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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/697

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PAPAUTE

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de matricem et radicem une valeur épexégétique ; d’entendre : " celle racine mère qu’est l’Eglise » au lieu d’une valeurobjeclive : « cette racine mère qu’est (dans l’Eglise universelle) l’Eglise de Home ». Cela ne répugne i)as à la langue de Cyprien.

Tout dépend du sens que l’on attribuera auxmots : Ecclesiæ catholicæ : l’Eglise catiiolique, c’est-à-dire universelle ; ou, dans l’Eglise particulière de Konie, le troupeau catholique, par opposition à la secte scbismatique. Dans le premier cas, la recommandation de Cyprien aux cbrétiens d’Afrique en partance pour Bome signiiie : « attachez-vous à l’évoque de Home ; il est la source de l’unité catholique ». Dans le second cas, elle signifie : « attachez-vous à l’évcque Corneille : il représente, en face du schisme, l’unité catholi([ue a. Pour trancher la question, il est nécessaire d’étudier le sens de ces mots : Ecclesiæ catholicae, selon l’usage de saint Cyprien. On peut relever dans son œuvre (et celle de ses correspondants) plus de cinquante autres allusions à la catholicité.

Catti, Eccl. un., tit., p. 209, i ; Senti, ep., v, p. 4^0, à ; viii, p. 44'i >3 ; xxvii, p. 447> Ti X.LV, p. 463, 7.9 ; XLvi, p. 452, la ; Lxxii, p. lbj, 13 ; lxxv, p. 458, i-i ; Epp., XXV, 1, p. 538, 20 ; xliv, i, p. 597, 13 ; 3, p. 5y8, 20 ; xLv, I, p. 599, 16 ; 600, 5 ; xlvi, i, p. 604, II ; XLviii, 4. p. 608, 6 ; IL, 2, p. 611, 9.16 ; Li, I, p. 614, 13 ; 615, 6 ; a, p. G15, 24 ; liv, 5, p. 623, 19 ; LV, i, p. 624, 7-13 ; 7, p. 628, 19 ; ai, p. 639, i.5 ; a4. p. 64a, 16 ; Lix, 5, p. 671, 22 ; 9, p. O’jG, iS.aS ;

LXV, 5, p. 735, 12 ; LXVI, 8, p. 733, 9 ; LXVIII, I,

p. 74’i, 7 ; 2, p- 745, 10 ; Lxix, I, p. 749, 8 ; 750, 12 ; 7, p. 756, 7 ; Lxx, I, p. 767, 1.3 ; lxxi, 1, p. 771, u ; 772, 8 ; 4, p. 774. « 6 ; lxxii, i, p. 775, 9 ; lxxiii, i, p. 779, 6 ; a, p. 779, 14 ; 20, p. 794, 13 ; lxxv, 6, p.813, 27 ; 14, p. 819, 15 ; 16, p. 831, 7 ; 22, p. 824, 7.

Cette statistique est éloquente. Si l’on met à part deux exemples qui n’appartiennent pas à Cyprien mais au pape Corneille (^/>., L, 2, p. 611, g, 16), exemples qui paraissent bien désigner l’Eglise particulière de Rome par opposition au schisme, on trouvera que tous les autres — ou presque tous — s’entendent plus naturellement de l’Eglise universelle. D’où il suit que l’Eglise de Rome est bien présentée par Cyprien comme la racine mère de toutes les Eglises. Conclusion pleinement conforme au texte déjà cité de Ep. lix, 14, p. 683, lo-ii : Pelri cathedruni atqne… Ecclesium principalem unde unitas sacerdotalis exorta est.

Telle n’est pas l’opinion de H. Dodwell, Dissertationes Cyprianicae, Oxoniae, 1684. Il étudie, vii, 78, plusieurs des cinquante exemples que nous avons cités, et s’efforce d’en restreindre la portée à une Eglise particulière. On pourrait lui accorder cela, sons souscrire aux conclusions qu’il en lire. Mais nous croyons qu’il erre sur le fait, aussi bien que sur les conclusions.

Particulièrement importante est la longue Ep„ LIX, de Cyprien au pape Corneille. Elle comprend trois parties : la première consacrée à l’apologie personnelle de Cyprien (1-8) ; la seconde à l’état présent du schisme en Afrique (9-1 3) ; la troisième au droit de l’épiscopat (14-20). Nous ne retiendrons ici que la troisième partie, comme allant droit à notre sujet.

Cyprien pose en principe l’autorité indépendante de l’évêque dans sa sphère, sous la seule réserve du compte qu’il doit à Dieu de son administration. Cette idée lui est familière ; on la retrouve plusieurs fois par lui formulée presque dans les mêmes termes. Voir Senti, episc, prooera., p. 436, 5-ioEpp., Lv, 21, p. 639, 4-7 ; "x, 14, p. 683, 9-684, 7 ; Lxix, 17, p. 765, 21-766, a ; LXXII, 3, p. 778, 1-7 ; lxxiii, aé, p. 798, 9-12.

Ces textes, pris en eux-mêmes, paraissent fort clairs, et l’on a pu s’en autoriser pour présenter Cyprien comme partisan d’une doctrine selon laquelle le pouvoir épiscopal ne comporterait aucune espèce de tempérament. Il ne faut pourtant pas fermer les yeux sur une autre série de textes, qui commentent les précédents, et montrent fonctionnant autour de Cj’pricn — sous sa présidence elfective quant à l’Afrique — un véritable gouvernement collectif de l’épiscopat, investi du pouvoir de lier par ses décrets les évêques eux-mêmes. Bon nombre de lettres de Cyprien notilientdes résolutions arrêtées par les conciles de Carthage. Le concile évitait toute ingérence indiscrète dans les affaires des Eglises ; mais il édictait des lois et prétendait bien être obéi. Voir Epp., iu. IV. Lvi, 3, p. 649. a3-650, 3 ; lix, 10, p. 677, 15-19 ; LXiv, 1, p. 717, ia-21 ; a, p. 718, i-8 ; 6, p. 731, 3-5 ; Lxv, I, p. 721, 15-18.

Résumons l’impression d’ensemble laissée par cette correspondance de Cyprien avec le pape Corneille.

De même qu’entre le clergé de Rome et le primat de Carthage durant la vacance du Saint-Siège, il y eut enire le pape Corneille et Cyprien quelques malentendus passagers, mais jamais un conflit. Et on a l’impression que (Ijprien use de sou ascendant personnel, soit pour, au besoin, raffermir le pape, moins clairvoyant ou moins résolu, soit pour lui tracer son devoir. Les lettres de saint Cyprien ne sont pas précisément d un subalterne qui demande un mot d’ordre ; elles sont d’un collègue qui croit se tenir à sa place en joignant la hardiesse à la déférence.

S" Lettre au pape Lucius. — Au cours d’un pontilicat de huit mois quin a53-mars 254), le pape Lucius reçut de Cyprien au moins une lettre qui nous a été conservée (lxi). Lettre pleine de respectueuse sympathie pour l’Eglise de Rome et pour son évêque, qui a déjà confessé la foi dans l’exil.

4° Lettres datant du pontificat d’Etienne (mai a54aoùt 257). — Les documents de cette période ont déjà été analysés à propos du BAPTf : MB des hérétiqubs (Ci-dessus, t. I, 391-394). Bornons-nous à dégager quelques observations.

Cyprien n’est pas tellement confiné dans l’Afrique romaine qu’il ne s’intéresse au gouvernement des Eglises d’outre mer. Il en dit nettement son avis au pape, dont il trouve l’initiative parfois peu éclairée (Ep., Lxvii, affaire des évêques espagnols), parfois trop molle (Ep., lxviii, affaire de Marcien d’Arles), parfois franchement indiscrète (Lipp., lxix-lxxiv, affaire du baptême des hérétiques). Ce groupe renferme deux lettres adressées directement au pape Etienne par Cyprien, l’uneen son nom propre (lxviii), l’autre au nom d’un synode africain (lxxii). La pensée de Cyprien sur l’autonomie de l’évêque dans sa sphère s’y affirme très nettement, Ep., lxxii, 3, p. 778, 4-7 : I^ec nos vim cuiqiiam facimus atit legem damus, quando habeat in Ecclesiæ adminiatratione voluntatis suæ arbitriuni liberuni unusquisque præpositus, rationem actus sui Domino redditurus.

Mais le pape Etiennb allait prendre dans la question baptismale une position aussi ferme que son prédécesseur Victor, soixante ans plus tôt, dans la question pascale. On sait la teneur du fameux rescrit conservé dans une lettre de saint Cyprien :

« Pas d’innovation, s’en tenir à la tradition », Ep., 

lxxiv, i, p. 799, 16 : Nihil innovttur, nisi quod iraditum est… — C’était la réponse d’un supérieur hiérarchique.

Saint Cyprien ne la comprit pas. Car s’il n’avait pas de doute sur la primauté du siège de Rome, il ne pensait pas que cette primauté emportât le droit