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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/724

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PAPAUTE

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exemple), ou même le magistère du Pape, quand sa définition est acceptée par tous les évêques catholiques (ceux ijui sont en communion avec la chaire de Pierre, centre de l’unité). Mai » ils niaient l’infaillibilité spéciale du Pape, celle qu’il a en dehors du concile et de tout consentement des évêques. C’est cette infaillibilité, la seule niée par les gallicans, qui est précisément l’objet de cet article. C’est donc le point de vue des gallicans, les objections gallicanes, qu’il nous incombe directement d'étudier et de critiquer ici. — On dira peut-être que la controverse gallicane a perdu son importance, le gallicanisme étant mort au concile du Vatican. Mais quand il serait bien mort, notre apologétique devrait encore reprendre les pièces du procès, si elle veut juslilier le jugement du concile en face de l’hostilité protestante, schismatique et rationaliste ; elle devrait montrer à leurs critiques, à leurs historiens des dogmes, que le dogme de l’infaillibilité spéciale du Pape est renfermé dans les sources anli(iues du christianisme, dans l’Ecriture et dans l’ancienne tradition, comme ses défenseurs le montraient jadis aux gallicans ; sans parler de l’intérêt que présente la controverse gallicane pour l’histoire de l’Eglise et l’histoire de notre pays. Du reste, toute erreur récemment condamnée laisse après elle quelques vestiges et quelques préjugés, et je ne sais quelle facilité de recommencement. Enlin, les gallicans n’ont pas disparu partout, puisque, après le concile du Vatican, un petit nombre d’anti-infaillibilistes, plutôt que d’accepter la délinilion de l’infaillibilité, a préféré sortir de l’Eglise, et qu’il reste encore quelque chose de ce schisme, dit des « vieux-catholiques », Voir Gallicanisme, col. a34- Parmi les anglicans de la

« haute Eglise », plusieurs ont continué le système

gallican, ou ont utilisé ses objections.

Le système gallican, si on le prend dans son ensemble, déborde notre sujet.

Il renferme :

a) One négation de l’infaillibilité spéciale du Pape, que traite le concile du Vatican au cliap. 4 de sa rv* session, D. B., 1832-1840 ; c’est notre sujet.

fc)Des théories sur le gouvernement ecclésiastique, dans lesquelles, en laissant au Pape la première place, on diminue beaucoup son autorité pour augmenter celle des évêques ; point traité au cbap. 3 de la même session, D. B., 1826-1831.

c) Des théories sur les rapports de l’Eglise et de l’Etat chrétien, que le concile interrompu n’a pas eu letemps d’examiner. En particulier, le gallicanisme refuse aux Papes tout pouvoir, même en des cas extraordinaires, de déposer un roi, comme ils l’ont fait quelquefois. Des quatre propositions de 1682, qui résument la doctrine gallicane, la première roule sur les rapports du Pape et du roi, la deuxième sur les rapports du Pape avec les évêques assemblés en concile général, la troisième sur les libertés de l’Eglise (et du royaume) de France, la quatrième seulement parle de l’infaillibilité pontificale. Voir Gallicanisme, col. igS-ig^.

Nous n’avons donc rien à faire avec ce qu’on a nommé le gallicanisme « politique », concernantles rapports de l’Eglise avec les pouvoirs politiques, mais seulement avec le gallicanisme « ecclésiastique » concernant le droit public interne de l’Eglise (Ibid., col. 198). Et encore n’avons-nous pas à étudier, dans le gallicanisme ecclésiastique, la partie qui regarde le gouvernement de l’Eglise, a. juridiction du Pape dans ses rapports avec celle des évêques : mais seulement la partie qui concerne le suprême magistère du Pape et son infaillibilité, que les gallicans font dépendre de la collaboration ou du consentement des évêques, comme d’une condition nécessaire.

ni. DEVELOPPEMENT HISTOIUQVE

DE LA CONTROVERSE ENTRE CATHOLIQUES

SUR L’INFAILLIBILITÉ PONTIFICALE

Il existe d’importantes études sur l’histoire du gallicanisme. Mais en abordant ce vaste sujet, les historiens ont été naturellement amenés à y voir de préférence les questions d’un caractère plus extérieur, plus semblable aux questions politiques qui sont familières à l’histoire. Telle est la question de la forme du gouvernement dans l’Eglise et du rôle qu’y jouent le Pape, les évêques, le concile. Telleest, et encore plus, la question des rapports du Pape avec les pouvoirs politiques, et de leur indépendance réciproque. Les liisloriens ont relativement laissé dans l’ombre la troisième des grandes controverses gallicanes, celle qui roule sur l’infaillibilité pontificale, comme étant plus spécifiquement théologique, moins saisissable au grand public, moins directement importante pour les conséquences extérieures et sociales. Nous avons donc à compléter l'étude historique du gallicanisme sur ce point qui est précisément notre sujet, en apportant notre modeste contribution de documents spéciaux. Clit appel à l’histoire sera une plus vivante manière de saisir et d’apprécier le grand mouvement des esprits pendant plusieurs siècles — pour et contre l’infaillibilité du Pape — plutôt qu’un long et abstrait catalogue d’arguments et d’objections. On verra mieux les tristes conséquences de la négation de ce dogme.

" Bpoque : Les origines : Le grand schisme d’Occident et le XV siècle. — Le gallicanisme ecclésiastique ne commence pas, quoiqu’on l’ait dit souvent, à la Un du xm* siècle ou au début du xiv*, avec Philippe le Bel, ce qui n’est vrai que du gallicanisme politique. Voir Gallicanisme, col. a14-a16. Il faut allerjusqu’au grand schisme d’Occident(1378) pour voir les débuts réels du gallicanisme ecclésiastique ; iiirf., col. 219. Ce n’est pas même dans les premières années du grand schisme qu’il commence, du moins quant à la négation de l’infaillibilité pontificale. L’Université de Paris, où il se développe, et Pirrred’Ailly, qui en sera le fondateur, surtout par son disciple Gbhson, fournissent encore en 1 388 un beau témoignage à cette infaillibilité. Pierre d’Ailly fut envoyé alors à Avignon pour défendre devant Clément VII la cause de l’Université contre le dominicain Jkan de Montson. A cette occasion il composa pour le Pape un long mémoire (tractatus), d’après les délibérations de l’Université et en son nom. Ce mémoire nous a été conservé en entier par d’ArgbnTRÉ, Colleciio judiciorum de novis erroribus, etc., Paris 1724, t. I, 2* partie, pp. 75-129, C’està d’Argentré que nous renvoie, pour ce mémoire, Deniflb, Cliartularium universitatis Parisiensis, Paris, 1894, t. III, p. 505. Jean de Montson, dont quelques propositions avaient été condamnées par la Sorbonne et l'évéque de Paris, en avait appelé au Pape, et alléguait comme principal moyen de défense l’incompétence de ses juges, vu qu’il appartient au Pape seul de juger en matière de foi. Pierre d’Ailly dislingue ici entre le jugement suprême qui appartient au Pape, le jugement inférieur etsubordonné qui appartient à l'évéque dans son diocèse, et la censure théologique ou « scolastique », sans autorité judiciaire, qui appartient à la faculté de théologie.

« C’est au Saint-Siège Apostolique, dit-il, qu’il appartient de définir judiciairement, et d’une autorité

suprême, les choses de foi. Nous le prouvons par ce syllogisme : C’est à celui dont la foi est indéfectible, qu’il appartient de définir avec l’autorité d’un juge suprême les choses de foi : or la foi du Saint-Siège