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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/695

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PAPAUTE

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doit posséder l’Eglise du Christ. Tout d’abord il n’y eut qu’un upiUre investi de pleins pouvoirs ; avec lui l’Eglise commença, Pierre l’ut la pierre première et fondamenlale sur laquelle devait s'élever lédilîce. L’unie numériipie, au moment où le Seigneur adressait à Pierre les paroles mémurahleSj est une image, un pyml>ole, un type de l’unité morale qui. par la multiplication du pouvoir de Pierre, doit succéder à l’unile num » rique… Quand Cyjjrien marque la parfaile égalité des A]nMres, il nomme Pierre ; quand il fait ressortir sa position unique, il par-le d’un seul, sans le nommer. Avec un seul. l’Eglise commença d’exister : Toilà pourliiile principal. Cet «  « fut précisément Pierre : voilii l’accessoire. Cet apôtre devait plus tard partager avec d’autres son rang et son pouvoir. Toute son importance consiste en ce qu’il fut pour un temps le seul, et par là même la figure prophétique de l’unité de l’Eglise. Voilà tout !

La difficulté est de réconcilier cette explication, passablement abstraite, avec les textes nombreux où saint Gyprien, commentantrEvangile, parle de Pierre comme fondement réel, et non purement figuratif et clironologique, de l’Eglise du Glirist. Elle est encore de la réconcilier avec les textes nombreux et très concrets où le personnage de Pierre est mis en relations expresses avec le siège de Rome. Elle est enfin et surtout de la réconcilier avec l’ensemble de cet écrit. De cath. Eccl. un., iv, où l’effort de Cyprien tend à rallier les fidèles dispersés du Christ sur le roc permanent de Pierre. La conception du critique allemand arrachait à Dom Chapman cette exclamation : Oii !  ! > roc étrange ! Wliat a funiiy kind of rock. Rei'. Bén., XXVIl, p. 53 (igio). Saint Cyprien n’a pas en vue la préhistoire du pontificat romain, mais son histoire présente ; non le rôle initial de l’apôtre Pierre, mais le rôle permanent du successeur de Pierre, principe d’unité ecclésiastique.

Mieux inspiré que M. Koch, dans un livre moins paradoxal et plus durable, le primat anglican Benson avait parfaitement saisi la portée concrète du texte de saint Cyprien, et prenant parti a j/rioii contre la version B, il déclarait que saint Cyprien n’a pu s’exprimer ainsi, car s’exprimer ainsi eût été souscrire d’avance toutes les thèses romaines, ce que Cyprien n’a pu faire. Bknson, Cyprian. His life. Ilis times. His iior/i. London, 1897, p. 203 : The ^vords in italics admittedly miist be fium tlie pen of one n’Ito taught the cardinal doctrine of tlie Roman see. If Cyprian ii’rnle iliem, he held lliat doctrine. There is no disgnising the fact. Benson n’avait sans doute pas prévu sous quel aspect se présenterait un jour, d’un point de vue critique, la thèse de l’authenticité cy prianique du texte B. Son aveu demeure bon à retenir, pour nous ramener, du domaine de la fantaisie, à celui de la réalité tangible.

Sur la thèse de M. H. Koch, voir les réfutations distinguées dues à deux prêtres catholiques : Anton Sbitz, Cyprian iind der rîjniische Primat, Rcgensburg, ' 191 1, et surtout Johann Ehnst, Cyprian und da.' ! Papsttnm, Mainz, 191a.

Avant de quitter le texte De cath. Eccl. un., iv, notons encore que le mot primatits (particulier à la version B) se représente ailleurs quatre fois chez saint Cyprien : De bon. pat., xix, p. 4'1, i-4 ; Epp., Lxix, 8, p. 757, 15-20 ; Lxxi, 3, p. 778, 1 1-17 ; Lxxiii, a5, p. 798, 5-8. Il est remarquable que ces (jTKatre exemples mettent précisément en cause la primauté du siège de Rome. Le premier et le quatrième exemple, par le moyen d’une comparaison biblique : reconnaître à Novatien, usurpateur de la primauté romaine, le droit de conférer le baptême chrétien, ce serait imiter la conduite d’Esaii, abandonnant à vil prix son droit de primogéniture. Le deuxième, par le moyen d’une autre comparaison biblique : les partisans de Novatien sont comparés à Goré, Dalhan,

Tome m.

Abiron, pour avoir voulu s’adjuger la primauté dans l’Eglise. Le troisième, plus ouvertement encore : Cyprien loue l’humilité de Pierre, qui, dans la question des rites judaïques, s’inclina devant les raisons de Paul, au lieu de revendiquer sa primauté : c’est pour engager le pape Etienne à suivre cet exemple, en admettant les représentât ion s des Eglises d’Afrique dans la question baptismale. On croira dillUilement que le lien mis par le langage de saint Cyprien entre ce mot et le siège de Rome, à l’exclusion de tout autre siège, soit purement fortuit. Encore moins réduirat-on cette primauté à un sens chronologique.

Quant au texte évangélique où le Seigneur promet de fonder son Eglise sur Pierre, il se représente bon nombre de fois dans l'œuvre de saint Cyprien et dans les lettres de ces correspondants. Signalons De hab. i’irg., X, p. 194, 25 ; Ad Fortun., xi, p. 338, 15 ; De bon. pat., IX, p. /|03, 16 ; Sentt. episc.,-x.vu, p. 444. i ; Epp., XXXIII, I, p. 566, a ; xLiii, 5, p. 594, 5 ; lv, 8, p. 630, i ; 9, p. 630, 14 ; lix, 7, p. 674, 16 ; 14, p. 683, 9 ; Lxvi, 8, p. 782, 25 ; Lxx, 3, p. 769, 16 ; lxxi, 3, p. 773, 11 ; Lxxin, 7, p. 783, 14 ; Lxxv, 16, p. 820, 24 ; 17, p. 821, 14. — Au moins dix-sept exemples, sans parler d’autres traces plus fugitives. Que l’on prenne un à un ces dix-sept exemples, et l’on constatera que, abstraction faite de B’p., xxxiii, i, où Pierre fait sim plement figure d'évêque, il fait partout figure de primat, dans ses relations avec l’Eglise universelle. Cette primauté est plus ou moins définie selon les cas, mais elle assure à l'église locale de Rome le premier rang parmi les Eglises. Ep., lix, 14, p. 683, 9-14 : Navigare audent et ad Pétri cnlhedram atqae ad Ecclesiam principalem unde unitas sacerdotalis e.rorta est…, nec cogitare eos esse Romanes, quorum fides apostvlo prædicante laadaia est, ad quos perfidia habere non possit accessum. Voilà ce que répèlent ces dix-sept textes, dont quatorze empruntés à saint Cyprien, un à l’un des évéques d’un concile par lui présidé (Senti, episc, xvii) ; deux à son correspondant Firmilien de Césarée (Ep., lxxv). Le témoignage du bouillant évêque de Césarée n’est pas le moins remarquable : il a commencé par rendre hommage à la primauté du successeur de Pierre, avant de flétrir la conduite du pape Etienne, qu’il accuse d’avoir trahi son mandat.

Dans ces conditions, on s'étonne que tel historien ait cru lire chez saint Cyprien que le texte Tu es Petrus est par lui « ravi au successeur de Pierre, pour être adjugé à l'épiscopat n. J. Turmel, Histoire du dogme de la papauté, des origines à la fin du iv' siècle ; p. 134. Paris, 1908. Une contrevérité si manifeste ne mérite aucune discussion. Sur cet ouvrage, qu’il suUisede renvoyer à l’exécution magistrale due à M. Y. DE LA Brièkb, Etudes, t. CXVII, p. 339-350 (5 nov. iyo8).

Cependant on a souvent cru tirer de ce même récit De cath. Eccl. unitate une doctrine ép ! > ; copalienne. L'évêque de Rome serait bien le premier évêque de la chrétienté, mais primus inter pares, sans aucune primauté de juridiction. Cette doctrine, dont les critiques anglicans se sont fait une spécialité, est rattachée surtout à Cath. Eccl. un., v, p. 213, 14-214, 2 :

Quam anitatem tenere firmiter et vindicare dehemus, nia.rime episcupi qui in Ecclesia præsideiuus, ut episcopatuni quoque ipsuni unum atque indivisum probemus. Nemo fraternitatem menducio fallut, nenio fidem veritalis perfida prævaricatione corrumput. Episcopatus anus est, cuius a singulis in sididum pars tenetur.

On a cru voir dans ce texteque l'épiscopat estuue sorte de corps sans tête, une confédération d'égaux. Cette idée ne résiste pas à une exégèse atteiilivc.

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