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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/48

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MAHOMET

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il n’y a pas de preuve digne de foi qu’ils aient coopéré activement avec eux (v. Caf.tani, Annali deW Jslam, I, 627 sq.). Le jiropliète les lit massacrer alin qu’ils ne pussent pas accroître le nombre de ses ennemis à Khailiar. En 7 A. H., les Juifs de Khaibar étaient attaqués, sans aucun prétexte d’offense de leur part. Ils furent réduits, mais obtinrent cependant de garder leurs terres à la condition de donner cbaque année aux conquérants la moitié des produits. Le reste des Juifs, de Fadak Tainià et Wàdi’l Qurâ. furent soumis la même année. Ce fut un trait saillant de ces attaques que, généralement, elles étaient précédées de l’assassinat de Juifs notables par les émissaires du prophète, et suivies de lintrodaction de quelque riche veuve juive dans le harem de Mahomet.

Nous ne ferons qu’indiquer les différentes étapes des guerres de Mahomet contre les Arabes après Badr. Les Quraish eurent leur revanche à Uliud, l’année d’après, mais ils ne surent pas s’assurer une victoire complète. Le prophète eut amplement le temps de se ressaisir et d’étendre son iniluence parmi les tribus avoisinantes. L’attaque de Mcdine en l’an 5 A. H. fut un échec complet. L’année suivante fut marquée par le Irailé de Iludaibiyya. Par ce traité, la position de Mahomet fut reconnue par ses ennemis de la Mecque. Le pèlerinage qu’il lit en 7 A. H. augmenta tellement son prestige que la Mecque se rendit, sans coup férir, un an plus tard, à son armée envahissante. L’indulgence du vainqueur et sa générosité magnanime envers les vaincus doivent être attribuées moins à un profond sentiment de miséricorde ou d’affection, qu’à son désir de rallier autour de lui ses concitoyens matérialistes. Il n’est pas étrange que la faveur excessive témoignée à ces « ennemis d’Allah », stiperliciellement convertis, ait étonné et vexé les alliés de Médine. La chute de la Mecque fut suivie de la victoire de Hunain qui décida du sort de r.rabie centrale. Les traditions parlent d’ambassades subséquentes à des princes étrangers, pour leur demander soumission à Mahomet et acceptation de l’Islamisme ; mais on doit les tenir pour apocryphes. Ces traditions sont le résultat d’une tentative tendant à rapporter à cette période du début les tendances universalistes de l’islamisme ultérieur. L’horizon visuel de Mahomet était trop étroit pour lui suggérer une si folle aventure, sa prudence trop grande pour la lui permettre (v. GRiM » iE, A/o/iammerf 1, 122- 126 ; Gabta.ni. Annali, 1, 725 sq). L’Arabie du Sud se soumit l’année suivante. Et ainsi, lorsque Mahomet mourut paisiblement à Médine en 682, il avait accompli l’œuvre de sa vie : courtier l’.^rabie entière, extérieurement du moins, sotis le joug de l’Islam.

V. Caractère de Mahomet. — La grandequestion, qui se présente la première à qui examine le caractère de Mahomet, est de savoir s’il était réellement convaincu de la divinité de sa mission. Actuellement on répond en général par l’allirmative. « Abu’l-Qàsim (surnom de Mahomet) s’est cru, à la suite de songes, appelé à travailler au relèvement moral de ses compatriotes. Et cette conviction, rien n’autorise à en suspecter la bonne foi. » (Lammens, Mahomet fui-il sincère ? p. 31.) Mieux nous connaîtrons les meilleures biographies de Mahomet et la pure source qui nous livre son esprit, le Coran, plus fermement nous serons convaincus que Mahomet a cru intérieurement à la vérité de sa vocation à remplacer le culte idolàtrlque des Arabes par une religion plus haiite et béatifiante. » (Schwally, Geschichte des Qorans, I, p. 3.) « Nous ne doutons pas — et nous soutenonsque tout étudiant impartial de l’Islam sera

de notre avis — que Mahomet a été honnête et sincère dans le début et qu’il fut poussé, au commencement, par des motifs vraiment désintéressés et par le dessein élevé d’améliorer les conditions morales et religieuses de ses compatriotes. » (Cabtani, Annali dell Islam, 1, 201.) La raison fondamentale de cette affirmation, c’est que Mahomet, sans conviction personnelle, n’aurait pas su inspirer à ses premiers compagnons,.Vrabes tiers et intéressés, une conviction tellement sincèi’e, qu’elle leur a fait abandonner richesse, parents, patrie, et s’associer avec des pauvres et des esclaves, conviction tellement persévérante qu’elle ne leur a pas fait défaut pendant de longues années, alors que le ciel donnait le démenti aux promesses et aux menaces de leur prophète, qui ne se faisait valoir que par son rôle de simple messager, n’étant ni devin ni sorcier ni poète. Ajoutez à cela le ton enthousiaste et sincère du prédicateur mecquois, sa persévérance courageuse en face de l’indifférence et de l’opposition de ses compatriotes et son caractère moral, encore pur — pour autant que nous le connaissons, bien entendu — des taches qui vont le souiller à Médine.

Prédicateur religieux convaincu, Mahomet ne fut pas socialiste. Mais si Grimme a exagéré — comme lui-même, d’ailleurs, l’a vite reconnu — lorstju’il dit : « L’Islam n’est entré d’aucune façon dans la vie comme système religieux, mais comme essai social pour combattre certains abus matériels qui prévalaient alors » (Maliammed, t. I, p. 1^, cf. 11, p. 13y), il a, pourtant, rendu un grand service à la science en appelant l’attention des savants sur la nature sociale de la première prédication de Mahomet. Et malgré le fait que quelques islamisants très en vue passent volontiers sous silence cet aspect de l’Islam naissant, d’autres, cependant, de la plus grande autorité — Lammkns, Cætani, M. Hartmann, Hirschfei.d, MAitdoi.iouTii — reconnaissent pleinement que des considérations économifiues ontexercé une influence considérable sur la première prédication de Mahomet, sans, cependant, en expliquer l’origine ni lui enlever son caractère religieux. En somme, le prophète se servait des conditions sociales pour promouvoir son programme religieux, plutôt que de son programme religieux pour améliorer les conditions sociales.

Comment donc expliquer le fait que Mahomet se soit cru chargé d’une mission divine ? Lui-même, dans le Coran, parle d’une première vision, dans laquelle sa vocation lui a été communiquée, et d’une seconde, dans laquelle elle a été confirmée. Or, s’il a été sincère au commencement, comme nous le croyons, il est improbable que ces visions aient été fictives. Mais expliquons-les comme nous voudrons, ou par des hallucinations — c’est l’opinion générale — ou par des phénomènes semblables au /Ifoc /iengespenst, projection de soi-même déterminée par certaines conditions topographiques et atmosphériques — c’est la théorie de M. de Goeje (Die Reriifiing Mohammeds, Orientalische Studien Th. AOldehe geti’idiiiel. I. pp. 1-5) —, elles ne rendent pas compte du contenu coranique.

Cætani, se basant sur les études de Goldziher, croit tout expliquer par l’inspiration poétique (Annali deW Islam, I, pp. 189-201 ; II. I, pp. ^6^-4^6). Selon lui, tout le monde au temps de Mahomet croyait les poètes inspirés par les Djinn. C’est i)Ourquoi tous ses contemporains l’aiipelaient poète, tous le croyaient inspiré, du moins, par un esprit mauvais, tous, sans exception, refusèrent de l’accuser d’imposture. Le prophète lui-même, partagea la croyance générale, mais il fut persuadé, par la nature même de ses expériences religieuses, que