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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/734

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PAPAUTE

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d’autres défenseurs de rinfaillibilité, d’avoir utilisé ces pièces pour montrer que le clergé de France jusqu’en 1660 était de leur avis ; Edmond itidier, t. I, p. ^4 sq. Si la remarque est juste, du moins elle n’est pas applicable au document épiscupal que nous venons de citer, antérieur à 1652, où Marca ne tenait pas la plume, et où il n’y a pas traces de semblables formules.

En 1Û61, après la mort deMazarin et dans les débuts du gouvernement personnel de Louis XIV, le parlement, le parti ricliériste et les jansénistes menèrent grand bruit autour d’une lUèse soutenue par un jésuite au collège de Clermont à Paris. « Jésus-Christ, disait-il, a accordé à saint Pierre et à ses successeurs parlant ex cathedra la même infaillibilité qu’il avait lui-même. » Ce qui pouvaitêtre pris dans un bon et un mauvais sens. Ensuite la thèse semblait mettre sur la même ligne, comme également certaines de foi divine », l’infaillibilité que possède le Pape sur la

« question de droit » et celle (fort discutée alors)

qu’il a sur la a question de fait » — ; et cela sans distinguer explicitement entre un fait dogmatique et tout autre fait : confusion qui déplut à la Sorbonne, d’après d’Argbntré, t. III, 2' part., p. 302, 303. On en profita pour attaquer en général l’infaillibilité du Pape. Aussitôt Le Tellier, ministre d’Elat, demanda au nom du roi un examen de cette thèse de Clermont à l’archevêque Pibhhb de Marca, qui répondit par un Mémoire confidentiel resté manuscrit. La meilleure copie quenous en ayons, signéeelauthentiquée par le célèbre Baluze, alors secrétaire de Marca, se trouve à la Bibliothèque nationale (mss. fr. 17614), cf. Puyol, op. cit., t. ii, p. 4'|6. L’archevêque insiste sur la question principale, celle de l’infaillibilité du Pape prise en général, et veut renseigner exactement le jeune roi et son ministre sur la place que cette doctrine occupe dans le monde catholique au moment présent, pour que leur politique religieuse soit éclairée et prudente. Les renseignements qu’il donne sont d’autant plus précieux pour notre histoire, que, gallican lui-môme, et ayant écrit en faveur du gallicanisme un livre qui avait été mis à l’index, il n’est pas suspect de partialité en faveur des privilèges pontificaux. que d’autre part, on ne peut lui refuser de vastes connaissances, la curiosité de tout ce qui se disait dans le monde catholique à propos de rinfaillibilité ; enfin qu’il résumait dans ce dernier travail les recherches d’une vie déjà minée par la maladie et destinée à finir dans quelques mois.

Or ce témoignage d’une valeur exceptionnelle présente la doctrine infaillibiliste sous le nom de

« doctrine commune » et il ajoute : a Cette opinion

est la seule que l’on enseigne et l’on embrasse dans l’Italie, l’Espagne et autres provinces de la chrétienté. 1) Et ailleurs : « L’autorité de pouvoir être juge infaillible, parlant ex cathedra en matière de foi, est acquise au Pape par le consentement de toutes les Universités, excepté l’ancienne Sorbonne. Le pape aurait sujet de se plaindre que, lorsqu’il souffre et tolère l’opinion contraire qui est de peude personnes, on ne puisse avoir la considération de souf frir et tolérer l’opinion générale, qui appuie ouvertement ses droits. > (Mémoire, § xxi) « … La plus grande partie des docteurs, non seulement de théologie, mais encore de droit, suivent l’opinion commune et se moquent de celle de l’ancienne Sorbonne. » (§xxni) Observons qu’en théologie et en droit canonique l’opposition d’un petit nombre de docteurs n’empêche pas d’appeler une opinion « commune ». En France même, Marca reconnaît que la doctrine commune garde encore des défenseurs. Même à présent, dit-il, on enseigne cette doctrine dans la Sorbonne ; car le même jour, la' de décembre, lors qu’on disputait au collège de Clermont sur les thèses précédentes, on soutenait en Sorbonne la même thèse en substance, qui est conçue aux termes suivants : Romanus Pontifex conlro^'ersiarum ecclesiasticarum est constitutus judex a Cliristo, qui ejiis definitionibus indeficientem fîdem promisit, etc.

— D’ailleurs, ajoute-t-il, il n’y a là aucun danger pour l’Etat : « Les craintes que l’on veut donner de la doctrine commune sont sans fondement, et n’ont d’autre dessein pour le présent, comme il a paru par les livres écrits et imprimés par les jansénistes, que d'émouvoir l’autorilé séculière sans cause afin de former un grand schisme dans toute l’Eglise. » Enfin, dil-il, « pour conclusion de l’examen de cette thèse on soutient qu’il n’y a rien qui mérite censure, et de plus il importe au service du Roi et à la paix publique de l’Eglise et du royaume, qu’on ne traite point de cette matière en Sorbonne ou ailleurs, d’autant que ce serait faire une injure très sensible au Pape et introduire un schisme, en censurant une doctrine qui regarde la foi, laquelle on tient, pour le moins, probable. »

En face de cette « doctrine commune qui est reçue dans les écoles », il présente « celle qu’on appelle ailleurs (qu’en France) la doctrine des Parisiens, à savoir celle deŒrson, AUiacensis, Almayn, Major et autres ; … celle qui enseigne que, sans les consentements (du corps épiscopal) précédents, conjoints ou postérieurs, les décisions du Pape seul n’obligent point les fidèles à les recevoir comme articles de foi divine. Néanmoins ils ajoutent une maxime constante, qu’en ce cas même, les décrets obligent tous les fidèles à y obéir avec un respect extérieur, en s’abstenanl de parler, écrire ou dogmatiser au contraire, jusqu'à ce que la matière ait été entièreuient éclaircie en un concile général ou parle consentement et acceptation de l’Eglise… Tout ce que l’on a pu obtenir de l'équité des Romains et de l’universalité des docteurs qui les suivent, est de ne point condamner cette opinion comme hérétique ni schismatique, se contentant de la nommer opinion tolérée, comme font Navarrus, Bellarmin, Suarez et autres écrivains du parti contraire. « (Mémoire, §xxv)

— Malgré tout, Marca préfère comme plus probable à son avis et cherche à étayer l’opinion « des Parisiens », tout en avouant que la doctrine commune

« a des fondements assez dilUciles à résoudre ».

C'était l’homme des compromis et des tolérances mutuelles.

Ce mémoire manuscrit de Marca n’a point échappé aux théologiens qui défendirent plus tard la doctrine commune de l’infaillibilité contre la Déclaralion de 1682, comme Thyusb Gonzalkz, De infallibilitate Rom. Pont., Rome, 1689, pp. 388 sqq., 577 sqq ; le cardinal Sfondbate, Gallia vindicata, 170a, p. 786 ; Soardi, De suprema Rom. P. auctoritate, Avignon, 1747, t. I, p. 2a 1. — Il atteignit momentanément son but ; car Le Tellier d’abord, puis le conseil de conscience du roi, adoptèrent l’attitude tolérante conseillée par Marca, qui fut alors élevé de l’archevêché de Toulouse à celui de Paris. Défense fut faite au parlement et à la Sorbonne de s’occuper d’une censure de la thèse de Clermont ; cf. PuYOL, ibid., p. 494. C’est peu après (mars 166a) que Louis XIV, à propos d’un décret d’Alexandre VII favorable à la canonisation de saint François de Sales, écrivait à l'évêque du Puy une lettre, découverte par Gérin dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale, où il parlait dans le sens le plus romain de « l’infaillibilité » du Pape ; Giinm, Recherches histor. sur l’assemblée de 1682, a" édit., Paris, 1870, p. aa.

3' Les événements de 1663, préludes de ceux