surtout un ouvrage posthume. Philosophie de la religion (lcan, 1911)nous livrent, sur la religion et sur la divinité, les pensées dcliuitives de ce phénoménisle impénitent qui avait dans sa jeunesse soutenu devant la Faculté de Théologie de Genève une thèse sur la Foi en Dieu. Pour lui, la religion n’est plus que « la fonction de l’imprévisible, de l’indépendant, de l’incoordonnable » {Phil. de la rel., p. 262), de cet incoordonnahle, de ce hors la loi que la science et la philosophie laissent en dehors de leur domaine. Quant à Dieu, qu’on l’envisage tour à tour comme immanent, comme transcendant ou comme personnel, toujours sa notion « nous représente un vaste sjstème de hors la loi striés, concentrés, personnalisés » (ib., p. 301) : le Dieu immanent, c’est l’ensemble des manifestations de l’incoordonnable, données dans le monde ; le Dieu transcendant n’est qu' « un centre lumineux systématisant nos espérances et nos consolations possibles » (ib., p. 283) ; enOn, pour avoir le Dieupersonnel, il suflira de choisir parmi les hors la loi un symbole plus saisissant que les autres, le Christ par exemple, qui concentre en lui-même idéalement à la fois les incoordonnables concrets de toutes les religions et les divers traits que nous prêtons au Dieu transcendant.

Nous ne nous attarderons pas à réfuter cette forme subjeclivis'.e du monisme contemporain : outre les objections insolubles soulevées, nous le montrerons plus loin, par l’hypothèse de l'évolution immanente, fut-elle purement de nature mentale, elle n'échappe à aucune des contradictions de I’Idhalisiwe (voir ce mot).

V. Monisme spiritualiste. — A. — Ces deux mots, d’après les idées qu’ils éveillent d’ordinaire, paraissent

mutuellement s’exclure et il semble que, moins encore que l’idéalisme, le spiritualisme puisse faire abstraction d’un Dieu personnel. De fait, le représentant le plus qualilié de cette nouvelle forme de monisme, mienne VACHEitor (1809-1897), a protesté avec indignation contre le reproche d’athéisme qu’on lui avait adressé, » ce mot odieux » (c’est l’expression qu’il emploie en 1851 dans une réponse au journal rt’niier.v) supposant un grossier matérialisme qui a répudié tout idéal. Toutefois, si matérialisme et athéisme vont logiquement de pair, il n’en est pas moins vrai que, pour croire en Dieu, il ne sulfit pas de le proclamer « le plus grand mol des langues humaines » (Vacherot, Le Nouveau Spiritualisme, Paris, Hachette, 1884, p. 187), en ne voyant au surplus derrière ce mot qu’une création de la pensée ; de même que, pour croire à l'àme, il ne suffit pas de décorer de ce beau nom l’ensemble des harmonies de la matière vivante. Aussi l'éclectisme spiritualiste de Vacherot, en dépit des dénégations de l’auteur, en dépit aussi d’une évolution marquée au sujet de l’idée de Dieu, indéniable dans ses écrits, n’a jamais, nous allons le voir, fait qu’osciller entre le panthéisme et le monisme.

Dans son Histoire critique de l'école d’Alexandrie (Paris, Ladrange, 1846) qui eut tant de i-etentissement, il n’avait guère fait que s’inspirer, au sujet de Dieu, des formules plus ou moins panthéistiques de son maître Victor Cousin, ou même les reproduire presque textuellement : « Il est tout aussi impossible, y affirmait il, de concevoir Dieu sans le monde que le inonde sans Dieu » (t. Ill, p. 29a). « Toute raison libre et saine, ajoutait-il plus loin (p. zgS), voit en Dieu l’Etre universel ; danslemonde étemel et infini, la totalité de ses manifestations individuelles ; dans le rapport du monde à Dieu, l’identité substantielle de l’universel et des individus, de l’idéal et de la réalité. Elle ne conçoit point la création comme l'émanation d’une substance surabondante, ni comme l'œuvre libre d’un Démiurge organisant une matière préexistante, mais comme l’acte nécessaire, immanent, éternel d’une cause infinie. » Déjà, remarquonsle, dans l'énoncé et surtout dans l’interprétation de ces formules, Vacherot se rapproche plus de la conception de Hegel que de celle de Plolin et de Cousin lui-même : non seulement la doctrine de l'émanation doit être abandonnée ; mais l'évolution de Dieu dans le monde n’est plus, selon lui, comme dans le panthéisme alexandrin, une procession et une déchéance ; c’est au contraire, conformément au principe hégélien « un progrès continu, de l'être infime à l'être par excellence, de la matière à l’esprit pur, à l’intelligence » (p. 328) ; c’est qu’en efTet « la loi de l'être est de monter, non de descendre, de se perfectionner, non de se dégrader » (p. 329) ; on saisit déjà, sous la généralité des expressions, une ébauche de monisme évolutif.

L’ouvrage le plus important de Vacherot, La Métaphysique et la Science (Paris, Cliamerot, 1858), développe sur la notion de Dieu un exposé tout nouveau et entièrement personnel, clairement résumé dans ces quelques phrases : « S’obstiner à réunir sur un même sujet la perfection et la réalité, c’est se condamner aux contradictions lesplus palpables… Un Dieu parfait ou un Dieu réel : il faut que la théologie choisisse. Le Dieu parfait n’est qu’un idéal ; mais c’est encore, comme tel, le plus digne objet de la théologie : car qui dit idéal, dit la plus hante et la plus pure vérité. Quant au Dieu réel, il vit, il se développe dans l’immensité de l’espace et dans l'éternité du temps ; il nous apparaît sous la variété infinie des formes qui le manifestent : c’est le Cosmos » (t. H, p. 54/1). Plus de doute cette fois : la théologie de l’auteur, quoiqu’il s’en défende, n’estqu’un pur monisme.