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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/78

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MARIE, MERE DE DIEU

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Ce « premier recensement sous Quirinius » — disons-le en passant —, fut longtemps une énigme pour les commentateurs de l’Evangile. En effet, il n’a laissé aucune trace chez les historiens profanes, aucune trace non plus dans la célèbre inscription découverte, au siècle dernier, à Ancyre en Galatie, et qui retrace toute la carrière politique d’Auguste. Par ailleurs, on a cru prendre l’évangéliste en flagrant délit d’erreur historique. Car les faits qu’il raconte sont antérieurs de cinq ou six ans à l’ère chrétienne ; d’autre part on connaissait la date du gouvernement de Quirinius en Syrie, 6 ; de l’ère chrétienne. Entre les deux dates, l’écart est donc d’au moins dix ans. Or voici que de nos jours l’épigraphie, en révélant un premier gouvernement de (Juirinius en Syrie, est venue disculper saint Luc, et l’imputation d’erreur chronologique retombe sur ses auteurs. Voir art. Epigrapbib, t. I, 14a5-1427.

Mais passons.

Nous avons déjà noté plus haut comment l’évangcliste de l’Annonciation, ayant à rappeler ici le lien qui unit Marie à Joseph, évite de trancher le mot, et l’appelle d’un nom qui pourrait convenir à une simple fiancée — -ç tuii/ ; 7rvjyivri KÙTû. D’autre part, saint Luc appelle Jésus le premier-né de Marie — tov uiiv xùzf.i zov 7TcwToV « i » — ; de là on a conclu que Jésus était le jiremier-né de plusieurs frères.

Saint JÉHÔMB a depuis longtemps fait justice de cette objection. Adi Helvidium, x, P. L., XXIII, 192 B : Omnis unigenitui est primogenitus : non oninis primogenitus est iinigenitus. Primogenitus est non tantiim post quem et alii, sed unie quem nulliis. C’està-dire que le mot ^remier-ne, selon l’usage biblique, ne s’emploie pas seulement par comparaison avec des frères puînés, mais absolument. Qu’on se reporte au texte de la Loi, on y trouvera la délinition exacte du premier-né ; Ejrod., xxxiv, 19-ao : Omne quod aperit i’uhani generis masctitini…, cf. Ex., xui, a. 13. 13 ; ou tim., xviii, 15 sqq. En Israël, les mères n’attendaient pas, pour se soumettre à cette loi touchant les premiers-nés, de savoir si elles auraient d’autres fils ; Marie elle-même le montrera au jour de la purification. Telle est la valeur du Tfivzdroy.ci des

Septante, comme du "1133 hébraïque. Après la visite des bergers à la crèche :

Luc, ii, 19 :

Or Marie’conservait tous ces souvenirs, les repassant en son cœur.

Suit l’épisode de la purification :

Luc, II, 32. 33. 37. 38. 33-35. 39 :

Quand furent accomplis les jours de leur purification, selon la Loi du Moïse, ils I9 poi terent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon qu’il est écrit dans la Loi du Seigneur : >, Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur " »…

Comme les parents apportaient l’enfant Jésus, pour accomplir à son sujet les prescriptions de la Loi. [Siméon] le reçut dans ses bras, bénit Dieu, et dit ; [Sunc diiniitis].

Or le père et la mère [de JésusJ étaient dans l’admiration des choses qu’on disait de lui. Et Siméon le bénit, et dit à Marie sa mère : « Voici que cet [enfant] est au monde pour la chute et le relèvement d’un p^raml nombre en Israël, et pour [être] un signe de contradiction — ; et pour vous-même, un glaive percera votre âme. alin que soient révélées les pensées de bien d « s cœurs)).,.

Et quand ils eurent accompli tout ce que prescrit la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth leur ville.

Ni la loi touchant l’offrande des premiers-nés

n’était faite pour Jésus, ni la loi touchant la purifi-’cation des femmes n’atteignait Marie, devenue mère sans souillure. En se soumettant néanmoins aux prescriptions mosaïques, Marie et Joseph donnent l’exemple du respect et de la docilité.

En présence des grandes choses cpi’ils entendent dire de Jésus par Siméon, leui’étonnement n’est pas tant celui de l’ignorance que de l’admiration pour les œuvres de Dieu. La prophétie de Siméon, écho de /s., viii, i^, s’adresse principalement à Marie, destinée à être, avec son Fils, mise en discussion, itfa «., xiii, 55 ; Marc., vi, 3. Sur le mode complet de sa réalisation, les exégètes ont parfois oscillé : Origènk croyait la trouver dans la dispersion des Apôtres au temps de la Passion, In Luc., Hom. xvii, P. G., XllI, 1845, et n’a pas craint d’alfirmer que Marie elle-même participa au scandale des disciples. L’écho d’Origène se retrouve plus ou moins distinct en saint Ba.sile, Ep. CCLX, 9, P. G., XXXU, 968 A ; en saint HiLAmE, In Ps. cxviii, 12, P. L., IX, ôaS A ; chez le Pseddo-Ghégoihb dk Nvsse, De occursu Dnmini, P. G., XLVI, 1176 ; chez le Pseudo-Chrysostomb, In Ps. xiii, 4, P. G., hV, 555 ; chez le PsBUDo-AutJUSTiN, Quæstiones ex N. T.. Lxxm, P. L., XXXV, 2267-8 ; en saint Cyrille d’Alexandrie, fn Inan., 1. XII, P. G., LXXIV, 661. Ces conjectures, qui d’ailleurs n’ont aucun caractère dogmatique, n’engagent que la parole de leurs auteurs. Encore est-il juste d’observer avec Newman, Du culte de la sainte Vierge dans l’Eglise catholique, note F, trad. de 1908, p. aoo-2a/i, que les Pères ont voulu noter l’infirmité naturelle de la femme, plutôt qu’imputer à Marie une faute formelle. Quoi qu’il en soit, l’Eglise ne l’entend pas ainsi. C’est au Calvaire surtout qu’elle reconnaît l’&me de la Mère de douleurs, percée d’un glaive :

Cuius animam gementem,

Contristatam et doieniem,

Ptrtramivit gladiut.

Là sont révélées leg pensées de bien des cœurs, par la faiblesse des uns et la fidélité des autres. Marie n’est nullement compromise dans la défection du corps apostolique ; elle donne héroïquement et jusqu’au bout l’exemple du dévouement à son Fils qui est son Dieu, signe de vie pour les croyants et de condamnation pour les aveugles volontaires, loan., III, !. 18 ; V, aS-ai ; ix, 89 ; I Cor, , 1, a3-a4. Telle l’apôtre saint Jean nous la montre au pied de la Croix, angoissée, mais debout, loan., xix, 26. Au Calvaire, l’humanité se partage en deux, pour et contre le Sauveur : Marie est à la tête des croyants, car le glaive de douleur l’a transpercée sans l’abattre. D’autres ont souffert scandale ; comme aux jours lointains de la fuite en Egypte, Marie est demeurée fidèle à Jésus, sans donner aucun démenti à la prophétie de Siméon.

Sur la trame uniforme de la vie à Nazareth, un seul épisode se détache ; le voici :

Luc, II, 40-51 :

Cependant l’Enfant croissait ol se fortifiait, rempli d* sagesse, et la grâce de Dieu était ?ur lui. Or ses parents allaient avec lui chaque année à Jérusalem, en la fête de Pâque. Quand il eut douze ans. ils y montèrent selon la coutume de cette fcte, et, après les jours accomplis, quand ils s’en retournèrent, l’enfanl Jésus demeura à.Jérusalem, et ses parents ne s’en aperçurent pas. Pensant qu’il était dans la caravane, ils firent une journée de route et le cherchaient parmi leurs parents et connaissances ; ne l’ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem pour le chercher. Au bout de trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant ; tous ceux qui l’entendaient étaient émerveillés de son intelligence et de ses réponses, A sa vue, ils furent frappés d’otonnement. et sa mère lui dit : a Mon enfant, pourquoi avez-vous agi ainsi