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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/662

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PANTHÉISME

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est simple ; elle est réellement distincte par conséquent de l’attribut « Etendue », puisque cet attribut à sou tour est identique à l’Etre et simple comme lui. Nous pouvons donc dire sans contradiction : ûetis est I es extensa, IJeiis est omnino finijitex. — De même : autre est la pensée qui est un mode, autre la pensée qui est un attribut. La pensée qui est un mode est multiple, ce sont les âmes, et les âmes sont réellement distinctes de leur être, de l’Etre divin ; par contre, la pensée qui est un attribut est simple et unique comme l’Etre même.

Enlin les modes, ou choses particulières, peuvent être considérés de deux points de vue, en tant qu’ils sont tels ou tels, et eu tant qu’ils existent, dans leur essence et dans leur existence.

Du ])remier point de vue, à titre d’idées (comme dirait Platon), d’essences logiques, les choses viennent nécessairement de Dieu. Sans doute Dieu n’a pas à les produire, puisqu’il n’est pas question de leur existence, mais il faut que Dieu en soit la raison et la source. Les choses comme essences, viennent de l’essence de Dieu, comme les propriétés du triangle viennent du triangle, c’est-à-dire par un processus logique. Elles sont le développement, 1’  « explication )i de la nature divine : l’un pose le multiple qui l’etpriiue, comme une vérité pose l’inlinie série de ses conséquences.

Maintenant, comme Dieu n’a pas qu’une seule essence, qu’une seule nature, qu’un seul aLtril)ut, mais qu’il en possède au contraire une infinité, et comme il doit y avoir autant d’espèces d’êtres linis, autant de modes, que d’attributs, il faut dire qu’en dehors de l’univers dont nous faisons partie, et qui n’est l’eipi-ession que de deux attributs divins, l’Etendue et la Pensée, il y en a une infinité d’autres dont nous n’avons aucune idée. — Si nous connaissions directement les attributs de Dieu, nous en déduirions les clioses, les séries et types de choses, nous en dériverions par un processus logique tous les mondes existants ; bien plus, comme un processus logique est un processus de nécessité, nous déduirions tout ce qui se passe et se passera jamais dans tous les mondes. Mais, des attributs de Dieu, nous ne savons rien a priori^ nous remontons à eux par les modes qui nous les manifestent, et c’est pourquoi, pour le dire en passant, nous croyons, mais à tort, à la contingence’.

Ce que nous venons de dire des choses en les considérant du point de vue de leur nature, il faut le dire aussi d’elles du point de vue de leur existence. Même sous ce rapport le monde doit venir de Dieu ; il n’existe que parce que Dieu l’a produit dans l’être… Sans doute, il ne peut s’agir d’une action transitive, par laquelle Dieu poserait une existence eu dehors de la sienne ; nous avons vu que cela répugne ; mais il reste que par un acte immanent Dieu donne aux choses d’exister, en les recevoni en lui-niôuie, en les soutenant par son Etre, en les animant de sa Vie. Pour autant, on dira tout de mèuie que Dieu les crée, puisqu’il les fait être.

V. — Parallélisme des modes.

Faisons encore un pas. Les attributs de Dieu sont

1. Le luol contingence a deux sens : il y a la contincence absolue, caraclère de ce qui, coiisifiôré en lui-même, aurait pu no pas être : de ce point de vne, le monde. ]>nur Spinoza, est contingent, car (il le dit expressénient) son essence n’est pas son existence ; — et il y a la contingence lelalive, caractère do ce qui, consiiiéré par rapport à sa cause, aurait pu encore ne pas èti-e : de ce xioinl de vue, le monde pour Spinoza, ni dans son ensemble ni dans ses détails, n’e « t contingent, car il découle nccessaîrenient de Dieu.

adéquatement distincts, car l’étendue est concevable sans la pensée, et réciproquement. Les séries qui découlent des attributs sont donc aussi distinctes entre elles. D’aulre i>art, l’étendue, attribut de Dieu, n’est autre que Dieu même, et il faut dire la même chose de la pensée. En traduisant parallèlement des attributs parallèles, les séries modales traduisent donc le même… il doit y avoir dès lors une correspondance stricte entre cliaque stade de leur développement : partout où il y a un corps il doit y avoir une âme : Umnia quam^’is diversis gradibus unimata taineît sunt : et corps et âme doivent se développer d’une manière concordante, le corps exprimant à sa façon les états de l’àme, et l’âme les états du corps. Cet accord est ce tju’on appelle l’union de l’âme et du corps ; la traduction des étals de l’un par l’antre est ce qu’on appelle percer/ion.

II. — Le panthéisme dialectique : Fichte

Sous le nom de panthéisme dialectique, on peut ranger les systèmes de Fichte, de Schelling et de Hegel. La démonstration du panthéisme n’est pas leur objectif direct ; mais le panthéisme est essentiellement impliqué dans leurs prétentions et dans leurs résultats.

Ce que ces philosophes se proposent, c’e-t d’expliquer l’univers. Mais expliquer l’univers, c’est expliquer le Savoir, c’est expliquer la Pensée, car l’univers n’est rien, selon eux, qu’une représentation de la Pensée, dans la Pensée, pour la Pensée. — Quant à la Pensée même, elle est comme le lieu de tout ce qui est, on mieux : l’unité formelle de tout ce qu’elle contient, par conséquent à la fois des pensées et des corps individuels. Mais alors expliquer la Pensée, c’est luettre en évidence l’unité de son contenu, c est montrer que tous les éléments de l’univers sont tellement liés les uns aux autres qu’il siifBt que l’un quelconque soit posé i)our que le soient tous les autres.

Pour ce faire, la philosophie dialectique substitue aux éléments de l’univers tels qu’ils nous sont donnés dans l’expérience les idées ou concepts que novis pouvons y faire correspondre : c’est de ce inonde logique, analogue à celui dont Platon doublait le monde réel, qu’elle s’occupe : unifier et déduire les êtres devient pour elle, unifier et déduire les idées, car l’être, c’est l’idée rendue visible, l’idée réalisée,

— et l’idée, c’est l’être rendu intelligible, l’être rationnalisé.

El comme il y a deux manières principales de chercher à enchaîne ; - toutes les idées, il y a essentiellement deux sortes de Dialectique : l’une qiii consiste à dériver toutes les idées d’un même principe, l’autre qui consiste à les ramener toutes à un niême terme. — Le i)remier processus est celui de Fichte, le second celui de Hegel. Le processus de Sclieiling est intermédiaire. — Fichte part de l’Esprit, mais de l’Esprit impersonnel, et il descend de l’idée de l’iSsprit aux idées des choses. — Hegel part de l’idée d’être, mais prise à son plus extrême degré de pauvreté, et remonte de synthèse en synthèse, en traversant toutes les idées, jusqu’à la synthèse dernière qui, prise en elle-même, est à la fois l’Unité de toutes les Idées, le Tout, et l’Esprit.

Nous ne suivrons pas les philosophies dialectiques dans leurs déductions, car il faudrait trop de développements pour rendre ces déductions intelligibles ; aussi bien il importe peu, car, réduites même à ce qui en constitue le sens général et l’inspiration d’ensemble, ces philosophies laissent déjà voir leur caractère panthéistiqne, donnent le moyen de faire éclater leur vice intrinsèque. Il nous suffira de le