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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/83

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MARIE, MERE DE DIEU

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que la préexistence du Christ comme Fils éternel de Dieu est une doctrine fondamentale de saint Paul ; non seulement d’après les épîtres de la captivité, Phil., II, 6-11 ; Col., 1, 15-ao, mais encore d’après les grandes épîtres, qui représentent, dans la pensée de l’Apôtre, un stade antérieur. Ainsi Ilom., viii, 3.32 ; Gal., IV, 4-5 ; I Cor., x, l, ; xv, /iô-l, y, Il Cor., y, 21 ; VIII, 9. « Le Christ accompagnait déjà les Israélites dans leurs pérégrinations au désert ; de riche et d’innocent qu’il était, il s’est appauvri, il a consenti d’être traité en coupable, pour l’amour de nous ; en lui, le Père nous donne son propre Fils, un second Adam qui descend du ciel… » A. Durand, L’enfance de Jésus-Christ, p. 127. On oublie encore l’usage fait de Ps. II, 7 dans Ileh., i, S-ia ; v, 5-io. Au jugement de H. HoLTZMANN, Lehrbuch der NT Théologie, t. II, p. 82, seule une exégèse tendancieuse peut prendre ces textes au sens d’une existence purement idéale. Par ailleurs, la mention expresse de la conception virginale n’était nullement appelée par le contexte de Jlom., I, 4. et le silence de saint Paul se justiûe par les mêmes raisons qui nous ont déjà paru juslilier le silence de saint Marc. On l’a très bien dit (L. db Grandmaison, Etudes, CXI, p. 515) : « Ce miracle était un signe pour Marie, une preuve que celui qu’elle enfanterait était vraiment le Fils de Dieu ; pour les Romains, ce ne pouvait être qu’un objet de foi, dont la mention eût surchargé, sans ajouter à la force, l’exposition des points classiques de la catéchèse primitive. »

L’apôtre saint Jean s’est encore souvenu de Marie dans le tableau d’une de ses visions :

Apoc, XII :

Un grand signe parut dans le Ciel : une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et sur sa tjte une couronne de douze étoiles ; elle était enceinte et criait, dans le travail et les douleurs de l’enfantement. Et un autre signe parut dans le ciel : voici un grand dragon roux, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraitïait un tiers des étoiles du ciel, et les jeta sur terre. Le dragon se dressa devant la femme qui allait enfanter, afin, quand elle enfanterait, de dévorer son fruit. Et elle enfanta un fils, [un enfant] mâle, destiné i paître toutes les nations avec une verge de fer. Et l’enfant fut ravi vers Dieu et vers son trône. La femme s’enfuit au désert, où elle avait un endroit préparé par Dieu, pour y être nourrie pendant mille deux cent soixante jours. Et il y eut un com’nat dans le ciel : Michel et ses anges combattaient contre le dragon ; le di-agon et ses anges combattirent, mais ils ne purent prévaloir, et leur place disparut du ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, l’antique serpent, appelé diable et Satan, séducteur do toute la terre, il fut précipité sur terre, et ses anges furent rejetés avec lui. Et j’entendis une grande voix dans le ciel, qui disait : « ’oici maintenant le salut, la puissance, la royauté de notre Dieu et le pouvoir de son Christ. Il a été précipité, l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. Ils l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la parole de levir témoignage ; ils ont renoncé à l’amour Je leur vie, jusqu’à [subir] la mort. Réjouissez-vous donc, cieux et habitants des cieux ! Malheur à la terre et à la mer, parce que le diable est descendu vers vous avec une grande colère, sachant ({u’il lui reste peu de temps. » Quand le dragon se vit précipité sur la terre, il poursuivit la femme qui avait mis au monde l’enfant mâle. Et la femme re( ; ut les deiix ailes du grand aigle, pour voler au désert, en sa retraite où elle est nourrie un temps et des temps et un demi-temps, loin de la face du serpent. Et le serpent lan( ; a de sa bouche, après la femme, de l’eau comme un fleuve, pour l’enlrainer dans le courant. Mais la terre vint au secours de la femme : elle ouvrit la bouche et absorba le fleuve que le dragon avait vomi. Et le dragon irrité contre la femme s’en alla faire la guerre au reste de sa race, A ceux qui gardent les commandements de Dieu et possèdent le témoignage de Jésus. Et il s’arrêta sur le sable de la mer.

Cette femme en butte aux attaques du dragon, fuyant au désert et poursuivie dans sa race, dans

ces fidèles qui gardent les commandements de Dieu et le témoignagede Jésus, figure manifestement l’Eglise des persécutions ; mais les traits dont le voyant l’a peinte, ne sont pas tous inédits. Quand il nous la montre mettant au jour un enfant mâle, destiné à paître les nations avec une verge de fer, impossible de ne pas reconnaître, dans cet enfant et dans sa mère, le Christ, tel qu’il est peint au Psaume 11, et la mère du Christ. Quand il décrit la lutte de la femme et du dragon, impossible de ne pas se référer à la première page de la Genèse, où Dieu annonce des inimitiés entre la race de la femme et le serpent ; d’autant que le voyant souligne lui-même son intention, en identiliant expressément le dragon de l’Apocalypse à l’antique serpent, appelé diable et Satan, séducteur de toute Iaterre(xii, 9). Doncnous retrouvons ici la nouvelle Eve. Saint Jean a fondu dans sa peinture des traits pris du Christ réel et de Marie sa mère, avec des traits qui conviennent seulement au Christ mystique et à l’Eglise mère de tous les chrétiens. Apôtre aimé de Jésus, chargé de veiller après lui sur Marie, saint Jean laisse percer discrètement son amour et son respect filial en assignant à Marie la seule place qui lui convienne : dans le ciel, d’où elle présideà l’enfantement des élus. C’est pourquoi l’Eglise, dans sa liturgie, ne craintpas de transporter au personnage de Marie toute cette peinture, dont Marie a fourni le prototype et l’inspiration. L’enfantement des élus à travers les siècles occupe ici le premier plan ; mais, à rarrière-plan, noiis distinguons une maternité de grâce, collaborant à l’œuvre du Hédempteur ; et cette maternité appartient en propre à Marie.

Ainsi la prophétie du Nouveau Testament clôt harmonieusement le cycle ouvert par l’histoire de l’Ancien Testament : à l’imprudence fatale de la première Eve, répond l’apothéose delà nouvelle Eve. Dans son encyclique pour le cinquantième anniversaire du dogme de l’Immaculée Conception, Pib X applique simplement à Marie la vision de l’Apocalypse (2 fév. 1904).

On peut lire, sur cette vision, le card. Nbwman, Du culte de la Sainte Vierge dans l’Eglise catholique ; traduction revue par un bénédictin de Farnborough, p. 80-92, Paris, 1908 ; Terrien, La mère de Dieu et la mère des hommes, VIII, iii, t. l’y, p. 59-86 ; de la BnoisE, La sainte Vierge, p. 23g-241.

Conclusion sur.Varie dans l’Ecriture sainte

L’Ancien Testament associait déjà la figure de la Femme, et plus particulièrement de la Vierge mère, à celle du Rédempteur, Le Nouveau Testament dévoile le personnage de Marie, et, par la bouche de saint Matthieu et de saint Luc, affirme expressément sa maternité virginale. Marie apparaît, inséparable de Jésus, dans les mystères de l’enfance. Plus tard, son rôle maternel une fois rempli auprès de l’Enfanl-Dieu, elle s’efface, et l’on a cru noter dans l’Evangile quelque froideur, sinon quelque hauteur, de Jésus à son égard. Mais cette impression ne résiste pas à une exégèse consciente de toutes les données défait. Au moment où Jésus disparaît de ce monde, on voit poindre le rôle maternel de Marie envers l’Eglise. Si, malgré tout, on s’étonnait que la part de Marie dans le N. T., en dehors des évangiles, ne soit pas plus grande, nous répondrions volontiers avec le card. Nkwman (o/). cit., p. 92) : Marie était ou pouvait être encore vivante quand les Apôtreset les Evangélistes écrivirent. Mais voici un livre du N.T., composé sûrement après sa mort, l’Apocalypse : or ce livre la canonise, pour ainsi dire, et la couronne.

A consulter :

Aloys ScHABFER, Die Gottesmulter m der heiligcn