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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/86

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MARIE, MERE DE DIEU

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la vérité religieuse dans toutes les écoles philosophiques et sous tous les cieux, etdansle sein de laquelle il souffrit le martyre.

Saint Ihénéb de Lyon possède une autorité personnelle encore plus grande, puisqu’il représente à la fois la tradition des anciens presbytres d’Asie, qu’il avait entendus durant sa jeunesse, et la tradition de l’Eglise romaine, où il avait séjourné ; enfin c’est un évêque du siège primatial des Gaules, et probablement aussi un martyr. Il écrit, touchant la foi de l’Eglise universelle, Adv. Ilær., 1, x, i, P. G., VII, 549 A :

L’Eglise dispersée par tout le monde… (croit) à un seul Jésus-Christ, Fils de Dieu, incarné pour notre salut, et au Saint Esprit qui, par les prophètes, a annoncé les desseins de Dieu et ses avènements, sa naissance d’une vierge…

Cf. III, V, 2, 855-856, sur les Eglises apostoliques. Il nomme et llétrit les hérétiques opposés au dogme de la maternité divine :

Ibid., I, XXVI, I, 686B :

… (Cérinthe enseigna)… que Jésus est né, non d’une vierge (il tient cela pour impossible), mais de Joseph et de Marie, k la fa(, *on de tous les autres hommes ; et qu’il s’éleva au-dessus des hommes par sa justice, sa prudence et sa sagesse.

Ibid., III, XXI, 1, 945AB :

Dieu s’est fait homme, le Seigneur lui-même nous a sauvés en nous donnant le signe de la vierge… Non pas comme disent quel(]ues-uns de ceux qui de nos jours osent interpréter l’Ecriture : « Voici que la jeune femme (vtàvi ;) concevra et enfantera un fils », selon l’interprétation suivie

f>ar Théodole d’Ephèse et Âquila du Pont, tous deux proseytes juil’s : ainsi, les Ebionites disentqu’ilcst né de Joseph ; ruinant, dans la mesure de leurs forces, un si grand dessein de Dieu, et frustrant le témoignage des prophètes…

Il fonde sa croyance sur l’Ancien et sur le Nouveau Testament ; en disant

Ibid., III, XXI, 8, 953C :

Si (le Sauveur) était fils de Joseph, comment pourrait-il avoir plus que Salomon ou que Jonas, ou être plus que David, étant de même race qu’eux, et leur descendant ?

Ibid., 10, 954C-955A :

Adam, le premier homme, tiré d’une terre neuve et encore vierge, fut pétri par la main divine, c’est-à-dire par le Verbe divin,.^insi, restaurant en lui-même le personnage d’Adam, le Verbe en personne, naissant de Marie encore vierge, commençait-il par reproduire la génération d Adam.

Le parallélisme entre la première et la nouvelle Eve est repris par Irénée, qui le poursuit dans un très grand détail.

Ibid., iii, XXII, 4, 958-960 :

Marie, vierge, se montra obéissante en disant : « Voici votre servante. Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole, » Eve se montra désobéissante : elle désobéit alors qu’elle était encore vierge. Comme Eve, épouse d’Adam mais encore vierge, … devint désobéisbante et par là attira la mort sur elle-même et sur tout le genre Immain, ainsi -Marie, fiancée mais vierge, en obéissant, procura le salut à elle-même et à tout le genre humain. Aussi la Loi donne à la fiancée (d’Adam), encore vierge, le norn d’épouse, pour manifester le cyclequi, de.Marie, remonte à Eve : car les liens (du péché) ne sauraient être déliés que par un procédé inverse de celui qu’a suivi le poché… C’est pourquoi Luc, commençant sa généalogie par le Seigneur, remonta jusqu’à Adam, marquant par là que ce ne sont point (les ancêtres selon la chair) qui ont engendré le Seigneur, mais bien le Seigneur qui les a engendrés à la vie nouvelle de l’Evangile. De même, le nœud formé par la désobéissance d’Eve n’a pu être dénoué que par l’obéissance de Marie. Ce que Eve vierge a lié par son incrédulité, Marie vierge l’a délié par sa foi.

Ailleurs, il insiste sur la pureté transcendante de cette maternité.

Ibid., l, xxxiil, II, 1080B :

Les prophètes qui annonçaient l’Emmanuel né de la vierge, traduisaient l’union du Dieu Verbe à sa créature : car le Verbe sera chair, le Fils de Dieu sera Fils de l’homme : pur, ouvrant purement le sein pur qui rend les hommes à la vie en Dieu, et que lui-raéme a fait pur.

On peut rapprocher le traité d’Irénée Ei ; ’s-ne^n^cj toO’a-nocr’Aixoû y.rip&/fi.rxT-^i, récemment découvert en traduction arménienne, c.Liv, edd. KakapetTbr-Mekerttschian et Erwand Ter-Minassiantz, Leipzig, 1907 ; (lieclierches de science religieuse, oclohve-décembre 1916, trad. française de l’arménien, par F. Bar TIIOULOT.)

Les grands ennemis d’Irénée, les’gnostiques valentiniens, étaient des docètes, qui, niant l’humanité du Christ, devaient logiquement nier la maternité de Marie. Il repousse leurs prétentions. Adv. Hær., V, I, 2, 1 122 BC :

Nous avons montré que c’est tout un, de dire qu’il s’est montré seulement en apparence, et de dire qu’il ne tenait rien, de Marie. En efl’et, il n’eut pas réellement possédé la chair et le sang par lesquels il devait nous racheter, s il n’eût récapitulé en sa personne l’antique création d’Adam.

Une fois encore, voici lé parallèle entre les deux Eve ; Irénée tourne et retourne sur toutes les faces cet enseignement. Ibid, , Y, xix, i, ii^S :

Le Seigneur vint visiblement dans son domaine et fut porté par la créature que lui-même porte ; il accomplit la réparation de la désobéissance commise par l’arbre (de la science), en obéissant lui-même par l’arbre (de la croix) ; pour remédier à la séduction que subit malheureusement Eve, fiancée mais encore vierge la bonne nouvelle de vérité fut portée par l’ange à Marie, fiancée mais vierge. Comme Eve, séduite par le discours de l’ange, se détourna de Dieu et trahit sa parole, ainsi Marie entendit de l’ange la bonne nouvelle de vérité ; ejle porta Dieu dans son sein, pour avoir obéi à sa parole, Eve avait désobéi à Dieu ; Marie consentit à obéir à Dieu ; ainsi Eve vierge eut pour avocate Marie vierge. Le genre humain, enchainé par une vierge, est délivré par une vierge ; à la désobéissance virginale, l’obéissance virginale fait équilibre. Au péché du premier homme, la soult’rance du Fils premier-né (de Dieu) remédie ; la prudenci" du serpent cède à la simplicité de la colombe : les liens qui nous enchaînaient dans la mort sont déliés.

Par le soin très particulier qu’il prend de rattacher Marie à l’ensemble du plan divin et de marquer son rôle essentiel, à côté du nouvel Adam, dans l’œuvre de notre Rédemption, saint Irénée l’emporte sur ses contemporains et ouvre à la pensée chrétienne des voies fécondes ; il est vraiment, en même temps que le premier théologien de la Rédemption, le premier théologien de la Vierge mère.

Tertullien, qui le suivit de très près, et qui lui doit beaucouj), a recueilli notamment le meilleur de ses idées concernant Marie, et, comme toujours, il pousse ces idées avec une éloquence puissante et originale.

C’est surtout dans les dernières pages du De carne Christi que Tertullien s’occupe de la mère du Christ. Il reprend l’antithèse Eve-Marie. A l’encontre des doeètes valentiniens, qui accordaient que Jésus a passé par le sein de la vierge, mais niaient qu’il eût pris d’elle sa propre substance, il affirme, en termes d’un réalisme extrême, la vérité physique de cette maternité. Il la montre exigée par l’Evangile (Matt., I, uo), par saint Paul (Gal., iv, 4), par la prophétie d’Isaie (/s., vii, 14), lue à la lumière duN. T. Il maintientque lanière du Verbe devait rester vierge danssa conception ; mais il accorde qu’elle cessa d’être vierga