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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/671

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PANTHEISME

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s’il se peut agir d’un seul et unique subsistant, considéré tantôt comme Dieu, tantôt comme A, tantôt comme B, ou s’il faut reconnaître autant de subsistants réellement distincts que de sujets apparents d’imputation. Nous sommes à la croisée des routes.

Que doit dire le panthéisme de ces divers « sujets d’imputation », pour continuer à tenir compte du fait de la responsabilité tel qu’il se présente ? Le panthéisme ne doit pas, ne peut pas, se contenter de reconnaître que A est sujet d’imputation par rapport à certains actes ; il doit encore concéder que A n’est pas sujet d’imputation par rapport à certains autres actes, à savoir par rapport aux actes de 15 ; que A n’est donc pas le sujet d’imputation qu’est B ; et, si l’on préfère cette formule qui a l’avanta^ie de faire voir que nous sommes toujours dans la perspective panthéistique : que Dieu, en tant que A, n’est pas Dieu en tant que B. Le panthéisme doit dire la même chose de chacun des divers sujets d’imputation, et en particulier de Dieu en tant que Dieu. Or cela revient à reconnaître que les divers sujets d’imputation s’excluent comme tels les uns les autres. S’ils s’excluent comme tels, ils sont comme tels réellement distincts entre eux ; il n’y a pas un sujet d’imputation qui revêt plusieurs formes ; il y a réellement plusieurs sujets d’imputation. Mais s’il y a plusieurs sujets, il y a, en vertu de tout ce qui précède, plusieurs Subsistants : Dieu subsiste, le monde subsiste, et le monde et Dieu font deux subsistants.

Ainsi le Panthéisme qui veut tenir compte du fait de ta responsabilité se détruit lui-même et fait logiquement place au théisme.

Confirmation de l’argument. — A interroger l’histoire de la philosophie, on constate que les doctrinaires du panthéisme ont tous nié la liberté humaine. C’est qu’en efl’et, reconnaître la liberté humaine, c’eût été reconnaître dans les créatures de véritables i sujets d’imputation » et par conséquent de véritables êtres, distincts entre eux et distincts de Dieu. — L’accord des panthéistes confirme la valeur de notre argument.

Autre forme du même argument

Nous avons abouti ù une thèse qui est tellement conlradicloire de celle du pjinlliéisme qu elle peut sembler-, par un autre excès, opposer à l’absolu qui est Dieu un autre absolu qui serait le uionJe. Quelqu’un pourrait nous dire : On voit si bien que le monde est pliysiquenunt distinct de Dieu, qu’on ne Ti.it plus comrænl il continue à tout moment de lui devoir l’être et l’aijir. — Pour mettre en lumière cet autre aspect de la vérité, il nous faut donc maintenant, après avoir marqué l’indépendance du monde à l’égard de Dieu, manifester sa dépendance et concilier les deux : il suffira pour cela de donner à la même argumentation un tour légèrement différent.

Partons encore de l’assertion même du panthéisme, puisque c’est elle qu’il s’agit de faire éclater. Posons que Dieu seul est être, que Dieu seul est cause. — Dieu agit donc en A et par A, en B et par B, et ainsi de suite, AetB étant des apparences humaines dont nous essayons de nier qu’elles existent en elles-mêmes (Thèse). Par ailleurs, l’expérience, une expérience incontestable et que la raison garantit, nous apprend que A et B sont comme tels et chacun pour soi responsables (Fait). — En rapprochant ce fait de cette thèse et en essayant de retenir de la thèse tout ce qui peut s’accorder avec le fait et cela seul, nous obtenons la formule suivante : Dieu a^it à travers A et à travers B (expression de la Thèse panthéistique ) mais de telle sorte que l’imputabilité de l’action^ au lieu de remonter jusqu’à lui, s’arrête véritablement, réellement, en À et en B (expression du

Fait d’expérience)… Or il suilit de bien considérer cette formule pour s’apercevoir qu’elle n’a plus rien de panthéistique. La seconde partie corrige la première, et à elles deux, elles expriment à la fois la dépendance réelle et la réelle indépendance des créatures. Si les créatures agissent, c’est bien en elTet, suivant la doctrine catholiqjie, parce que Dieu agit par elles et en elles ; aucune action créée n’est possible sans un concours divin, un concours qui soit, non pas seulement un accompagnement et une aide, mais un principe et une source. — D’autre part, si les créatures sont responsables, c’est que leur action, tout en étant celle de Dieu, est véritablement et proprement la leur. Ainsi les créatures subsistent par Dieu puisque leur action vient de lui, et elles subsistent en soi, puisque leur action est à elles, — ce qui est la doctrine même du théisme.

Remarques et explications

i) L’ahgoment contriî le panthéismk et la possi-DiLiTÉ DB l’Incarnation. — La responsabilité étant le caractère de l’être qui, maître de son action, peut se la voir imputer, il est clair qu’une étroite solidarité relie la liberté à la responsabilité. Un être libre peut seul être responsable, et tout être responsable est un être libre. — Si dans l’argument contre le panthéisme, nous avons expressément fait état delà responsabilité plutôt que de la liberté, c’est qu’il s’agissait pour nous de partir d’un attribut essentiellement personnel : or, la liberté est rfe soi un caractère de la nature ; seule, la responsabilité est essentiellement un caractère de la personne, en ce qu’elle implique un sujet d’imputation. — Nous savons par la foi qu’en Jésus-Christ la nature humaine ne se possède pas ; elle est libre, et par elle le Verbe est libre comme homme ; mais elle n’est pas formellement responsable, car les actions que le Verbe produit par elle ne sont imputables formellement ([u’au Verbe. Qui pèsera ces considérations verra que l’argument pour prouver la subsistence de la nature humaine en chacun de nous ne porte que sur nous. Il détruit l’erreur du panthéisme, mais il respecte la vérité de l’Incarnation.

2) L’argument contre lb panthhisme et la possibilité DE L.i. Trinité. — Quelqu’un pourrait dire, argumentant contre nousarf liominem : la distinction des personnes, la multiplicité des subsistences ne suflît pas à ruiner le panthéisme ; car on pourrait concevoir que la nature divine fût une, bien qu’en plusieurs personnes ; ce serait encore le panthéisme, et il n’y a là aucune absurdité manifeste puisque, selon vous, la Trinité existe où le cas se vérifie. — A l’objection qui se présenterait sous cette forme, la réponse est aisée : il n’y a aucune parité dans les deux cas : la nature qui appartient au Père n’a rien qui l’empêche d’être celle qui appartient au Fils ni celle qui appartient au Saint-Esprit ; mais la nature qui se manifeste dans l’homme ne peut pas être la même que celle de Dieu, parce que la première est finie et que la seconde est infinie. — Ce mode d’argumentation, que nous avons reconnu sans portée quand on veut l’employer contre les formes subtiles du panthéisme, a toute sa valeur contre l’objection actuelle ; et il est en lui-même si clair, si éviilent, si indiscutable, et à vrai dire, si indiscuté, que nous ne croyons pas utile d’insister.

On pourrait donner à l’objection une forme plus spécieuse. Au lieu de parler de nature, parlons d’être. Comment le principe, sur lequel se fonde l’argumentation que nous avons opposée au panthéisme, et suivant lequel toute personne revendique comme telle un être à soi, exclusif, incommunicable, comment ce