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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/60

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MARIAGE ET DIVORCE

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Le second passage de S. Matthieu (xix, 3-i i) montre que tel a été parmi les auditeurs de Jésus le sens donné à ses paroles. A la manière dont les Pharisiens l’abordent, on voit qu’ils cherclient aie mettre en opposition avec lui-même ou avec la loi de Moïse, suivant qu’il accordera le divorce ou qu’il le proscrira. Us demandent : « Est-il permis de répudier sa femme pour quelque motif que ce soit ? » Jésus rappelle la loi originelle : Dieu a fait l’homme et la femme distincts par le sexe, donc êtres incomplets, mais qui, dans le plan divin, doivent, pour constituer un princi[)e unique de génération, s’unir physiquement jusqu’à former un être complet, unique, une seule chair. Ainsi donc l’homme se séparera moralement de la société de ses père et mère, pour s’attacher à sa femme, devenir une même chair avec elle et constituer un nouvel être moral, une nouvelle famille. Cette union que Dieu a instituée, que l’homme ne la rompe point par le divorce.

Les Juifs ne manquent pas d’objecter la loi de Moïse sur l acte de divorce. A quoi Jésus répond :

« C’est là une exception accordée par Moïse à votre

malice ; mais il n’en était pas ainsi à l’origine. Ma loi, la voici : Celui qui renvoie sa femme, si ce n’est pour impudicité, et en épouse une autre, commet un adultère ; et celui qui épouse une femme renvoyée, se rend adultère. » (v, y.)

Ce second passage, on le voit, renferme la même difficulté textuelle que celui du ch. v. Cette dilliculté se résout de façon vraiment plausible et satisfaisante par les remarques suivantes : i" Le ch. xxx s’éclaire tout naturellement par le ch. v du même auteur : la similitude matérielle des deux passages impose la similitude d’interprétation. — 2" Iciencore Jésus souligne l’opposition entre la loi de Moïse comportant le divorce et, d’autre part, la loi primitive qu’il veut rétablir, avec l’indissolubilité. Une exception ferait cadrer sa loi avec l’interprétation de Schammaï et ôterait aux Pharisiens toute raison de discuter avec lui. — 3" Les disciples donnent bien ce sens sévère à la pensée du Christ, puisqu’ils s’écrient :

« Si telle est laconditionde l’homme à l’égard

de la femme, il vaut mieux ne pas se marier » ; ce qu’ils n’auraient pas dit, s’ils eussent entendu renouveler simplement l’interprétation de Schammaï (v, 10). — 4° Cette interprétation est pleinement conforme aux textes absolument clairs et décisifs de S. Marc, deS.Lucet de S. Paul, II. ce.

Qu’il soit permis d’ajouter un témoignage non suspect de partialité, en faveur de l’interprétation traditionnelle de l’Eglise. M. Loisv juge la promulgation de la totale indissolubilité si certaine, qu’il croit — à tort — devoir regarder comme ajoutée par l’auteur du premierEvangile l’incise A 0 ; s le cas d’il » pu(iie//p, parce qu’elle lui paraît en contradiction avec la pensée évidente du Maître dans le discours sur la montagne. « Il est, dit-il, très remarquable que, dans les passages parallèles des deux autres synoptiques, aussi bien que dans S. Paul, l’exception d’adultère n’est pas mentionnée. Cette circonstance confirme l’idée dune interpolation rédactionnelle, que suggère déjà le texte de Matthieu, considéré en lui-même. Etant donné le point de vue où Jésus se place, une exception à la règle qu’il promulgue ne peut être admise, et elle n’a pu appartenir même à la première rédaction du discours. « (Les Evangiles synoptiques, t. 1, p. 579.) Un peu plus bas, dans cette double pensée de l’indissolubilité sans exception proclamée par Jésus et de l’interpolation d’une incise, il écrit encore : « L’Eglise catholique, en refusant d’admettre aucun cas de divorce, a maintenu le principe établi par Jésus, et il importe assez peu qu’elle n’ait pu le faire qu’en sacrifiant le sens

historique des passages oii Matthieu traite la question. B (Op. c., p. 580.)

Enfin, le meilleur garant du sens des passages cités, c’est l’interprétation et le sentiment prati(iuc de l’Eglise primitive, ainsi que le témoignage de la littérature ecclésiastique, à partir des premiers temps du christianisme. On a connu l’incidente de S. Matthieu et cependant, à part quelques très rares textes ou faits sérieusement opposables, et où rinfaillibilité n’a rien avoir, la tradition écrite ou vécue apparaît très catégorique et moralement unanime en faveur de l’indissolubilité (Voir Desmet, De Sponsalibus et Matrimonio, n. 200).

L’Eglise proclame donc l’indissolubilité du mariage au regard des conjoints eux-mêmes. S’il s’agit du mariage consommé entre chrétiens, elle tient cette indissolubilité pour absolue. En dehors de ce cas, qui ne souffre pas d’exception, le lien conjugal peut être rompu pour de graves raisons, siu- l’intervention de l’autorité ecclésiastique. Indiquons rapidement l’économie de ce pouvoir, confié par le Christ à son Eglise.

Tout d’abord, il importe de ne pas confondre avec la rupture du lien conjugal la déclaration denullité, la constatation ollicielle que le mariage n’a jamais existé, pour faute de vrai et légitime consentement, ou pour cause d’incapacité absolue ou relative, etc. Il y a des mariages nuls, comme il y a des actes civils nuls, pour vice de forme, etc.

Il y a cependant de vrais cas de rupture de lien. Une première série est ce qu’on appelle le cas de V Apôtre, ou le privilège paulin, parce que S. Paul en a fait la promulgation et que, dans sa teneur, il constitue un privilège en faveur de la foi chrétienne. Le mariage entre infidèles, valide et même consommé, est dissous de plein droitlorsque.unedesdeuxparties ayant reçu seule le baptême et l’autre partie dûment interrogée se séparant d’elle, c’est-à-dire persistant dans son infidélité et se refusant à une cohabitation paisible, la partie convertie contracte un nouveau mariage. (I Cor., vii, 12-15.)

Il y a encore ruptuie de lien conjugal lorsque, après un mariage conclu entre fidèles, mais avant la consommation, une des deux parties entre en religion, dans un Ordre régulier, et y fait la profession solennelle. Le privilège paulin avait été accordé par le Christ, ou par l’Apôtre au nom du Christ, en faveur de la foi ; celui-ci est accordé par l’Eglise, de par l’autorité reçue du Christ, en faveur de l’état de perfection embrassé dans la vie religieuse.

Dernière série de cas. Le mariage des fidèles légitimement conclu et pleinement valide, mais non encore consommé, peut être, pour de graves raisons, dissous i)ar l’autorité suprême que le S. Siège tient de son Fondateur. L’Eglise se reconnaît clairement cette puissance et l’exerce, en fait, au moins depuis le XV" siècle.

La raison qui rend possibles ces exceptions à la loi de l’indissolubilité, est que, seule, l’union consommée entre chrétiens réalise dans toute sa plénitude le symbolisme qui la fait comparer à l’union du Christ avec son Eglise. Et parce que, dans cette union des chrétiens, se réalise parfaitement cette mystérieuse ressemblance, les théologiens et les canonistes catholiques tendent à reconnaître à l’Eglise le même pouvoirsurleniariage des infidèles, consomméavant, mais non après la conversion de l’un d’entre eux ou même des deux. L’Eglise d’ailleurs use si sagement de ses pouvoirs que nul n’a jamais songé à lui attribuer une influence dissolvante sur le mariage.

3° Législation du mariage chrétien. — Le mariage chrétien est un sacrement institué par le