Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

97

MARIAGE ET DIVORCE

98

était facultative ou réservée au cas de stérilité. » (Commandant u’Ollo.nb, Chez les nomades du Tibet, dans Hevue des Deux Mondes du 15 février irjii, p. 850.)

D. Indissolubilité ou Divorce. — Le mariage, du simple point de vue de la loi naturelle, est-il vraiment indissoluble ? Ou bien peut-il être rompu, soit par consentement mutuel des deux époux, soit du moins par l’autorité souveraine de l’Etat ?

C’est la question la plus grave qui se pose au sujet du mariage, une des plus graves même dans tous les ordres d’idées, parce que d’elle dépendent les mœurset l’existence de la famille et, en lin décompte, de la société elle-même.

i) Le débat. — Les réponses sont contradictoires. La thèse du divorce a ses partisans, aussi bien que celle de l’indissolubilité. A l’appui de chacune on apporte, il faut bien le reconnaître, non pas seulement de purs sophismes, présentés avec habileté et passion, mais des raisons solides ; — assez solides pour ébranler d’excellents esprits, et leur faire avouer que l’indissolubilité du mariage tire uniquement son origine d’une loi positive divine.

2) La méthode de recherche. — A la base de cette incertitude, il y a tout d’abord, croyons-nous, un vice de méthode. On oublie qu’il ne sullit pas, surtout en matière de loi naturelle, d’avoir pour soi des raisons, même bonnes, pour avoir raison ; et inversement, qu’une thèse peut avoir contre soi des objections graves, sans cesser d’être certaine. Disons donc, dans la question présente, que la thèse du divorce peut avoir en sa faveur des arguments sérieux sans être cependant, tout compte fait, acceptable, légitime et conforme au bon ordre naturel. Et, de même, la loi de l’indissolubilité peut avoir et a, en effet, contre soi des arguments solides ; et cependant, on peut et on doit allirmer, nous le montrerons, qu’elle s’impose avec une vraie certitude.

Mais alors, par quelle voie arriver à une conclusion ferme, à travers cette opposition de raisons ?

Disons d’abord qu’il n’y a pas à chercher la solution dans la nature même du mariage considéré comme contrat né du consentement des parties. De ce point de vue, le mariage, ainsi que tout contrat bilatéral, prendrait Qn par la même cause qui lui a donné origine, par le libre consentement des parties. Mais ce n’est là qu’un point de vue inadéquat. Résoudre d’après lui seul le problème, c’est arriver fatalement à une conclusion fausse.

Le contrat de mariage n’est pas un contrat quelconque, laissé à l’initiative des contractants ; il est régi par la loi naturelle qui en détermine certaines clauses essentielles.

La loi naturelle, dans la matière présente, qu’estce à dire ? Nous appelons ici loi naturelle le régime, indissolubilité ou divorce, voulu par l’Auteur de la nature.

Ce régime, comment le reconnaître ? Non pas a priori, ni par une analyse d’idées, mais en cherchant quelle est la loi qui permet d’atteindre convenaljlement le bien proposé comme but de l’union matrimoniale. Chercher le meilleur régime, ce n’est pas rêver un régime qui ail, dans chaque cas particulier, tous les avantageset aucun inconvénient. Proclamer un régime meilleur, ce n’est pas déclarer que le régime opposé n’a pas, dans quelques cas particuliers, ses avantages ; peut-être même de plus grands avantages. Le régime normal ne se présente pas comme le régime parfait et le seul bon ; mais celui qui, en vue du bien essentiel à obtenir, offre une somme très notablement supérieure d’avantages, une somme très

Tome lu.

notablement inférieure d’inconvénients. Et c’est ce régime que l’on tient comme indiqué par la raison et imposé par l’Auteur de la nature.

De plus, ce régime, étant indiqué comme normal par la considération des résultats quil produit dans l’humanité prise en son ensemble, doit être envisagé, non pas comme une loi à modilier et adapter d’après les circonstances de chaque cas concret, mais comme la loi générale qui régit l’institution matrimoniale dans tous et chacun des cas.

Y aura-t-il lieu du moins, tout en établissant une loi générale pour l’ensemble, d’admettre des exceptions, quand une grave raison le demandera ? Oui, si cette exception peut s’accorder sans grave dommage pour la loi, et par conséquent pour le bien général qu’elle doit procurer ; non, si le principe même des exceptions possibles tend inévitablement à ruiner la loi et à compromettre le but capital poursuivi. En cette dernière hypothèse, la même nécessité qui impose la loi générale, proscrit impérieusement, au nom du bien commun, les exceptions particulières, incompatibles en fait avec la loi.

3) Application de la méthode. — Appliquons cette méthode à la recherche du régime matrimonial naturel.

Ce qui spécifie le contrat de mariage, ce qui en crée la raison d’être et doit en déterminer la loi, c’est sa finalité principale. Avanttout el par-dessus tou’, les relations matrimoniales ont été instituées pour lespèce humaine, puisque leur terme normal c’est l’enfant, puisque sans elles il n’est pas de génération possible. L intérêt capital engagé, celui dont la considération prime toute autre considération, c’est l’intérêt général de l’humanité, immédiatement représenté par l’enfant. Tout, dans le contrat matrimonial, doit être réglé, enpremierlieu, aumieux de l’intérêt souverain de l’enfant, de sa venue au monde, de sa conservation, de son éducation. Déterminer quelle est la condition indispensable de cet intérêt, c’est déterminer quelle doit être, d’après la nature même des choses, la loi fondamentale du mariage.

a) [.es motifs de l’indissolubilité. — Il est facile de voir que, en général, l’indissolubilité, en assurant la stabilité de la société familiale, favorise la procréalion sans restriction des enfants et qu’elle en assure l’éducation physique et morale. A la contre-épreuve, il n’est pas moinsaisé de montrer que, sous le régime du divorce, quand celui-ci rentrera dans les prévisionsordinaires, la crainleloujours menaçante d’une rupture à venir pèsera sans cesse sur les relations conjugales ; que prudence avisée et slérilité voulue iront de fronl ; que la fécondité sera due à peu près exclusivement aux illusions coniianles des débuts de l’union ou aune surprise.

Et le Jour où le divorce se produira dans la réalité, ce sera infailliblement au détriment de Tenlant. Plus d’éducation morale, puisque les parents seront irrémédiablement séparés. L’enfant demeurera ou douloureusement partagé de cœur entre son père et sa mère, ou bien, souvent, élevé par l’un dans la haine et le mépris de l’autre.

Pour les fins secondaires du mariage, liées à la vie en société, elles le sont dans la même mesure à l’indissolubilité de la société conjugale. On le sent mieux si l’on considère, par contre, les ravages que cause, sur ce terrain encore, le divorce consommé ou même sa simple prévision normale. Sous ce régime, les unions se concluent à la légère, d’autant plus qu’on aura toute facilité pour les défaire. Ou plutôt, on s’associe, mais sans se donner, el avec les prudentes réserves que l’on apporte toujours à une association qui n’a pas de lendemain assuré. Entre les

4