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ORDINATIONS ANGLICANES

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abréviations dues, semble-t-il, à des motifs du même genre. Mais alors, où découvrii' enli-e ces deux rites une diverfrence dogmatique ?

Il est vrai que l’Ordinal anglican est précédé d’une courte préface, qui renferme la déclaration suivante :

Depuis le tem[is des Apôtres il y a eu dans l’Eglise du Christ CCS trois ordres de ministres, les évoques, les prêtres et les diacres, et nul ne devait présumer d’exercer le » fonctions d’aucun d eux, si ce n’est qu’il eût d’abord été appelé, éprouvé, examiné el reconnu doué des qualités re(iuises, et que l’autorité légitime l’ciit approuvé pour cet office par prière publique jointe à l’imposition des mains… Et c’est pourquoi, afin que ces ordres soient perpétués et-respectueuserænt employés et' estimés dans 1 Eglise d’Angleterre, nul homme ne sera compté ou considéré légitime évéque, prêtre ou diacre de 1 Eglise d’Angleterre, ni ne sera soulTert exercer lesdites fonctions si ce n’est qu’il ait été éprouvé, examiné et accepté pour cela d après la formule qui suit ci-dessous.

Mais rien dans ces lignes ne montre que l’auteur veuille faire plus que d’affirmer l’existence, au temps des Apôtres, d’un ministère à trois degrés ; rien n’y implique qu’il attribue à ce triple ministère le pouvoir de conférer des sacrements vraiment efficaces et d’offrir un véritable sacriQoe eucharistique. Et il serait étrange qu’il en fût autrement : car l’auteur de cette préface, on le sait par ailleurs, n’est autre que Granrær lui-même, — Cranmer dont l’horreur pour l’idée catholique de la Messe est bien connue et s’atteste en des pages comme celles que nous avons citées de lui.

D’autre part, si Bucer ne donne pour l’ordination de tous les ministres qu’une formule unique, ce n’est pas qu’il désapprouve la notion d’un triple ministère, pourvu que celui-ci ne prétende pas à un pouvoir mystique sur des sacrements efficaces ex opère operato : tout au contraire, il envisage lui-même l’emploi à faire de sa formule pour la collation de trois différents offices. Car dans le document même qui nous occupe, après avoir proposé sa formule, il la fait suivre de cette direction :

Puisqu’il y a trois ordres de presbytres et ministres de l’Eglise, l’ordre des évêques, celui des prêtres ^- que les anciens appelaient cardinaux et qui ont la principale administration de l’Eglise dans les lieux où il n’y a pas d'évt’ques, — et enfin les presbytres qui assistent les susdits et qui parmi nous sont appelés diacres ou assistants, le service d’ordination doit être rendu correspondant à ces trois déterrés ; de sorte que, quand un surintendant ou évêquG sera ordonné, tout sera fait avec un plus grand et imposant appareil que quand sera ordonné un presbvtre du second ou du troisième ordre. Semblablement il faudrait faire quelque différence entre l’ordination d’un presbytre du second ordre el celle d’un du troisième.

Après cela, nous avons sans doute le droit de récuser la théorie d’après laquelle la substitution de trois formules à la formule unique de Bucer révélerait chez les auteurs de l’Ordinal d’Edouard VI l’intention de conserver à leur Eglise un pouvoir mystique, sacrificatoire et sacramentaire, au sens catholique des mots.

Nous n’avons fait jusqu’ici que compai-er la formule d’Edouard VI à celle de Bucer. Mais on nous permettra de signaler dès maintenant un détail complémentaire sur lequel nous aurons à revenir plus loin : c’est que la forme anglicane pour l'épiscopat, et même celle pour la prêtrise, sont déficientes : il leur manque l’indication de l’ordre qui se confère. La première dit : « Reçois le Saint-Esprit », mais sans déterminer à quelle Un, — omission qui a fait dire au D' Lingardque ces paroles ne seraient pas moins appropriées pour l'établissement d’un sacristain de village que pour la consécration d’un évêque. Et la

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forme de la prêtrise elle-même est loin de désigner avec précision l’ordre administré ; elle dit bien :

« Ceux dont vous pardonnez les péchés, leurs péchés

sont pardonnes, etc. » Mais la puissance de pardonner les péchés, bien qu’adjointe au sacerdoce, n’est pas le constitutif essentiel du sacerdoce ; et d’ailleurs nous avons des preuves pour établir qu’en ce tempslà et aux yeux des réformateurs, cette puissance de pardonner les péchés a n'était rien d’autre que celle de « réconcilier l’homme à Dieu ». Car Mason, un des anciens auteurs les plus dûment approuvés par son Eglise sur la question des ordres anglicans, nous allirme que » l’Ecriture enseigne que Dieu se réconcilié l’homme en ne lui imputant pas ses péchés », et que « à nous est donné le ministère de la réconciliation, que saint Paul appelle le ministère de la

« parole, auquel sans nul doute est adjoint le ministère

des sacrements » (De Ministei-io aiiglicano, lib. V, c. 14). Il faut seulement avertir ici nos lecteurs de ne pas juger la forme d’ordination anglicane d’après le texte des éditions modernes du Prayer Book ; car, tout en reproduisant fidèlement le texte du xvi' siècle cité ci-dessus, ces éditions y ajoutent

— et pour l'épiscopat et pour la prêtrise — une détermination complémentaire ; elles portent :

« Recevez le Saint-Esprit pour l’office et l'œuvre

d'évêque — ou de prêtre — dans VFglise de Dieu. » C’est là un progrès assurément. Mais nous n’avons pas à rechercher s’il a suffi ou non à rendre le rite valide, car ces additions datent de 1662 ; c’est-à-dire qu’elles sont postérieures d’un siècle à la consécration des évêques d’Elisabeth ; ells n’ont donc pu en toute hypothèse valider les ordres précédemment transmis par ces prélats.

Evêques consacrés sous Edouard VI d’après l’Ordinal nouveau. — C’est d’après cet Ordinal, rédigé dans les conditions que nous avons dites, que fut ordonné ou consacré tout le clergé anglican durant tout le reste du règne d’Edouard VI. c’est-à-dire depuis 1550, année où cet Ordinal entra en usage, jusqu'à l’avènement de la Reine Marie, le 6 juillet 1553. Ceux qui reçurent alors la consécration épiscopale furent au nombre de six ; c'étaient : Jean Poynet, consacré évêque de Rochester le 29 juin 1550, Jean Hooper, évêque de Gloucester, le 8 mars 1551 ; Miles Coverdale et Jean Scory, évêques l’un d’Exeter et l’autre de Rochester, le 30 août 1551 ; Jean Taylor, évoque de Lincoln, le 26 juin 1552 ; et Jean Harley, évêque de Hereford, le 26 mai 1553. Un certain nombre de diacres et de prêtres furent aussi ordonnés à cette époque, mais le chiffre exact n’en peut être établi el leurs noms n’ont pas d’intérêt pour le présent lra.aiil. (^Ordines anglicani, p. 35 etvpp. vi)

Marie Tudor (1553-1588). Réconciliation avec Rome. — Dès qu’Edouard VI fut mort et que l'échec des partisans de Jeanne Grey eut laissé Marie en paisible possession de son trône, on abandonna complètement l’usage de l’Ordinal anglican et on entra en négociations pour réconcilier avec Rome tout le royaume, peuple et clergé. Quatre des évêques nommés sous Edouard par le pouvoir civil, Poynet, Barlow, Coverdale et Scory — ce dernier après quelques tergiversations — s’enfuirent d’Angleterre ; quelques prêtres intrus particulièrement compromis en firent autant. Cranmer, Latimer, Ridley, Ferrar et Hooper — consacres les trois premiers selon le rite romain, les deux derniers selon le rite anglican — furent arrêtés, et ne donnant pas signe de repentir, ils furent jugés par une commission papale, déposés, dégradés, incarcérés et finalement livrés au bras séculier pour subir leur châtiment. Jean Bird, évêque de facto de Chesler, et

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