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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/532

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NAF ALITÉ

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s’inspirait de la menace du prophèle dad au roi David (Il /l’ois, XXIV, 12 et 13).

Bref, conclut-il, si la misère est si intense, c’est parce que, à côté des obstacles préventifs vicieux qu’il faut toujours combattre, on lailoulaisse fonctionner les obslacles répressifs dont cette ndsère fait elle-même panie. Alors il faut que l’on en vienne aux obstacles préventifs raisonnables, c’est-à-dire à la prudence dans la formation et l’usage de l’union conjugale. Notons en passant que le fameux agronome anglais Arthur You^< ; , parcourant la France de 1787 à l’jgo, avait pareillement allirmé que « la France aurait été plus puissante et plus llorissante, si elle avait eu 5 ou 6 millions d’habitants de moins’i. (Arthur YoUNC, Vuyugcs en France, Paris, 179^, an II delà République, t. ii, p. 215etsuiv. — /(em, p. a^) Avec cela.Malthus est un phi ! anthro[ie : il voudrait voir monter les salaires et surtout leur taux réel, et il ferait bon marché d’une réduction des exportations anglaises, s’il ne fallait que cela pour que les ouvriers anglais fussent mieux nourris, mieux velus et mieux logés (/^/iVicipes d’économie politique, éd. Guillauiuin, p. 361).

II. Valeur scientifique de la théorie de Malthus. - Quelle est la valeur scientifique de l’œuvre (le Malthus ? L’admiration a élé unanime au début, et l’on citera toujours ce conseiller aulique d’Allemagne, Weinhold.qui le félicitait d’avoir découvert des lois aussi importantes que celles de Newton.

Puis les contradicteurs ont surgi. Le principal d’entre eux a été l’Américain Henri-Charles Caiiev (1793-1879), qui, voyant tout le Far-West s’ouvrir aux trop-pleins du monde entier, démontrait heureusement les facilités croissantes de vie dont peut jouir une population de plus en plus dense. Enlin, et plus près de nous, le ralentissement considérable de la nalaliLé a impressionné très défavorablement la plupart des économistes contemporains, par exemple M. Levassedr, dans son traité de la Population française (l. III, ch. i, t. III) et M. Paul LeroylîBAULiKU, depuis son Essai sur ta réftartition des richesses, de 1881, jusqu’à son magistral Traité d’économie politique, de 1896, et sa Question de la population, ie 1910 (VU" partie, cli.i ; 2* édit., 1896, t. IV, p. 507 et s.). On donnait donc tort à Malthus.

Cependant, au point de vue purement rationnel et .Tbstraction faite d’une action particulière de la Providence, la thèscde Malthus paraitexacte. Si unepopulation double naturellement en un temps quelconque, la progression géométrique doit se poursuivre tout aussi naturellement ; et à su|)poser même que les subsistances puissent, de leur côté, se développer sans limites, quelque chose du moins ne grandira pas : ce sera l’espace, dont toutes choses, hommes, animaux et vé^jélaux, ont un égal besoin.

Là contre, il ne sert de rien d’objecter avec SistioNDi {youi’eaux principes d’économie politique, 1827, I. VII. ch. m) et le P. Liberatore, S. J. (Principes d’économie politique, 1889, ch. v, art. 2 ; tr. fr., p.i 15), qui s’inspire de lui, que les animaux et les végétaux, c’est-à-dire tous les êtres qui fournissent à l’homme des richesses infiniment renouvelables, ont une prolificité supérieure encore à la sienne, de telle sorte que la vie puisse ou doive être plus facile de génération en génération.

Peu importe enfin qu’une période de doublement par vingt-cinq ans soit trop courte : car il est bien clair qu’une humanité qui aurait doublé de nombre seulement par cinquante ans depuis le déluge n’aurait déjà plus l’espace nécessaire pour se tenir et à plus forte raison pour se nourrir et pour vivre. Le globe lui serait incontestablement trop petit.

— II n’en a pas élé ainsi, dira-t-on.

— Oui ; mais n’est-ce pas parce que les obstacles’ont fonctionné, vicieux ou raisonnables selon les milieux et les temps ? Alors, ce qui semble donner tort à Malthus^ peut tout aussi bien lui donner raison.

Ue fait, au xix" siècle, on n’a vu que dans l’île de Java une population doubler par vingt-cinq ans ; car les Etals-Unis, qui s’en sont rapprochés, ontfail un large appel à l’immigration ; en tout cas, si la richesse et les facilités d’existence y ont plus que doublé en vingt-cinq ans, il faut y tenir compte de l’immensité de l’espace et de l’accumulation des réserves naturelles du sous-sol, comme de circonstances exceptionnelles. Par ailleurs cependant — quoique, à vrai dire, la formule de Malthus paraisse toujours donner vingt-cinq ans de sécurité et que, sous ce rapport, elle ressemble trop à l’enseigne du barbier : Aujourd’hui l’on paye et demain, gratis a —, un homme de bon sens acceptera dillicilement que l’Inde anglaise puisse avoir 500 millions d’haliitants en njft/t, le Japon, 120, et la Chine, 800..insi, quoi qu’il arrive, l’événement justifiera toujours la première proposition de Malthus, si la population croît très rapidement, ou bien la seconde, si elle ne croit guère ou pas du tout, parce que, dans ce second cas, ce seront les obstaclesqui auront joué.

En résumé, pour que la thèse de Malthus fût démontrée fausse, il faudrait trouver d’autres lois nalurelles placées en dehors de ses formules.

On a cru en découvrir.

M. Lehoy-Beauliku, par exemple, se fait l’interprète de bien des économistes actuels, lorsqu’il donne ce titre à un des chapitres de son Traité : a La civilisation tend à diminuer graduellement la fécondité. » (Traité d’économie politique, Vil* partie, ch. Il ; 2’édit., 1896, t. IV, p. 572 et s. — Voj’ez aussi, du même auteur, la Question de la population, 1913, p. 93) El là serait la clef de la décroissance présente de la natalité dans tous les pays civilisés.

Mais pourquoi en serait-il ainsi ? Serait-ce l’effet de lois physiologiques, étrangères à toute action de la volonté ? La question est importante, pour quiconque veut apprécier au point de vue moral la diminution actuelle de la natalité, dans le monde entier pour ainsi dire. En ce premier sens, l’économiste italien Nitti croit résumer l’opinion commune, en concluant à la « loi entrevue par Donbleday et formulée par Spencer, à savoir que la genèse est en raison inverse de l’individuation ». (Population et système social, tr. fr., p. 282 et s.)

En réalité, il y a là deux formules différentes.

Pour DoL’HLKDAY, la répiétion — c’est-à-dire la suralimentation et la diminution des elTorts physiques — atténue la fécondité naturelle, comme on dira plus tard qu’elle diminue la supériorité relative H des croissances masculines : puis la dépléiion a des | elTets tout opposés. (Tlie true /i/ir 0/ population slnni’u to be connectée wit/i tlie food of the pcople, 184() Une loi providentielle, dit Doubledaj’, veut que la nature réagisse avec plus d’intensité lorsque des causes accidentelles menacent l’espèce de disparaître : ainsi l’arbre qui va mourir fructilie davantage, et les espèces animales les plus délicates et les plus faibles sont aussi les plus prolifiques. j

Autre est la théorie de Spe.nceh (développée dans’A tlieory of population produced from the gênerai laiv of animal fertililr, Westminster Revie^v l852), adoptée ouvertement par M. Charles Gidb (Principes d’économie politique, 4’éd., p. 3d2), mais heureusement contredite par M. de Felicb (Les Naissances en France, 1910, p. 118). Suivant Spencer, c’est le développement des qualités intellectuelles.